lundi 20 octobre 2008

PROTOCOLES DES SAGES DE SION des Jésuites et le Pape Noir

" Aucun événement politique ne peut être correctement appréhendé sans considération de l'implication du Vatican. Et aucun événement d'importance dans le monde ne se produit sans que le Vatican n'y participe, que ce soit de manière explicite ou implicite. "


Les jésuites étaient les auteurs des Protocoles. Ainsi, les jésuites ont écrit les Protocoles de la même manière qu'ils ont écrit les Secrets des Anciens de Bourg-Fontaine, et le langage des Protocoles est identique à celui de la réunion Secrète de Chieri (1825).


" Le Protocole des Sages de Sion " écrit par Victor E. Marsden, et publié à Londres en 1921 par la Britons Publishing Society.

*** On voit bien que Londres est le lieu de tous les mensonges, de toutes les conspirations, de toutes les propagandes..... Londres est le siège des Loges Maçonnniques (GLUA), ...... et de toutes les magouilles internationales.


J’ai recopié ce document pour vous le rendre ccessible


*** Sion - - - > Despote de sang



**** Juif n'est pas Sion et Sion n'est pas Juif

Selon moi, V.E., les SIONISTES sont des espions de Londres qui jouent aux Juifs mais sont des Allemands ou du moins sont vendus à leurs causes inhumaines.

Selon Régis Girard - - - > Le livre < est la preuve que l’Église a conspiré voire a dirigé Hitler contre les Juifs

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INTRODUCTION

Sur divers points du lointain horizon, l’on perçoit la formation de vagues d’antisémitisme. Elles n’ont qu’un très faible relief; mais sous le souffle des poussées juives qui se manifestent de tous les côtés, elles vont se creuser, accélérer leur allure et peut-être seront-elles formidables quand elles déferleront, avec une écume blanche fusant vers le ciel, sur les rivages où Israël a cru construire d’imprenables citadelles.

L’antisémitisme est-il provoqué par des causes superficielles et temporaires ou par des raisons durables et profondes? Les Juifs doivent-ils être considérés comme responsables, pour une large part, du malaise mondial consécutif à la guerre? Ce sont des faits rigoureusement constatés, des rapprochements loyalement opérés, des considérations logiquement déduites, qui peuvent seuls permettre de répondre à ces questions.



Protocole  1


SOMMAIRE. Le droit est dans la force. La liberté est une idée. Le libéralisme. L’or. La foi. L’Autonomie. Le despotisme du capital. L’ennemi intérieur. LA foule. L’Anarchie. La politique et la morale. Le droit du plus fort. Le pouvoir Juif franc-maçon est invincible. Le but justifie les moyens. La foule est aveugle. L’alphabet politique. Les discordes des partis. La forme de gouvernement qui conduit le mieux à votre but est l’autocratie. Les liqueurs fortes. Le classicisme. La débauche. Le principe et les règles du Gouvernement juif et franc-maçon. La terreur. Liberté, Égalité, Fraternité. Le principe du Gouvernement dynastique. Les privilèges de l’aristocratie des chrétiens détruits. La nouvelle aristocratie. Calcul psychologique. Abstraction de la liberté. Amovibilité des représentants du peuple.

Abandonnons toute phraséologie;… et comprenons le point de vue des chrétiens. Il faut remarquer que les hommes qui ont des mauvais instincts sont plus nombreux que ceux qui en ont des bons. C’est pourquoi on atteint les meilleurs résultats en gouvernant les hommes par la violence et la terreur, non par les discussions académiques. Chaque homme aspire au pouvoir, chacun voudrait devenir dictateur, s’il le pouvait; en même temps, il en est peu qui ne soient prêts à sacrifier les biens de tous pour atteindre leur propre bien.

Qu’est-ce qui a contenu les bêtes féroces qu’on appelle des hommes? Qu’est-ce qui les a guidé jusqu’à présent? Au début de l’ordre social ils se sont soumis à la force brutale et aveugle, plus tard ;a la loi, qui n’est que la même force, mais masquée. J’en conclu que d’après la loi de la nature, la loi est dans la force.

La liberté politique est une idée et non un fait. Il faut savoir appliquer cette idée quand il devient nécessaire d’attirer les masses populaires à son parti par l’appât d’une idée, si ce parti a formé le dessein d’écraser le parti qui est au pouvoir. Ce problème devient facile si l’adversaire tient ce pouvoir de l’idée de liberté, de ce qu’on appelle libéralisme, et sacrifie quelque peu de sa puissance pour cette idée. Et voilà où apparaîtra le triomphe de notre théorie : les rênes relâchés du pouvoir sont aussitôt saisies en vertu de la loi de vie par d’autres mains, parce que la force aveugle du peuple ne peut rester un seul jour sans guide, et que le nouveau pouvoir ne fait que prendre la place de l’ancien, affaibli par le libéralisme.

De nos jours la puissance de l’or a remplacé le pouvoir des gouvernements libéraux. Il fut un temps où la foi gouvernait. L’idée de la liberté est irréalisable, parce que personne ne sait en user dans une juste mesure. Il suffit de laisser quelque temps le peuple se gouverner lui-même pour que cette autonomie se transforme aussitôt en licence. Dès lors surgissent des dissensions, qui se transforment bien vite en batailles sociales, dans lesquelles les États se consument et où leur grandeur se réduit en cendres.

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…….. Toute décision de la foule dépend d’une majorité de hasard ou, tout au moins, superficielle; dans son ignorance des secrets politiques, elle rend des résolutions absurdes; une sorte d’anarchie ruine le gouvernement.

La politique n’a rien de commun avec la morale. Le gouvernement qui se laisse guider par la morale, n’est pas politique et par conséquent son pouvoir est fragile. Celui qui veut régner doit recourir à la ruse et à l’hypocrisie. Les grandes qualités populaires – la franchise et l’honnêteté – sont des vices dans la politique parce qu’elles renversent les rois de leurs trônes mieux que l’ennemi le plus puissant. Ces qualités doivent être les attributs des royaumes chrétiens, … Notre but est de posséder la force ….

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Pour trouver les moyens qui mènent au but de la gouverne du monde, il faut tenir compte de la lâcheté, de l’instabilité, de l’inconstance de la foule, de son incapacité à comprendre et à estimer les conditions de sa propre vie et de sa prospérité. Il faut comprendre que la puissance de la foule est aveugle, insensée, ne raisonne pas, écoute à droite et à gauche. Un aveugle ne peut conduire un aveugle sans le conduire au précipice, de même les membres de la foule, sortis du peuple, - fussent-ils doués d’un esprit génial, faute de rien comprendre à la politique, ne peuvent prétendre le guider sans perdre toute la nation.

Seul, un individu préparé dès l’enfance à l’autocratie, peut connaître le langage et la réalité politiques. Un peuple livré à lui-même, c’est-à-dire aux parvenus de son milieu, se ruine par les discordes de partis, qu’excitent la soif du pouvoir, et par les désordres qui en proviennent. Est-il possible aux masses populaires de raisonner tranquillement, sans rivalités intestines, de diriger les affaires du pays qui ne peuvent être confondues avec les intérêts personnels? Peuvent-elles se défendre contre les ennemis extérieurs? C’est impossible. Un plan divisé en autant de têtes … perd son unité … La civilisation n’est pas l’œuvre des masses, mais de leur guide, quel qu’il soit. La foule est un barbare (CROIENT-ILS : Redg) qui montre sa barbarie en toute occasion. Aussitôt que la foule prend en mains la liberté, elle l’a transforme bien vite en anarchie, qui est le plus haut degré de barbarie………………

Les peuples chrétiens sont abrutis par les liqueurs fortes…les femmes imitatrices volontaires de leur débauche et de leur luxe.

Notre mot d’ordre est : la force de l’hypocrisie. Seule la force peut triompher en politique, surtout si elle est cachée dans le talent nécessaire aux hommes d’État. La violence doit être un principe, la ruse et l’hypocrisie une règle pour les gouvernements qui ne veulent pas remettre leur couronne aux mains des agents d’une nouvelle force. Ce mal est l’unique moyen de parvenir au but, le bien. C’est pourquoi nous ne devons pas arrêter devant la corruption, la tromperie et la trahison, toutes les fois qu’elles peuvent nous servir à atteindre notre but. En politique, il faut savoir prendre la propriété d’autrui sans hésiter, si nous pouvons obtenir par ce moyen la soumission et le pouvoir Ce sont des Britishs et non des Juifs qui parlent ainsi : Redg).

Notre État, dans cette conquête pacifique, a le droit de remplacer les horreurs de la guerre par des condamnations à mort moins visibles et plus profitables, nécessaires pour entretenir cette terreur qui fait obéir les peuples aveuglément. …………. C’est notre devoir, pour obtenir la victoire, de nous en tenir au programme de violence et d’hypocrisie. Par cette doctrine basée sur le calcul…nous asservirons tous les gouvernements …Il suffira que l’on sache que nous sommes inflexibles pour que toute insubordination cesse.

C’est nous les premiers qui avons jeté au peuple les mots <> …. Mais, il ne peut y avoir de liberté … la nature elle-me^me a établi l’inégalité (FAUX, LA NATURE A ÉTABLI LA DIVERSITÉ qu’ils confondent pour de l’inégalité : Régis) des esprits, des caractères et des intelligences …. Ils n’ont pas compris que la foule est une force aveugle; que les parvenus qu’elle élit pour la gouverner, ne sont pas moins aveugles en politique qu’elle-même … la foule des non-initiés , n’entend rien en politique …. C’est là-dessus que reposait le principe du gouvernement dynastique; le père transmettait à son fils les secrets de la politiques, inconnus en dehors des membres de la famille régnante, afin que nul ne pût trahir le secret.

… le sens de la transmission héréditaire des vrais principes de la politiques ….

Pourtant, dans le mode, les mots Liberté, Égalité et Fraternité mirent dans nos rangs, par l’entremise de nos agents aveugles, des légions entières d’hommes qui portèrent avec enthousiasme nos étendards. … Ces mots rongeaient tous les non-Juifs, en détruisant partout la paix, la tranquillité, la solidarité, en sapant tous les fondements de leurs États… cela servit à notre triomphe …. Et d’abolir tous les privilèges … et l’aristocratie des chrétiens …Nous avons élevé notre aristocratie à l’intelligence de la finance, la richesse est devenue le nouveau critérium, et la science qui est dirigée par nos sages.

… Notre succès fut facilité du fait que nous ayons su toucher les cordes sensibles de l’esprit humain : le calcul, l’avidité, l’insatiabilité des besoins matériels … chacune de ces faiblesse humaine est capable d’étouffer l’esprit d’initiative en mettant la volonté des hommes à la disposition de celui qui achète leur activité.

L’idée abstraite de la Liberté a donné la possibilité de persuader aux foules qu’un gouvernement n’est pas autre chose qu’un gérant du propriétaire du pays, c’est-à-dire du peuple, et qu’on peut les changer comme on change des gants usés.

L’amovibilité des représentants du peuple les mettait à notre disposition; ils dépendaient de notre choix.



Protocole  2


SOMMAIRE. Les guerres économiques sont le fondement de la suprématie Juive. L’administration visible et les <>. Le secret des doctrines destructrices. L’assimilation en politique. Le rôle de la presse. Le prix de l’or et la valeur des victimes juives.

Il est nécessaire que les guerres ne donnent pas, autant que cela est possible, d’avantages territoriaux. La guerre ainsi transportée sur le terrain économique, et les Nations verront la force de notre suprématie et cette situation mettra les deux parties à la dispositions de nos agents internationaux, qui ont des milliers d’yeux que nulle frontière n’arrête. Alors nos droits internationaux effaceront les droits nationaux; au sens propre du mot et gouverneront les peuples de même que le droit civil des États règles les rapports de leurs sujets entre eux.

Les administrateurs, choisis par nous dans le public, en raison de leurs aptitudes serviles, ne seront pas des individus préparés pour l’administration du pays. Ainsi, ils deviendront aisément des pions de notre jeu, dans les mains de nos conseillers savants et géniaux, de nos spécialistes, élevés depuis l’enfance en vue d’administrer les affaires du monde entier… car nos spécialiste ont puisé leur les renseignements dans les expériences de l’Histoire et l’étude de tous les événements remarquables.

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Ne croyez pas nos affirmations sans fondement; remarquez le succès que nous avons su créer au DARWINISME, au MARXISME, au NIETZSCHÉISME. … ET L’INFLUENCE DÉLÉTÈRE DE CES TENDANCES EST ÉVIDENTE.

Il nous est nécessaire de compter avec les idées, les tendances modernes des peuples pour ne pas commettre d’erreurs en politique et dans l’administration des affaires. Notre système, dont les parties peuvent être disposées différemment selon les peuples que nous rencontrons sur notre route, ne peut avoir de succès si son application pratique n’est pas basée sur les résultats du passé confrontés avec le présent.

Les États modernes ont en mains une grande force créatrice : la presse. Le rôle de la presse est d’indiquer les réclamations soit-disant indispensables, de faire connaître les plaintes du peuple, de créer des mécontents, de leur donner une voix.

La presse incarne la liberté de la parole. Mais les États n’ont pas su utiliser cette force, et elle est tombée entre nos mains. Par elle nous avons obtenu de l’influence tout en restant dans l’ombre, grâce à elle nous avons amassé dans nos mains l’or, en dépit des torrents de sang et de larmes au milieu desquels nos avons dû les prendre … mais nous nous sommes racheté, en sacrifiant beaucoup des nôtres. Chacune de nos victimes vaut des milliers de chrétiens devant Dieu (c’est ce que croient les British protestants et pas seulement les Juifs :Régis)



Protocole  3


SOMMAIRE. Le serpent symbolique et sa signification. Instabilité de la balance constitutionnelle. La terreur dans les palais. Le pouvoir et l’ambition. Les machines à parier parlementaires, les pamphlets. Les abus du pouvoir. L’esclavage économique. <>. Les accapareurs et l’aristocratie. L’armée des francs-ma et le couronnement du <>. L’objet fondamental du programme des futures écoles populaires des francs-maçons. Le secret de la science de l’ordre social. Crise économique générale. Sécurité des <>. Le despotisme des francs-maçons est le règne de la raison. Perte d’un guide. La <> et la <> révolution française. Le roi despote est du sang de Sion. Causes de l’invulnérabilité de la franc-maconnerie. Le rôle des agents secrets de la franc-maçonnerie. La liberté.

Nous sommes près du but… le cercle du SERPENT symbolique (qui représente notre peuple) sera fermé. Quand ce sera fermé, tous les États de l’Europe y seront enserrés…

……………. La force clairvoyante des personnes régnantes et la force aveugle du peuple, divisées par nous, ont perdu toute importance…

Pour pousser les ambitieux à abuser du pouvoir, nous avons opposé l’une à l’autre toutes les forces, en développant toutes leurs tendances libérales vers l’indépendance …les entreprises sont encouragées en ce sens et les États sont transformés en arènes où se développent les troubles … pour que les désordres, les banqueroutes apparaissent partout.

Les bavards intarissables on transformé les séances de Parlements et les réunions administratives en luttes oratoires. De hardis journalistes, des pamphlétaires sans vergogne attaquent tous les jours le personnel administratif. Les abus de pouvoir prépareront la chute de toutes les institutions …

Les peuples sont enchaînés au lourd travail plus fort que ne les enchaînait l’esclavage et le servage. On pouvait se libérer de l’esclavage et du servage d’une manière ou de l’autre. On pouvait traiter avec eux, mais on ne peut se libérer de sa misère. Les droits que nous avons inscrits dans les constitutions sont fictifs pour les masses, et non réels. Tous ces prétendus <> ne peuvent exister que dans l’esprit, ILS NE SONT JAMAIS RÉALISABLES. Qu’est-ce pour le travailleur prolétaire courbé sur son travail pénible, écrasé par son sort, que le droit donné aux bavards de bavarder, le droit donner aux journalistes d’écrire toutes sortes d’absurdités en même temps que des choses sérieuses, du moment qu le prolétariat ne tire pas d’autres avantages de la constitution que les misérables miettes que nous leur jetons de notre table, en échange d’un suffrage favorable à nos prescriptions, à nos suppôts, à nos agents? Les droits républicains pour le pauvre diable sont une amère ironie : la nécessité d’un travail presque quotidien ne lui permet pas d’en jouir : en revanche ils lui ¸ ôtent la garantie d’un gain constant et sûr, en le mettant sous la dépendance des grèves des patrons ou des camarades.

Sous notre direction le peuple a détruit l’aristocratie qui était sa productrice et sa mère nourricière naturelle (?: Redg) elle dont l’intérêt est inséparable de la prospérité du peuple. Maintenant que l’aristocratie est détruite, il est tombé sous le joug des accapareurs, des filous enrichis qui l’OPPRESSENT d’une manière impitoyable.

Nous apparaîtrons comme des libérateurs de ce joug à l’ouvrier quand nous lui proposerons d’entrer dans le s rangs de cette armée de socialistes, d’anarchistes, de communards, que nous soutenons toujours sous prétexte de solidarité entre les membres de notre franc-maçonnerie sociale. …

………Notre puissance est dans la faim chronique, dans la faiblesse de l’ouvrier, parce que tout cela l’asservit à notre volonté et qu’il n’aura en sa puissance ni force ni énergie pour s’opposer à cette volonté. La faim donne au capital sur l’ouvrier plus de droits que l’aristocratie n’en recevait de pouvoir légal et royal.

PAR LA MISÈRE ET LA HAINE ENVIEUSE QU’ELLE PRODUIT NOUS MANOEUVRONS LES FOULES, nous nous servons de leurs mains pour écraser ceux qui s’opposent à nos desseins.

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Le peuple croyant aveuglément à la parole imprimée, nourrit, par suite des erreurs qui lui sont insinuées dans son ignorance, de l’inimitié contre toutes les conditions qu’il croit au-dessus de lui, parce qu’il ne comprend pas l’importance de chaque condition.

Cette inimitié augmentera encore par suite de la crise économique qui finira par arrêter les opérations de la Bourse et la marche de l’Industrie.

QUAND NOUS AURONS CRÉÉ PAR TOUS LES MOYENS CACHÉS DONT NOUS DISPOSONS À L’AIDE DE L’OR, qui est tout entier entre nos mains, une crise économique générale, nous lancerons dans la rue des foules entières d’ouvriers simultanément dans tous les pays de l’Europe.

Ces foules se mettront avec volupté à répandre le sang de ceux qu’elles envient dès leur enfance, dans la simplicité de leur ignorance, et dont elles pourront alors piller les biens.

……. Rappelez vous ce qu’on a osé appeler LA GRANDE RÉVOLUTION FRANÇAISE préparée par les Francs Maçons Juifs ……

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Le mot <> met les sociétés humaines en lutte contre toute force, contre toute puissance, même contre celle de Dieu et de la nature. Voilà pourquoi ce mot sera banni de notre vocabulaire car il change les foules en bêtes féroces … mais ces bêtes féroces après s’être abreuvées de sang, s’endorment chaque fois et il est facile de les enchaîner, mais si on leur donne pas de sang , elles ne dorment pas et luttent.



Protocole  4


SOMMAIRE. Les différents stades d’une République. La Franc-Maçonnerie extérieure. La liberté et la foi. La concurrence Internationale du commerce et de l’industrie. Le rôle de la spéculation. Le culte de l’or.

Toute république passe par différents stades.

Le premier comprend les premiers jours de folie d’un aveugle qui se jette à droite et à gauche. Le deuxième est celui de la démagogie, d’où naît l’anarchie, puis vient inévitablement celui du despotisme légal et déclaré et par conséquent responsable, mais un despotisme invisible et inconnu, et néanmoins sensible; despotisme exercé par une organisation secrète qui agit avec aucun scrupule sous le couvert de divers agents, DONT LE CHANGEMENT NE LUI NUIT PAS, mais le soutient en la dispensant de dépenser ses ressources à récompenser de longs services.

QUI POURRAIENT RENVERSER UNE FORCE INVISIBLE?

Car telle est notre force. La franc-maçonnerie extérieure ne sert qu’à couvrir nos desseins qui sont inconnus de tous ……..

(La preuve que ce livre est écrit par le Vatican : Régis ) …La liberté elle-même pourrait être inoffensive et exister dans l’État sans nuire à la prospérité des peuples, si elle reposait sur les principes de la croyance en Dieu, de la fraternité humaine, en dehors de l’idée de l’Égalité contredite par les Lois de la création (croient-ils : Redg) elle-même, qui ont établi la subordination. Avec une telle foi le peuple se laisserait gouverner par la tutelle des paroisses et marcherait humble et paisible sous la main de son pasteur spirituel, soumis à la distribution divine des biens de ce monde. Voilà pourquoi il est nécessaire que nous ruinons la FOI, que nous arrachions de l’esprit des chrétiens le principe même de la Divinité et de l’Esprit, pour leur substituer des calculs et des besoins matériels.

Pour que les esprits des esprits des chrétiens n’aient pas le temps de penser et d’observer, il faut les distraire par l’industrie et le commerce. De cette manière toutes les Nations chercheront leurs avantages et, luttant chacune pour leurs avantages propres, ne remarqueront pas leur ennemi commun. Mais pour que la Liberté puisse ainsi désagréger et détruise complètement la société des chrétiens, il faut faire de la spéculation la base de l’industrie; de la sorte, aucune des richesses que l’industrie tirera de la terre ne restera dans la main des industriels mais toutes s’en iront en spéculations, c’est-à-dire tomberont dans nos caisses.



Protocole  5


SOMMAIRE. Création d’une forte centralisation du Gouvernement. Les manières de s’emparer du pouvoir de la Franc-Maçonnerie. Pourquoi les États ne peuvent s’entendre. <> des Juifs. L’Or est le moteur des mécanismes dans les États. Les monopoles dans le commerce et l’industrie. L’importance de la critique. Les institutions <>. Fatigue causée par les discours. Comment prendre en mains l’opinion publique? L’importance de l’initiative privée. Le Gouvernement Suprême.

Lorsque le peuple considérait les personnes régnantes comme une pure émanation de la Volonté Divine, ils se soumettaient sans murmure à l’absolutisme des rois, mais du jour où nous leurs avons soumis l’idée de leur propres droits, ils ont considérés les personnes régnantes comme de simples mortels. L’Onction divine est tombée de la tête des rois; puis que nous lui avons enlevé sa croyance en Dieu; l’autorité a passé dans la rue, c’est-à-dire dans un lieu de propriété publique et nous nous en sommes emparés.

…………. Nous réglerons mécaniquement toutes les actions de la vie politique de nos sujets par de nouvelles lois. Ces lois reprendront une à une toutes les complaisances et les trop grandes libertés, qui furent accordées par les chrétiens …. L’Onction Divine est tombée de la tête des rois; puis que nous lui avons enlevé sa croyance en Dieu; l’autorité est passée dans la rue …… et nous nous en sommes emparés…… Seuls les Jésuites pourraient nous égaler sous ce rapport de la solidarité, mais nous avons pu les discréditer aux yeux de la foule stupide …. (Ce maudit livre écrit possiblement par des chrétiens qui croyaient que le peuple était stupide et que ça lui prenait des prêtres pour le rendre meilleur, est encore La guerre des Chrétiens contre d’autres idéologies – juives : Redg)

Nous avons l’art de gouverner les masses et les individus au moyen d’une théorie et d’une phraséologie habilement combinée, par des règlements de la vie sociale et par toutes sortes de moyens ingénieux, auxquels les chrétiens n’entendent rien, fait aussi partie de notre génie administratif, élevé dans l’analyse, dans l’observation, dans de telles finesses de conception que nous n’y avons pas de rivaux … Seuls les Jésuites pourraient nous égaler … mais nous avons pu les discréditer aux yeux de la foule stupide, parce qu’ils formaient une organisation visible ….

………. Nos prophètes nous ont dit que nous sommes élus par Dieu même pour dominer toute la terre. Dieu nous a donné le génie afin que nous puissions venir à bout de ce problème …

Le capital, pour avoir les mains libres, doit obtenir le monopole de l’industrie et du commerce; c’est ce qui est en train de réaliser une main invisible dans toutes les parties du monde. .. Soumettre le peuple aux industriels… Il importe plus de désarmer que de mener à la guerre……

LE PREMIER SECRET.

Il consiste à affaiblir l’opinion publique par la critique, de leur faire perdre l’habitude de penser, car la réflexion crée l’opposition; de les détourner vers de vaines escarmouches d’éloquences.

LE SECOND SECRET.

Pour gouverner avec succès, il est nécessaire de multiplier tellement les défauts du peuple, les habitudes, les passions, les règles de la vie en commun que personne ne puisse débrouiller ce chaos, et que les hommes arrivent à ne plus se comprendre entre eux … jeter la discorde dans les partis …. Désunir toutes les forces collectives …………….

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Protocole  6


SOMMAIRE. Les monopoles; les fortunes des chrétiens dépendent des ces monopoles. L’Aristocratie privée de richesses foncière. Le commerce, l’industrie et la spéculation. Le luxe. La hausse du salaire et le renchérissement des objets de première nécessité. L’anarchie et l’ivrognerie. Le sens concret de la propagande des théories économiques.

……………….. Nous instituerons d’énormes monopoles, réservoirs de richesses colossales…que les fortunes même des grands chrétiens dépendront tellement qu’elles y seront englouties, comme le crédit des États le lendemain d’une catastrophe politique…

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L’aristocratie des chrétiens, en tant que force politique a disparu … ils ne sont que propriétaires territoriaux … d’ailleurs que nous déposséderons bientôt de leurs terres … et le meilleur moyen est d’augmenter les impôts sur la propriété foncière, afin d’endetter la terre … ceci retiendra le propriétaire dans un état de sujétion absolue.

Les aristocrates chrétiens ce sachant pas cela, de père en fils, se contenter de peu, seront vite ruinés.

……………….. Nous protégeons la spéculation car elle sert de contre-poids à l’industrie, sans la spéculation, l’industrie multiplierait les capitaux privée, elle améliorerait l’agriculture, en libérant la terre des dettes créées par les prêts des banques foncières… Ainsi, l’industrie ôte à la terre le fruit du travail comme du capital qu’elle nous donne par la spéculation l’argent du monde entier . Jetés par là même dans les rangs de prolétaires tous les chrétiens s’inclineront devant nous pour avoir seulement le droit d’exister.

Pour ruiner l’industrie des chrétiens, nous développerons la spéculation, le goût du luxe (luxe qui dévore tout). Nous ferons monter les salaires, qui, cependant, ne rapporteront aucun profit aux ouvriers, car nous aurons fait naître en même temps un renchérissement des objets de première nécessités …

……………….

……………….. De plus, nous prendrons toutes les mesures possibles pour exiler de la terre les chrétiens intelligents.

Et nous masquerons le tout en prétendant bien desservir la classe ouvrière et de la préparer dans les grands principes économiques…



Protocole  7


SOMMAIRE. Pourquoi il faut augmenter les armements? Fermentations, discorde haine dans le monde entier. Corruption de l’opposition des <> par les guerres et par la guerre générale. Le secret est le gage de succès en politique. La presse et l’opinion publique. Les canons Américains, Japonais et Chinois.

L’augmentation des armements et du personnel de la police …. Il faut qu’il y en ait plus … que des masses de prolétaires, quelques millionnaires qui nous soient dévoués, des policiers et des soldats.

Partout, nous devons susciter l’agitation, la discorde et la haine. Le profit est double.

Nous pourrons à volonté provoquer le désordre et rétablir l’ordre : tous les pays seront habitués à nous considérer comme un fardeau nécessaire.

Par nos intrigues, nous embrouillerons tous les cabinets d’État et cela au moyen de la politique, de contrats économiques, d’engagements financiers… Nous paraîtrons honnêtes… et passerons pour les bienfaiteurs et les sauveurs du monde pour ces chrétiens que nous avons habitués à ne voir que la face des choses.

À chaque opposition, nous devrons être en état de faire déclarer la guerre par les voisins du pays qui oseraient nous contrecarrer; et si ces voisins eux-mêmes s’avisaient de se liguer contre nous, nous devrions les repousser par une guerre générale.

………………. La plus sûre voie du succès, en politique, est le secret de ses entreprises : la parole du diplomate ne doit pas s’accorder avec ses actes. ..

…. Nous contraindrons les gouvernements chrétiens à agir selon nos plans. L’opinion publique nous y aidera … grâce à la presse qui est mise secrètement entre nos mains.

La presse est entièrement sous notre dépendance …. Et c’est par des ATTENTATS que nous ferons voir au monde entier notre puissance : c’est-à-dire par la terreur.

……………..Et si tous se révoltaient contre nous, nous répondrons par les canons américains, chinois, japonais.

Protocole  8


SOMMAIRE. Usage équivoque du Droit juridique. Les collaborateurs du régime franc-maçon. Écoles particulières, éducation supérieure toute particulière. Économistes et millionnaires. À qui il faut confier les postes responsables dans le gouvernement.

Nous devons nous approprier tous les instruments que nos adversaires pourraient employer contre nous… Nous employer à la finesse et la subtilité de la Langue Juridique….

…. Nous devons arriver à exprimer nos sentences en termes qui aient l’air d’être des maximes morales très élevées , tout en ayant un caractère légal.

Nous nous entourerons de publicistes, de jurisconsultes expérimentés, d’administrateurs, de diplomates…Ces gens connaîtront tous les secrets de l’existence sociale, tous les langages, … tous les dessous de la nature humaine ….

Ces génies de notre gouvernement ne seront pas pris parmi les chrétiens qui sont habitués à faire leur travail administratif sans se soucier de leur utilité … car ces derniers signent les papiers sans les lire : ils servent par intérêt ou par ambition.

…………….. nous ramènerons les mots <> qu’à leurs rangs d’idées

Nous entourerons notre gouvernement de tout un monde d’économistes. Voilà pourquoi les sciences économiques sont les plus importantes à enseigner aux Juifs. Les banquiers, les industriels et les capitalistes millionnaires les entourerons….. de sorte qu’il y ait un abîme entre eux et le peuple

Protocole  9


SOMMAIRE. Applications des principes maçonniques en vue de refaire l’éducation des peuples. Le mot d’ordre franc-maçon. Importance de l’antisémitisme. La dictature de la franc-maçonnerie. La terreur. Ceux qui servent la franc-maçonnerie. La force <> et la force <> des royaumes chrétiens. Communion du pouvoir avec le peuple. L’arbitraire libéral. Usurpation de l’instruction et de l’éducation. Interprétation des lois. Les métropolitains.

…………… EN appliquant ces principes, vous verrez qu’il ne se passera pas dix ans que le caractère le plus obstiné ne soit changé, et que nous ne comptions un peuple de plus dans votre dépendance.

Quand notre règne viendra, nous remplacerons notre mot d’ordre libéral - <> - non par un autre mot, mais par les mêmes mots ramenés à leur rang d’idées; nous dirons <>

En fait nous avons détruit tous les gouvernements excepté le nôtre……. Et nous nous servons de l’antisémitisme des États pour gouverner nos petits frères….

Nous sommes actuellement des législateurs, nous rendons les sentences de la justice, nous condamnons à mort et nous faisons grâce, … nous gouvernons d’une main ferme … et nos mains tiennent des ambitions démesurées, des avidités ardentes, des vengeances impitoyables, des haines rancunières.

C’est de nous que vient la terreur qui a tout envahi. Nous avons à notre service des hommes de toutes les spécialités… et chacun d’eux sape les débris du pouvoir … et s’efforce de renverser tout ce qui tient debout… Et tous les États en souffrent

Nous savons diriger la force aveugle du peuple.

Nous avons touché … à l’instruction et à l’éducation qui sont les pierres angulaires de l’existence libre.

Nous avons mystifié, hébété et corrompu la Jeunesse chrétienne par une éducation fondée sur des principes et des théories que nous savons faux, mais qui sont inspirés par nous.

Par dessus les lois existantes, sans les changer essentiellement, mais en les défigurant par des interprétations contradictoires, nous obtenons des résultats prodigieux.

………. On a rendu les gouvernements incapables de se reconnaître dans une législation si embrouillée.

De là la théorie du tribunal de la conscience. (par le terrorisme qui semble est leur arme pour faire trembler même les plus courageux). Vous dites qu’on se soulèvera contre nous les armes à la main, si l’on s’aperçoit trop tôt de quoi il s’agit, mais nous avons pour ce cas dans les pays d’Occident une manœuvre terrible que les âmes les plus courageuses trembleront : les métropolitains seront d’ici là établi dans toutes les capitales, et nous les ferons sauter avec toutes les organisations et tous les documents des pays.



Protocole  10


SOMMAIRE. La force des choses en politique. <>. Le rôle de la chambre des députés et du président. La franc-maçonnerie est une force législative. La nouvelle constitution républicaine. Passage à <> franc-maçonnique. Moment de la proclamation <>. Inoculation des maladies et autres méfaits de la franc-maçonnerie.

N’OUBLIEZ PAS que les gouvernements et les peuples ne voient que l’apparence des choses (L’École ne leur a pas appris à faire des liens ni à lire en profondeur : Redg).

Le peuple a un amour particulier et une grande estime pour les génies politiques et répond à tous leurs actes de violence par les mots

Les institutions se sont partagées toutes les fonctions du gouvernement : fonctions administrative, législative, exécutive. Elles agissent dans l’organis,e de l’État, comme les organes dans le corps humain : si on endommage une partie de la machine État, l’État tombera malade!

Nous machinons les élections des présidents qui ont dans leur passé une tache cachée …. La crainte des révélations, le désir propre de conserver ses privilèges, les avantages et les honneurs, en feront des fidèles exécutants.

La chambre des députés couvrira, défendra, élira les présidents, mais nous lui retirerons le droit de proposer des lois, de les changer; ce droit sera attribué au président responsable, qui sera un jouet entre nos mains.

Le pouvoir du gouvernement deviendra sans doute la cible de toutes les attaques. Nous lui donnerons pour se défendre le droit d’en appeler à la décision du peuple, sans passer par l’intermédiaire de ses représentants, c’est-à-dire de recourir à notre serviteur aveugle la majorité.

Nous donnerons au président (notre marionnette) le droit de déclarer la guerre.

Pour faire souhaiter les peuples de la terre la venue d’un roi, vous le savez très bien il faut troubler constamment, dans tous les pays, les rapports du peuple et du gouvernement, afin de fatiguer tout le monde par la désunion, l’inimitié, la haine et même par le martyre, la faim, l’inoculation des maladies, la misère….



Protocole  11


SOMMAIRE. Le programme de la nouvelle Constitution. Quelques détails du coup d’État proposé. Les chrétiens sont des moutons. La franc-maçonnerie secrète et ses loges de <>.

Le Conseil d’État sera là pour souligner le pouvoir du gouvernement : sous l’Apparence d’un corps législatif, il sera un comité de rédaction des lois et des décrets du gouvernant.

Voici donc le programme de la nouvelle constitution que nous préparons. Nous créerons la loi, le droit et le tribunal :

(1) sous forme de propositions au corps législatif

(2) par des décrets du président sous forme d’ordres généraux, par des actes du Sénat et par des décisions du Conseil d’État, sous forme d’ordres ministériels

(3) au cas où cela serait jugé opportun, sous forme de coup d’État.

Les chrétiens sont un troupeau de mouton et nous sommes pour eux des loups.

……………..

……………

Dieu nous a donné, à nous son peuple élu, la dispersion, et dans cette faiblesse de notre race, s’est trouvée notre force qui nous a amené aujourd’hui au seuil de la domination universelle.



Protocole  12


SOMMAIRE. Interprétation maçonnique du mot <>. Avenir de la presse dans les royaume des francs-maçons. Le contrôle de la presse. Les agences des correspondants. Qu’est-ce que le progrès pour les francs-maçons? La solidarité des francs-maçons dans la presse moderne. Excitation des exigences <> provinciales. Instabilité du nouveau régime.

La liberté est le droit de faire ce que permet la loi. …

………. La presse sert à embraser les passions ou à entretenir les égoïsmes des partis.

C’est par les publicités que nous censurons les journaux.

Nous créerons un impôt spécial pour la presse et exigerons une caution lorsque se fonderont des journaux … ainsi sera garanti notre gouvernement contre toute attaque… et nous mettrons sans merci à l’amende

Personne, par les médias contrôlés par nous, ne réussira impunément à toucher l’auréole de notre infaillibilité gouvernementale. … Et parmi ceux qui oseront nous attaquer, il y aura des organes qui viendront de nous afin qu’ils n’accusent que des poins précis et sans aucune importance ou dont nous souhaiterons le changement.

………… Notre armée de journalistes…

tous ceux que nous appelons libéraux sont des anarchistes, sinon de fait, tout au moins de pensée … cahcun d’eux poursuit les illusion de la liberté …

S’il se trouve des personnes désirant écrire contre nous, il ne se trouvera personne pour les imprimer.

La littérature et le journalisme sont les deux forces éducatrices les plus importantes … si nous autorisons la formation de dix journaux (presse libre) nouveaux : nous en fonderont trente et ainsi de suite

(comme leur dicton est l’invisibilité, moi je crois que cela fait longtemps qu’ils sont les maîtres du monde à travers les médias, les chefs d’États et l’Économie : Redg)



Protocole  13


SOMMAIRE. Le besoin du pain quotidien. Les questions politiques. Les questions industrielles. Les divertissements. Les maisons du peuple. La vérité est une. Les grands problèmes.

Le besoin du pain quotidien fait taire les chrétiens et en fait nos humbles serviteurs…

Les agents pris parmi eux pour notre presse discuteront sur notre ordre ce qu’il nous sera peu commode de faire imprimer directement dans des documents officiels, et nous-mêmes pendant ce temps, profitant du bruit provoqué par ces discussions, nous prendrons les mesures qui nous sembleront utiles et nous les présenterons au public, comme un fait accompli.

Personne n’aura l’audace de réclamer l’annulation de ce qui aura été décidé, d’autant plus qu’on le présentera comme un progrès. Puis la presse attirera l’attention sur de nouvelles questions… et des imbéciles se croyant les instruments du sort se jetterons sur ces questions …

Bientôt nous proposerons par la presse des concours en art, en sport de toutes sortes : ces intérêts détourneront définitivement les esprits des questions où il nous faudrait lutter avec eux. …

Les hommes (les médias les y ont habitués ainsi en pensant à leur place : Redg), se déshabituant de plus en plus à penser par eux-mêmes, finiront par parler à l’unisson de nos idées, parce que nous serons les seuls qui proposerons de nouvelles directions à la pensée.

Avec le mot ‘’Progrès’’ nous avons détourné tout le monde… pourtant avec ce mot il n’est pas question d’inventions matérielles … car la vérité est une et ne saurait progresser!

Le progrès sert à obscurcir la vérité.

Personne ne se doutera que les problèmes que nous résoudrons auront été créés par nous.



Protocole  14


SOMMAIRE. La religion de l’avenir. Le servage futur. Impossible de connaître les mystères de la religion de l’avenir. La pornographie et l’avenir de la parole imprimée.

Avec l’avènement de notre règne, nous ne reconnaîtrons plus aucune religion que celle de notre dieu unique.

… Nous sommes le peuple choisi par Dieu …… nos prédications sont fondées sur la religion de Moïse ….

C’est pourquoi nous devons détruire toutes les croyances.



Protocole  15


SOMMAIRE. Coup d’État mondial d’un jour. Les condamnations à mort. Le sort futur des francs-maçons chrétiens. Le caractère mystique du pouvoir. Multiplication des loges maçonniques. L’Administration centrale des sages. L’Affaire Azelf. La Franc Maçonnerie est le guide de toutes les sociétés secrètes. Importance du succès public. Le collectivisme. Les victimes. Les condamnations à mort des francs-maçons. Chute du prestige des lois et de l’autorité. La préélection. Brièveté et clarté des lois et du règne futur. Obéissance à l’autorité. Mesures contre l’abus du pouvoir. Cruauté des châtiments. Limite d’âge pour les juges. Le libéralisme des juges et du pouvoir. L’Argent mondial. L’Absolutisme de la franc-maçonnerie. Droit de cassation. <> patriarcat du futur <>. déification du gouvernement. Le droit du plus fort comme droit unique. Le roi d’Israël est le patriarche du monde.

Nos philosophes discuteront tous les défauts des croyances chrétiennes… mais personne ne critiquera notre religions parce que personne ne la connaît…

….. Nous régnons à l’aide de Coups d’États

…………………………..

………………………..

Nous multiplierons les loges maçonniques ……..

…………………………

la mort est la fin inévitable de chacun. Il vaut mieux accélérer la fin de ceux qui mettent obstacle à notre œuvre que la nôtre à nous qui avons créé cette œuvre. Nous mettons à mort les francs-maçons de façon que personne, excepté leurs frères (frères maçonniques) ne peut s’en douter, … ils meurent tous quand cela est nécessaire, comme d’une maladie normale.

……… Les gens pour conserver leurs postes devront obéir aveuglément pour mériter cette faveur ….

------------------- Les mutations servent encore à entamer la solidarité collective des collègues et les attachera tous aux intérêts du gouvernement, dont dépendra leur sort.

Le peuple ne touche pas à celui qui l’hypnotise par son courage et sa force d’âme.



Protocole  16


SOMMAIRE. Les universités rendues inoffensives. Le classicisme remplacé. L’éducation et la profession. Réclame de l’autorité du <> dans les écoles. Abolition de l’enseignement libre. Les nouvelles théories. L’indépendance de la pensée. L’enseignement par l’image.

………………..

Nous supprimerons les Universités dans le but de détruire toutes les forces collectives

Nous exclurons de l’enseignement LE DROIT CIVIQUE

………….. Les Universités ne doivent pas laisser sortir de leurs murs des blancs-becs qui forment des projets de constitution …

Nous rayerons de la mémoire des hommes tous les faits des siècles passés qui ne nous sont pas agréables.

Nous abolirons tout enseignement libre



Protocole  17


SOMMAIRE. Le barreau. Influence des prêtres chrétiens. La liberté de conscience. Le roi des Juifs, patriarche et papa. Moyens de lutte avec l’Église naissante. Problèmes de la presse contemporaine. Organisation de la police. La police volontaire. L’espionnage sur le modèle de la société Juive. Les abus de pouvoir.

Le barreau crée des hommes froids, cruels, opiniâtres, sans principes, qui se mettent en toute occasion sur un terrain impersonnel, purement légal. Ils sont habitués à tout rapporter à l’avantage de la défense, et non au bien social.

Le roi des Juifs sera le vrai pape de l’univers, le patriarche de l’Église internationale



Protocole  18


SOMMAIRE. Mesures de sécurité. Surveillance des conspirateurs. Une garde ouverte est la ruine du pouvoir. La garde du roi des Juifs. Le prestige mystique du pouvoir. Arrestation au premier soupçon.

Les mesures de protection policière ruinent le pouvoir

Nous simulerons des désordres, des manifestations de mécontentement exprimées par de bons orateurs … pour autoriser les perquisitions et des surveillances ….

Nous gouvernerons pour le bien du peuple en apparence seulement ….

Tous les gouvernements ne sont pas capables de comprendre la vraie politique …

Protocole  19

SOMMAIRE. Le droit de présenter des suppliques et des projets. Les factions. Les crimes politiques jugés par les tribunaux. La réclame pour les crimes politiques.

Nous n’admettons pas que le peuple s’occupe de politique … et pour cela si il le faut, nous améliorerons la condition du peuple pour l’y en empêcher … comme cela il ne pensera qu’à jouir et ….

Nous ôterons le prestige de la vaillance au crime politique, nous le mettrons sur le banc des accusés ….

Protocole  20


SOMMAIRE. Le programme financier. L’impôt progressif. Perception progressive en timbres. Caisse de fonds des papiers-valeurs et stagnation de l’argent. Cour des comptes. Abolition de la représentation. Stagnation des capitaux. Émission de l’argent. Le change de l’or. Le change du coût du travail. Le budget. Les emprunts de l’État. La série des papiers à 1% d’intérêt. Les papiers industriels. Les gouvernants des chrétiens, les favoris : les agents des francs maçons.

-------- Le droit de la propriété ne doit pas servir de prétexte pour piller le Trésor public.

……………….

……………….

L’argent est fait pour circuler et toute stagnation d’argent a une répercussion pernicieuse sur le fonctionnement du mécanisme de l’État.

…………… Les crises économiques ont été produites dans l’unique but de retirer l’argent de la circulation ... afin d’endetter les États qui étaient obligés d’emprunter faute de liquidités

………….. L’émission de l’argent doit être en rapport avec l’accroissement de la population, mais actuellement, l’émission de l’argent ne répond pas au chiffre de la consommation par tête : donc, les besoins des gens en général ne sont pas satisfaits. La révision de la frappe des monnaies est une question essentielle pour le monde entier. .. Nous devons créer une monnaie pour que tous puissent se permettre les nécessités sociales et ainsi qu’un peu d’argent de poche pour les loisirs et socialiser.

Tout emprunt prouve la faiblesse de l’État et l’incompréhension des droits de l’État … les États ne doivent pas demande l’aumône aux banquiers (les banquiers sont des agents de la Franc Maçonnerie <<Économie>> : Redg), ces riches étrangers qui prennent ainsi l’argent des pauvres …. Ainsi, les États (États Maçonniques : Redg) ne font que déplacer l’argent de la poche du pauvres dans celle du riche



Protocole  21


SOMMAIRE. Les emprunts intérieurs. Le passif et les impôts. Les conversions. Les caisses d’épargne et la rente. Suppression de la bourse des fonds publics. Taxation des valeurs industrielles.

-------------------

Nous remplacerons les Bourses par de grands établissements de crédit spécial, dont la destination sera de taxer les valeurs industrielles suivant les vues du gouvernement. .. Ce cette manière, toutes les entreprises industrielles dépendront de nous…



Protocole  22


SOMMAIRE. Le secret de l’avenir. Le mal séculaire base ou bien futur. L’auréole du pouvoir et son adoration mystique.

….. Nous avons entre les mains la plus grande force moderne, l’or :nous pouvons en 2 jours le retirer de nos dépôts et …



Protocole  23


SOMMAIRE. Réduction de la production des objets de luxe. La petite industrie. Le chômage. Interdictions de l’ivrognerie. Condamnation à mort de l’ancienne société et sa résurrection SANS UNE NOUVELLE FORME. L’élu de DIEU.

Pour habituer le peuple à l’obéissance, il faut l’habituer à la modestie …. Un peuple qui s’occupe de petites industries, ne connaît pas le chômage!



Protocole  24


SOMMAIRE. Renforcement des racines au roi David. Préparation du roi. Écartement des héritiers directs. Le roi et ses trois initiateurs. Le roi-destin. Irréprochabilité des mœurs extérieures du roi des Juifs.

………. Cette terreur nous était indispensable quelques temps … pour que notre souverain, digne descendant de David, puisse régner sur le monde.

I N T R O

Les Gouvernements britanniques, M. David Lloyd George était premier ministre, est complètement inféodé à la politique d’Israël. Il serait difficile de contester cette affirmation. 6 Israélites sont Privy councillors; 2 siègent au ministère : sir Alfred Mond et l’honorable Edqin Montagu et ce ne sont peut-être pas les plus enjuivés du Cabinet.

Quand les chefs du mouvement sioniste, prévoyant la victoire finale de l’Entente, voulurent poser de solides jalons pour l’édification du futur royaume palestinien, c’est le ministre des affaires étrangères , M. Arthur James Balfour , qui, au nom du gouvernement de sa Majesté britannique , écrivit à lord Rothschild et prit l’engagement de favoriser de tout son pouvoir la création du <> .

C’est un Israélite, devenu Lord Chief Justieu of England, Rufus Isaacs lord Reading, qui fut envoyé à Washington comme haut commissaire et ambassadeur extraordinaire pour y régler avec les Israélites du président Wilson : l’Ambassadeur Morgenthan, le banquier Jacob Schiff, le juge Brandois, le professeur Francfurter, les délicates questions politiques et financières que soulevèrent les derniers mois de la Guerre et les préliminaires de la paix.

Quand l’Angleterre obtint de la Société des Nations un mandat provisoire sur la Palestine, où, sur 700 000 habitants , il n’y avait guère que 65 000 Juifs, c’est encore un Israélite, sir Herbert Samuel, qui reçut des pouvoirs quasi-souverains pour administrer la Terre Sainte et y établir un régime Juif.

Un poste de gouverneur est-il vacant au Queensland, c’est encore un Israélite, sir Mathew Nathan, qui est désigné pour l’occuper.!

La Société des Nations confie à l’Angleterre le secrétariat général de son organisation permanente, sir Eric Drummond, dès son arrivée à Genèse, fait visite au grand Rabbin de la ville, lui présente son personnel, l’Assure de son admiration pour les Juifs et de son complet dévouement à leur cause et ;a leur idéal. Parmi ses collaborateurs principaux, il convient de citer l’ancien capitaine interprète Mantoux, chef e la section politique, doublé du major Abraham et de Mme N. Spiller.

Lorsque les délégués des associations juives introduisirent à la Société des Nations une demande tendant à subordonner l’admission des nouveaux États dans la Ligue à l’acceptation préalable de la clause des minorités – qu’on pourrait définir le droit des Juifs à former un État dans les États – c’est lord Robert Cecil, cousin de M. Arthur Balfour, qui se constitua leur avocat.

Le prince de Galles ayant fait un voyage autour du monde pour aller visiter les Dominions et les colonies de l’Empire britannique, les Juifs organisèrent, dès le retour du prince, sous le titre de War Memorial Empire Tour, un voyage comportant un itinéraire presque identique. Au nom des organisations juives et sionistes, le grand rabbin Hertz, accompagné de M. A. M. Woolf, va,lui aussi visiter les colonies et Dominions , pour donner des mots d’ordre aux communautés éparses, réchauffer leur zèle religieux et recueillir des fonds destinés à édifier à Londres , en souvenir de la Guerre, un grand séminaire israélite. Et le caractère officiel que le gouvernement donne à cette mission est attesté par le banquet qui fut offert aux voyageurs à la veille de leur départ. Les ministres, les délégués des Dominions et colonies y étaient représentés. Lors Rothschild, qui occupait le fauteuil présidentiel, porta le toast : <> et déclara que parmi les ministères qui avaient tenu les rênes du pouvoir en Grande-Bretagne, aucun, au même degré que le ministère actuel, n’Avait <>. En répondant au nom du Gouvernement, lord Milner remercia le président d’avoir formulé un pareil éloge et n’hésita pas à exprimer l’idée que l’Empire britannique avait été amplement récompensé de sa Georgea politique pro-juive! A Capetown, à liennes, partout les envoyés d’Israël furent reçus avec les honneurs princiers. Les autorités civiles et militaires venaient à leur rencontre, leur souhaitaient la bienvenue et se mettaient à leur service.

Quelques mois auparavant, le gouvernement de M. Lloyd ………………….

La présente édition (10e tirage)

A été achevée d’imprimer le

19 novembre 1956 par l’imprimerie

Floch à Mayenne (France)

Le Témoignage du Comte Alexandre de Chayla : " Serge Alexandrovitch Nilus et les Protocoles des Sages de Sion (1909-1920) - La tribune Juive, 14 Mai 1920

Introduction

Dans les premiers jours d'avril 1921, après l'évacuation de la Crimée et un séjour de 4 mois à Constantinople, je suis arrivé à Lyon. Quel fut mon étonnement de voir parmi les nouveautés, aux vitrines des librairies de la place Bellecour, l'édition française des Protocols des Sages de Sion, c'est à-dire le même livre que Serge Alexandrovitch Nilus, que je connus personnellement, avait édité en 1902. Le vaste avant-propos rédigé par l'éditeur français, Monseigneur Jouin, tend à donner une analyse critique des éditions précédentes, à établir l'origine du document et à déterminer la personnalité de l'éditeur russe. Il contient certaines inexactitudes d'ailleurs bien compréhensibles. Ensuite, à la lecture des journaux russes paraissant à Paris, je me suis convaincu qu'une polémique s'est engagée dans diverses parties du monde et au sein même de la presse russe autour des Protocoles. L'ensemble de ces observations m'a incité à faire part de mes souvenirs sur S.A. Nilus et son oeuvre Je dois déclarer ici, afin de n'y plus revenir que les renseignements donnés sur la personne et l'œuvre de S.A. Nilus ont été recueillis au cours de rapports prolongés et immédiats avec lui et des personnes le connaissant bien. De plus, ces sources de renseignements ne peuvent être l'objet de suspicion ni sous le rapport de l'honnêteté ni sous celui de l'impartialité. Je ne nourris aucun mauvais sentiment à l'égard de Serge Alexandrovitch Nilus et n'ai pas de raison d'en nourrir. C'est pourquoi, sous de nombreux rapports, j'ai conscience d'être obligé d'épargner sa personnalité et de ne toucher sa vie privée que dans les côtés qui en sont connexes à la vie publique et pour autant que le nécessite la révélation de la Vérité, me rappelant la sentence: Amicus Plato, sed magis amica veritas.

I. Comment j'ai connu S.A. Nilus

Vers la fin de janvier 1909, mû par la recherche religieuse, je m'établis, sur le conseil du défunt Métropolite de Saint-Pétersbourg, Monseigneur Antoine, près du célèbre cloître nommé " Optina Poustyne ".

Ce Monastère est situé à six verstes de la ville de Kozelsk dans le gouvernement de Kalouga, entre l'orée d'une grande forêt de sapins et la rive gauche de la Rivière Jizdra. Auprès du monastère se trouve un certain nombre de villas où résidaient les laïcs désireux de vivre à un degré quelconque la vie monastique.

A l'époque à laquelle se rapportent mes souvenirs, la communauté comprenait environ 400 moines qui s'occupaient d'agriculture et menaient aussi une vie contemplative sous la direction spirituelle de 3 " Anciens " . Il fut un temps où le Monastère d'Optina fut la source d'une influence spirituelle remarquable sur l'un des courants les plus importants de la pensée russe. L'Institut des " Anciens " d'Optina, en la personne des Pères Macaire et Ambroise, fut considéré par les premiers slavophiles comme un centre directeur. Au cimetière monastique, auprès des Pères Macaire et Ambroise, reposent leurs disciples, les deux écrivains frères Kiréevsky. Deux autres célèbres publicistes, Khomiakoff et Aksakoff, visitèrent souvent le monastère, où passa les dernières années de sa vie un autre écrivain célèbre, Constantin Léontieff, devenu oblat.

La bibliothèque monastique garde une très précieuse correspondance avec ces écrivains, ainsi qu'avec Gogol et Dostoïevsky. Ce dernier a immortalisé sous l'image artistique de l'ancien Zocime (dans le roman Les frères Karamazof les traits vivants du Père Ambroise et son enseignement mystique.

Même L.N. Tolstoï visita souvent Optina, et certainement que tous se souviennent que c'est là que fut l'avant-dernière étape, si mystérieuse et encore non expliquée, de sa vie.

Il ne sera pas superflu de souligner ici que les anciens d'Optina, que j'ai connus, les P .P. Varsonophie, Joseph et Anatole n'avaient rien de commun avec les aventuriers de Cour qui entourèrent le trône du dernier Tsar. Les anciens d'Optina étaient des gens éclairés, pénétrés d'un esprit de charité et de tolérance, toujours libres à l'égard des puissants de ce monde et attentifs à la seule douleur humaine ; proches du peuple et comprenant son affliction illimitée, ils consacraient tout leur temps à consoler les malheureux et les offensés qui par milliers venaient les trouver.
L'existence de cet institut et la prolongation de certaines traditions intellectuelles religieuses attiraient donc à Optina les intellectuels russes que passionnait la recherche religieuse.

Le jour qui suivit mon arrivée, le Supérieur du Monastère, l'Archimandrite Xénophon, me proposa de me faire faire connaissance de M. S.A. Nilus, écrivain religieux vivant également auprès du Monastère. J'en avais déjà entendu parler à Pétersbourg par M. W.A. Ternawtseff, fonctionnaire pour les missions spéciales auprès du Procureur Général du Saint-Synode et membre de la Société Philosophique religieuse. II m'en avait parlé comme d'un homme intéressant, mais fort original.

Après dîner, dans l'appartement du Supérieur, je fis connaissance de Serge Alexandrovitch Nilus. C'était un homme de 45 ans, un vrai type russe, grand et fort, avec une barbe grise et des yeux profonds, bleus, mais comme légèrement couverts d'un voile trouble. Il était en bottes et vêtu d'une chemise russe, ceinte d'un ruban brodé d'une prière.

S.A. Nilus parlait fort bien le français, ce qui était alors très précieux pour moi. Nous étions tous deux fort contents d'avoir fait connaissance et je ne manquais pas de profiter de son invitation. Il habitait une grande villa de 8-10 pièces, où demeuraient avant les évêques retraités. La maison était entourée d'un grand jardin fruitier clos d'une palissade de bois, au-delà de laquelle noircissait la forêt. Serge Alexandrovitch et sa famille composée de trois personnes n'occupaient que quatre pièces ; dans les autres se trouvait un asile entretenu sur la pension que le ministère de la Cour payait à la femme de S.A. Nilus. Cet asile abritait toutes sortes d'estropiés, d'idiots et de possédés, attendant une guérison miraculeuse. En un mot, cette partie de la maison était une véritable Cour des Miracles.

Le logement de Nilus était meublé dans le genre des vieilles demeures seigneuriales avec quantité de portraits impériaux portant des autographes et donnés à la femme de Nilus ; il y avait quelques bons tableaux et une importante bibliothèque touchant toutes les branches de la connaissance humaine. Il y avait aussi un oratoire où Nilus célébrait, selon le rite des laïcs, le culte domestique. Dans la suite, l'évocation de tout cela s'unissait toujours dans mon imagination avec ces hermitages de vieux croyants que nous a dépeints Lieskoff.

La famille Nilus provenait d'un émigré suédois venu en Russie au temps de Pierre Ier. Serge Alexandrovitch assurait qu'en ligne féminine coulait dans ses veines le sang de Maliouta Skouratoff (le bourreau d'Ivan le Terrible). Peut-être est-ce pour cela qu'étant lui-même grand admirateur du servage et de la fermeté antique, il aimait à défendre la mémoire du Terrible.

Personnellement Nilus était un propriétaire ruiné du Gouvernement d'Orel. Il était voisin de terres avec M.A. Stakhovitch, dont il parlait souvent, d'ailleurs pas en bons termes, à cause de " sa libre pensée ". Son frère, Dmitry Alexandrovitch Nilus, était président du Tribunal de Moscou. Les deux frères étaient ennemis. Serge Alexandrovitch tenant Dmitry pour un athée et celui-ci considérant Serge comme un fou.

S.A. Nilus était certainement un homme instruit. Il avait terminé avec succès le cours de la Faculté de droit à l'Université de Moscou. De plus, il possédait à la perfection le français, l'allemand et l'anglais et connaissait à fond la littérature contemporaine étrangère. Ainsi que je l'appris plus tard, S.A. Nilus ne pouvait s'entendre avec personne. Son caractère tumultueux, cassant et capricieux, l'avait obligé à abandonner le service au ministère de la Justice, où il avait reçu un poste de juge d'instruction en Transcaucasie, sur la frontière de Perse. Il avait essayé d'un [sic] faire-valoir dans sa propriété, mais il s'était trouvé trop intellectuel pour cela. Il se passionna pour la philosophie de Nietzsche, l'anarchisme théorique et la négation radicale de la civilisation actuelle". Dans un tel état d'esprit S.A. Nilus ne pouvait vivre en Russie. Il partit pour l'Étranger avec une dame K et vécut ainsi longtemps en France, en particulier à Biarritz, tant que son intendant ne lui eût appris que sa propriété d'Orel et lui-même étaient ruinés.

C'est alors, aux environs de 1900, que sous l'influence de déboires matériels et de graves épreuves morales, il vécut une crise spirituelle qui l'amena au mysticisme. Il en sera question plus bas.

S.A. Nilus me présenta à sa femme, Hélène Alexandrovna Ozerova, ancienne demoiselle d'honneur de l'impératrice Alexandra Féodorovna ; elle était fille de M. Ozeroff, Maître de la Cour et ancien ministre de Russie à Athènes. Son frère, le Major-Général David Alexandrovitch Ozeroff, était Maréchal du Palais d'Anitchkoff.

Mme H.A. Nilus, était, au plus haut point, une femme bonne, soumise, et absolument subordonnée à son mari jusqu'à complète abnégation de soi-même, au point d'être dans les meilleurs rapports avec l'ancienne amie de M. Nilus, Madame K., qui, s'étant aussi ruinée, avait également trouvé asile chez eux, dans leur apportement personnel.

C'est ainsi que mes relations avec S.A. Nilus, commencées dans ces conditions, continuèrent pendant 9 mois de mon séjour à Optina jusqu'au 10 novembre 1909. Quand j'y revins dans la suite je faisais toujours mes visites à S.A. Nilus, mais bientôt son intolérance à l'égard des "hérétiques"o me força de suspendre nos rapports.

En 1918, il habitait à Kieff l'hôtellerie du Monastère de femmes, dit de la Protection de la Sainte Vierge. J'ai appris que l'hiver de 1918-1919, après la chute du Hetman, il aurait passé en Allemagne et aurait habité Berlin. Ces renseignements me furent confirmés en partie en Crimée par l'ancienne demoiselle d'honneur Kartzeva, sueur supérieure du Lazaret de la Croix Blanche où je me trouvais.

II. " La charte du Royaume de l'Antéchrist "*

Dès leur début, mes rapports avec S.A. Nilus furent marqués par des discussions sans fin. C'est qu'en nous se rencontraient les adversaires les plus décidés qu'il soit, des gens qui marchent vers une même idée en partant de points opposés, prétendant également la posséder et lui être fidèles. De sa pensée antérieure anarchiste, S.A. Nilus avait conservé la négation absolue de la civilisation contemporaine ; et cette attitude négative il l'adoptait à l'égard de la pensée religieuse en rejetant la possibilité d'appliquer des procédés scientifiques à la connaissance religieuse. II protestait contre les Académies Ecclésiastiques, tendait vers la " foi du charbonnier " et montrait une grande sympathie pour les " Vieux Croyants " dont il identifiait la confession avec la foi sans mélange de science et de civilisation. Il rejetait tout cela avec la culture contemporaine, considérant dans toutes ses manifestations " l'abomination de la désolation dans le Lieu Saint" et la préparation de l'avènement de l'Antéchrist qui coïncidera avec le plus haut développement de la " pseudo-civilisation chrétienne ".

Contrairement à cette thèse, ce sont les courants libéraux du Christianisme Occidental, ces courants qui lavent les Églises des couches historiques artificielles et étrangères à l'enseignement du Christ - qui m'avaient porté rt ici dans le sillage de l'Orthodoxie. Le Modernisme et la critique ancienne catholique, comme méthodes indépendantes de connaissance scientifique de la religion, avaient restauré dans ma conscience l'image de la véritable Église chrétienne. Sa révélation ultérieure s'étais effectuée sous l'influence de A.S. Khomiakoff et de W.S. Solovieff et d'autres représentants plus nouveaux de la pensée religieuse russe.

Cependant, en dépit de nos discussions passionnées, S.A. Nilus me pardonnait beaucoup d' " erreurs ". Mon séjour près du Monastère et mes bons rapports avec les " Anciens " en étaient la cause ; c'est pourquoi, en attendant, il ne me vouait pas encore à l'excommunication, mais s'efforçait de me "convertir".

Le troisième ou le quatrième jour après avoir fait connaissance, pendant une discussion habituelle sur les rapports entre la civilisation et le Christianisme, S.A. Nilus me demanda si j'avais connaissance des Protocoles des Sages de Sion édités par lui. Je répondis négativement.

Alors, S.A. Nilus prit dans sa bibliothèque son livre et se mit à me traduire en français les endroits les plus remarquables du texte et de ses commentaires. Il observait en même temps l'expression de mon visage, car il présumait que je serais abasourdi par cette révélation. Lui-même fut assez troublé quand je lui déclarai qu'il n'y avait rien de nouveau pour moi et que visiblement ce document devait être proche parent des pamphlets d'Edouard Drumont ou de la vaste mystification de Léo Taxil, à laquelle s'était laissé prendre tout l'univers catholique, sans en excepter Léon XIII, homme si intelligent et perspicace.

S.A. Nilus fut ému et déçu ; il m'objecta que j'en jugeais ainsi parce que ma connaissance des Protocoles revêtait un caractère superficiel et fragmentaire, de plus, la traduction verbale affaiblit l'impression. Il est indispensable que l'impression soit pleine. Or il me serait facile de prendre connaissance des Protocoles, car leur original était rédigé en français.

S.A. Nilus ne gardait point chez lui le manuscrit des Protocoles craignant qu'il ne lui fût volé par les Juifs. Je me rappelle comme il m'amusa et quelle inquiétude l'agita quand un pharmacien juif de Kozelsk, venu se promener avec quelqu'un des siens dans la forêt monastique, cherchant le chemin le plus court pour gagner le bac se trouva par mégarde dans le jardin de Nilus. Notre pauvre Serge Alexandrovitch fut longtemps convaincu que le pharmacien était venu effectuer une reconnaissance.

Plus tard j'appris que le cahier contenant les Protocoles se trouvait en dépôt jusqu'en janvier 1909 chez le Prêtre Moine Daniel Bolotoff (portraitiste assez renommé à Pétersbourg) et, après sa mort, au Skyte de Saint Jean-le Précurseur, se trouvant à une demi-verste du Monastère, chez le Moine Alexis (ancien ingénieur).

Quelque temps après notre première conversation concernant les Protocoles de Sion, vers 4 heures de l'après-midi, une des infirmes de l'asile Nilus m'apporta un billet: S.A. me priait de venir le voir pour affaire urgente.

Je trouvai Serge Alexandrovitch dans son cabinet de travail ; il y était seul, sa femme, [et] Madame K., étant allées aux vêpres. Le crépuscule tombait, mais il faisait clair, car la neige couvrait la terre. Je remarquai sur sa table à écrire une sorte d'assez grande enveloppe en étoffe noire décorée d'une grande croix à trois branches et de l'inscription " Par ce signe Tu vaincras ". Une petite icône de l'Archange Mikhaïl, en papier, était aussi collée sur cette enveloppe. Visiblement, tout cela avait un caractère d'exorcisme.

Serge Alexandrovitch se signa trois fois devant la grande icône de la Mère de Dieu de Smolensk, copie de la célèbre icône devant laquelle pria l'Armée Russe la veille de Borodino, et ouvrit l'enveloppe dont il retira un cahier dans une reliure de cuir. D'appris ensuite que l'enveloppe et la reliure avaient été préparées dans l'atelier du Monastère sous la surveillance immédiate de Nilus qui apportait et emportait lui-même le manuscrit, craignant qu'il ne fût volé. La croix et autres symboles avaient été dessinés par Hélène Alexandrovna sur les indications de son mari. " La voilà ? dit S.A. Nilus ? la charte du Royaume de l'Antéchrist. "

II ouvrit le cahier. Sur la première page on remarquait une large tache d'un lilas très clair ou bleuâtre. Je reçus l'impression qu'une fois on y avait renversé un encrier, mais que l'encre avait été enlevée et lavée. Le papier était épais et jaunâtre ; le texte écrit en français de mains différentes et - me semble-t-il - avec des encres différentes.

" Voilà, dit Nilus, pendant les séances du Kahal, à des époques différentes, diverses personnes remplissaient les fonctions de secrétaire, d'où diverses écritures. " Visiblement, Serge Alexandrovitch voyait en cette particularité comme une preuve de ce que ce manuscrit était un texte original. Cependant, il n'avait point à cet égard d'opinion constante, car je l'entendis dire une autre fois que ce manuscrit n'est qu'une copie.

Après m'avoir montré le manuscrit, Serge Alexandrovitch le posa sur la table, l'ouvrit à la première page et me donnant son fauteuil dit : " Eh bien, maintenant, lisez ! "

En lisant le manuscrit je fus frappé de certaines particularités du texte. Il y avait des fautes d'orthographe et, surtout, les tournures n'en étaient pas françaises. I1 s'est passé trop de temps depuis lors pour que je puisse dire que le texte contenait des " russicismes ". Une chose est hors de doute, le manuscrit avait été rédigé par un étranger.

Pendant deux heures et demie se prolongea ma lecture. Quand j'eus terminé, S.A. Nilus prit le cahier, le remit dans son enveloppe et l'enferma dans le tiroir de sa table à écrire.

Pendant la lecture, Hélène Alexandrovna Nilus et Madame K. étaient revenues de l'église, de sorte qu'au moment où je terminais, le thé était servi. Je ne savais pas à quel point Madame K. était initiée au secret du manuscrit, de sorte que je me taisais. Or, Nilus désirait vivement connaître mon opinion, et, me voyant gêné, il devina exactement la cause de mon silence :

" Allons, dit-il en plaisantant, Thomas l'incrédule, avez-vous la foi maintenant que vous avez touché, vu et lu les Protocoles. Dites-nous votre opinion. Ici, il n'y a pas d'étrangers ; ma femme sait tout et, pour ce qui est de Madame K, c'est donc grâce à elle qu'ont été découverts les complots des ennemis du Christ. D'ailleurs, ici, il n'y a pas de mystère". Je fus très intéressé. Etait-il donc possible que les Protocoles fussent parvenus par Madame K. en la possession de Nilus ? Il me semblait étrange que cette femme extrêmement obèse jusqu'à presque entière immobilité, brisée par les épreuves et la maladie, eût pu pénétrer dans le "Kahal secret des Sages de Sion".

" Oui, - dit Nilus, Madame K. a vécu très longtemps à l'étranger, en France même. C'est là-bas, qu'à Paris, elle a reçu d'un Général russe ce manuscrit, et elle me l'a transmis. Ce Général a réussi à l'arracher aux archives maçonniques. "

Je m'informais si le nom de ce Général était un secret. " Non ? répondit Nilus, c'est le Général Ratchkovsky*, un brave homme, très actif, qui a beaucoup fait en son temps pour arracher l'aiguillon aux ennemis du Christ. "

Alors je me souvins que, encore en France, quand je prenais des leçons de langue et de littérature russe chez un émigré étudiant en lettres, nommé Ezopoff, ce dernier m'avait raconté que la police politique russe ne laissait pas en paix les révolutionnaires même sur la terre française et qu'à la tête de la police avait été un certain Ratchkovsky.

Je demandai à S.A. Nilus, si le Général Ratchkovsky n'avait pas été chef de la police politique russe en France.

Serge Alexandrovitch fut surpris et même quelque peu mécontent de ma question"; il répondit d'une façon indéfinie, mais souligna fortement que Ratchkovsky lutta avec abnégation contre la maçonnerie et les sectes sataniques.

Avant tout, Serge Alexandrovitch voulait connaître l'impression produite par la lecture.

Je lui déclarai sans ambages que je demeurais sur ma position antérieure ; je ne crois pas aux " Sages de Sion ". Tout cela est du domaine de " Satan démasqué ", du " Diable au XIXe siècle " et autres mystifications".

Le visage de Serge Alexandrovitch s'assombrit.


"Vous êtes vraiment sous l'influence du diable-dit-il. La plus grande ruse de Satan est de faire nier non seulement son influence sur les choses de ce monde, mais jusqu'à son existence. Que diriez-vous donc si je vous montrais comment ce qui est dit dans les Protocoles s'accomplit, comment partout apparaît le mystérieux signe de l'Antéchrist proche, comme partout se fait sentir l'avènement prochain de son Règne ? "

Serge Alexandrovitch se leva et tous nous passâmes dans son cabinet. II prit son livre et un dossier, apporta de sa chambre un petit coffre que j'ai appelé plus tard le " Musée de l'Antéchrist ". Il se mit de nouveau à lire des fragments de son livre et des matériaux préparés pour l'édition. Il lisait tout ce qui pouvait exprimer l'attente eschatologique du Christianisme contemporain : les songes du Métropolite Philarète, des citations d'une encyclique de Pie X ; des prédictions de Saint-Séraphin de Saroff et de saints catholiques romains, des fragments d'Ibsen, de Solovieff et de Merejkovsky.

II lut très longtemps.

Ensuite, il passa aux " pièces à conviction ". Il ouvrit son coffret. Dans un désordre indescriptible s'y trouvaient des faux?cols, des caoutchoucs, des ustensiles de ménage, des insignes de diverses écoles techniques, même le chiffre de l'Impératrice Alexandra Féodorovna et la croix de la Légion d'honneur. Sur tous ces objets son hallucination lui montrait le " sceau de l'Antéchrist ", sous l'aspect d'un triangle ou de deux triangles croisés. Sans parler des caoutchoucs de la Fabrique de Riga " Treougolnik " (Triangle), la combinaison de deux initiales russes stylisées de l'Impératrice régnante (" A " et " "), ainsi que la croix à cinq branches de la Légion d'honneur se reflétaient dans son imagination enflammée comme deux triangles croisés - le signe de l'Antéchrist et le sceau des Sages de Sion. I1 était suffisant qu'un objet portât une marque de fabrique évoquant même peu distinctement les contours d'un triangle, pour qu'il entrât dans son musée.
Presque toutes ces observations sont entrées dans son édition des Protocols de 1911.

encore qu'un moment pour que sa raison se dissolve dans la démence.

Un fait psychologiquement extrêmement curieux se produisit. Je tâchais de calmer S.A. Nilus, de lui démontrer que dans les Protocoles mêmes il n'est pas question de ce signe sinistre, et c'est pourquoi il n'y a entre eux aucun rapport. Je m'efforçais de le convaincre qu'il n'avait rien découvert, parce que ce signe est noté dans tous les travaux d'occultisme depuis Hermès Trismégiste et Paracelse, qui n'étaient pas des " Sage de Sion ", jusqu'à nos contemporains Papus, Stanislas de Guaïta, etc., qu n'étaient pas juifs. Du reste le fameux " signe de l'Antéchrist " ne contient rien d'antichrétien, exprimant la descente de la Divinité dans l'Humain et l'ascension de l'Humanité vers le Divin.

Serge Alexandrovitch notait fiévreusement mes arguments et bientôt je vis que ma tentative de le ramener à la raison, loin d'atteindre le but, avais seulement exaspéré jusqu'à l'extrême limite ses sensations morbides.

Quelques jours plus tard, il expédiait à Moscou, à la librairie Gauthier, une grande commande de livres concernant les sciences hermétiques, et 2 ans plus tard, en 1911, parut la 3e éditions des Protocoles avec de nouvelles données tirées de l'occultisme et des illustrations empruntées aux auteurs cités. Sur la couverture, sous un titre nouveau : " Près de l'Antéchrist qui est proche ou le Royaume du diable sur la terre ", on voyait la carte du Roi dans le jeu de Tarot avec cette inscription : " Le voilà l'Antéchrist ! "

Ainsi le portrait même n'y manquait pas.

Je terminerai ce chapitre par deux traits qui caractérisent assez nettement la physionomie de S.A. Nilus. En 1909, pendant mon séjour à Optina, se déroulait à Pétersbourg le procès du Conseiller d'État actuel Lopoukhine, ancien Directeur du Département de Police. Involontairement, le sous-sol policier de l'Ancien Régime s'ouvrait à la curiosité publique. Je demandais à Serge Alexandrovitch, lui rappelant ce que j'avais entendu dire du " Général Ratchkovsky " :

- " Ne pensez-vous pas, Serge Alexandrovitch, qu'un Azef quelconque a pu duper le Général Ratchkovsky et que vous opérez sur des faux. "

- " Vous connaissez - répondit-il, ma citation préférée de saint Paul : " La force de Dieu s'accomplit dans la faiblesse humaine. " Admettons que les Protocols soient faux. Mais est-ce que Dieu ne peut pas s'en servir pour découvrir l'iniquité qui se prépare ? Est-ce que l'ânesse de Balaam n'a pas prophétisé ? Est-ce que Dieu, en considération de notre foi, ne peut pas transformer des os de chien en reliques miraculeuses ? Il peut donc mettre dans une bouche de mensonge l'annonciation de la vérité !"

En juin juillet 1909, les journaux russes annonçaient la seconde révolution jeune-turque. L'armée de Mahmoud-Schefket-Pacha s'approchait de Constantinople. Un jour, je vins voir Serge Alexandrovitch et le trouvais dans un état d'excitation extraordinaire. Devant lui se trouvait déployée la carte d'Europe donnée en supplément par le Rousskoié Znamia dont il est question à la page 128 de l'édition française des Protocoles". Sur cette carte est représenté un serpent rampant et se trouve tracé son chemin historique à travers les États d'Europe qu'il a conduits. Constantinople est la dernière étape avant Jérusalem.

Je demandais à Serge Alexandrovitch:

- Qu'est-il arrivé ?

- La tête du serpent s'approche de Constantinople, répondit-il ". Ensuite, S.A. Nilus se rendit à l'église commander un service propitiatoire pour que Dieu accordât la victoire au Sultan. Le prêtre hebdomadaire ne consentit pas à commémorer le serviteur de Dieu Abdoul-Hamid. Nilus s'en fut se plaindre à l'" Ancien" Varsonophie, qui dut, d'ailleurs bien en vain, employer beaucoup d'efforts pour le convaincre que le Sultan Rouge recevait une juste punition de ses massacres de chrétiens et de ses persécutions contre nos coreligionnaires. Au reste, Serge Alexandrovitch ne se calma point et revint dans une grande colère et vraiment révolté des raisonnements de l'" Ancien ".

III. Comment A.S. Nilus édita les Protocoles

En commençant l'exposé de mes souvenirs sur S.A. Nilus et les Protocoles des Sages de Sion, je concevais que les données dont je dispose ne sont que des matériaux pour ceux qui, se fondant sur un éclaircissement de tous les aspects du problème, pourront solutionner la question d'origine de ces Protocoles. C'est pourquoi j'ai fermement décidé de ne pas entrer en polémique ni avec l'éditeur français, ni avec les organes de presse qui ont traité de cette question.

Cependant, j'estime absolument indispensable, avant d'exposer l'enchaînement de circonstances qui rendit S.A. Nilus possesseur des Protocoles, de porter l'attention du lecteur sur une particularité de l'édition de 1917, qui a été relevée par Monseigneur Jouin. J'ai en vue la déclaration de S.A. Nilus, que le manuscrit lui aurait été remis par le Maréchal de Noblesse Alexis Nicolaïévitch Soukhotine. Cette version contredit l'autre déclaration que me fit Serge Alexandrovitch, selon laquelle le manuscrit fut reçu de Ratchkovsky par Madame K.

Connaissant la vie intime de Nilus, je comprends fort bien qu'il ne pouvait mettre en lumière, dans un écrit public, Madame K. ; la mystérieuse dame, dont il est question dans ses éditions.

Je suis éloigné de penser que A.N. Soukhotine soit un personnage mythique, mais je suis convaincu qu'il fut l'intermédiaire, le courrier chargé par Madame K., se trouvant alors en France, de remettre le précieux manuscrit à S.A. Nilus qui se trouvait déjà en Russie. Pour des considérations d'ordre intime Soukhotine devint le paravent cachant au lecteur la dame mystérieuse, Madame K.

En ce qui concerne la transmission du manuscrit, elle eut lieu dans les circonstances suivantes :

En 1900, Serge Alexandrovitch Nilus, absolument ruiné, rentra en Russie converti. II se mit à voyager, plus exactement à faire des pèlerinages, de monastère en monastère, se nourrissant parfois de seul pain bénit. C'est alors qu'il écrivit ses Notes d'un Orthodoxe ou le Grand dans le Petit", qui grâce au concours de l'Archimandrite (ensuite évêque et archevêque de Vologda) Nicone furent imprimées dans les Feuillets de la Trinité à Serghiev Possad (70 verstes de Moscou) et en brochure détachée.

Ce petit livre, décrivant la conversion d'un intellectuel athée et le processus de sa renaissance mystique fut l'objet de comptes rendus donnés par le directeur des Moskoyskia Viédomosti, M.L. Tikhomiroff, un révolutionnaire russe converti et par l'Archimandrite Nicone dans la Semaine Religieuse de Moscou. Ces notes de la presse bien-pensante parvinrent jusqu'à la grande-duchesse Élisabeth Féodorovna qui s'intéressa à l'auteur. La grande-duchesse Élisabeth Féodorovna avait toujours lutté contre les aventuriers mystiques qui entouraient Nicolas II et surtout contre l'influence du magnétiseur lyonnais Philippe. Elle n'aimait pas le confesseur de leurs Majestés, l'archiprêtre Yanyscheff qui n'avait su préserver le tsar de ces influences mystiques malsaines. La grande-duchesse pensait que S.A. Nilus, comme russe et mystique orthodoxe, pourrait avoir une influence favorable sur le tsar.

Le Major-Général Michel Pétrovitch Stépanoff, frère de Philippe Pétrovitch Stépanoff, procureur du Comptoir Synodal à Moscou, et parent éloigné de la famille Ozeroff, était attaché à la personne d'Élisabeth Féodorovna dont il possédait toute la confiance, de sorte qu'il resta attaché à sa personne même quand la grande-duchesse prit le voile. C'est par son intermédiaire que Serge Alexandrovitch fut envoyé à Tsarskoié Siélo et présenté à la demoiselle d'honneur Hélène Alexandrovna Ozeroff. Cela se passait en 1901.

Quand Serge Alexandrovitch avait quitté la France, il y avait laissé à Paris une personne fort proche, Madame K. Ayant perdu presque toute sa fortune, abattue par la séparation, la malheureuse femme s'inclina aussi du côté du mysticisme et s'intéressa aux petites chapelles occultistes de Paris. C'est dans ces conditions qu'elle aurait reçu de Ratchkovsky, lequel fréquentait également dans ces cercles, le manuscrit des Protocoles des Sages de Sion qu'elle expédia à Nilus.

Il est fort possible que Ratchkovsky, qui s'efforçait à ce moment, dit-on, d'annihiler l'influence de Philippe sur le Tsar, ayant été informé du rôle que l'on prédestinait à S.A. Nilus, eut un désir de profiter de la circonstance pour éliminer définitivement Philippe et s'assurer les bonnes dispositions du nouveau favori. Quoi qu'il en soit, quand, en 1901, S.A. Nilus vint à Tsarskoié, il était déjà en possession des Protocoles.

S.A. Nilus produisit une forte impression sur H.A. Ozerova et la coterie de Cour adverse de Philippe. C'est grâce à l'aide de ces personnes qu'il fit paraître en 1902 la première édition des Protocoles, à titre d'annexes au texte transformé de sa brochure sur ses propres expériences religieuses. Le livre parut sous le titre : Le Grand dans le Petit et l'Antéchrist comme possibilité politique proche'.

Le livre fut alors présenté à l'impératrice et au tsar. Simultanément, en rapport avec la campagne menée contre Philippe, ses adversaires conçurent la combinaison suivante : le mariage de S.A. Nilus et H.A. Ozerova, son ordination et introduction auprès de l'empereur dont il serait devenu le confesseur. L'affaire marchait si bien que S.A. Nilus avait déjà commandé ses vêtements de prêtre.

Je me souviens qu'au printemps de 1909 on mettait à l'air divers vêtements dans lesquels je remarquai les soutanes de Nilus confectionnées en 1902. Cependant, le parti Philippe réussit à parer le coup en informant les autorités ecclésiastiques de l'existence d'un empêchement canonique, dont la nature m'est connue, prohibant l'ordination de S.A. Nilus.

Après cela, Nilus tomba en disgrâce et dut s'éloigner de Tsarskoié-Siélo. De nouveau, sans d'autres ressources que les maigres honoraires reçus pour sa collaboration aux Feuillets de la Trinité, il recommença à errer de monastère en monastère. Le mariage était impossible, car H.A. Ozerova ne possédait d'autres ressources que la pension, liée avec la charge de cour et le service diplomatique de feu son père, pension dont elle eût été privée si elle se fût mariée.

En 1905, il n'y avait déjà plus l'influence de Philippe, hostile à Nilus. Les amis de H.A. Ozerova à la Cour obtinrent de Nicolas II le consentement impérial à ce qu'il lui fut concédé le droit de recevoir sa pension, même au cas où elle se marierait. C'est alors aussi que par les soins de H.A. Ozerova parut la deuxième édition des Protocoles, avec de nouveaux matériaux concernant Saint?Séraphin de Saroff. I1 me souvient que cette édition portait un titre modifié ; elle parut à Tsarskoié-Siélo et, me semblet?il, sous les auspices de la communauté locale de la Croix-Rouge, avec laquelle était en rapport H.A. Ozerova.

S.A. Nilus épousa H.A. Ozerova, mais l'empêchement canonique dont il a été question demeurait en vigueur et il était impossible de penser au sacerdoce ou à une influence spirituelle sur le tsar. Au reste, S.A. Nilus était un homme trop simple et trop rude pour exercer une influence prolongée sur le tsar et je doute même que personnellement il en eût le désir. Après leur mariage, les Nilus abandonnèrent pour toujours Tsarskoié et Pétersbourg ; ils s'installèrent d'abord près du monastère de Valdaï et ensuite, en 1907, prés d'Optina Poustyne, où je les trouvais en 1909. Leur genre de vie, je l'ai dit, était des plus modestes et la plus grande partie de la pension de 6 000 roubles, reçue par Hélène Alexandrovna, était affectée à l'entretien des pèlerins, des idiots et des infirmes qui trouvaient asile chez eux. C'est chez eux aussi qu'après sa ruine définitive, se réfugia, malade, Madame K., grâce à laquelle virent le jour et firent assez de bruit et de mal, les Protocoles des Sages de Sion, la remarquable découverte du " général Ratchkovsky ".

IV. L'église russe, l'opinion russe et les Protocoles de Sion

Les deux premières éditions (1902?1905) des Protocoles passèrent complètement inaperçues. Il me semble que seulement en 1907, L. Tikhomiroff répondit à leur apparition, en insérant dans ses Moskovskia Viédomosti un article de fond d'un caractère eschatologique, intitulé : "Hannibal est aux portes ". Peut-être est-ce l'édition de Boutmy, parue en 1907, qui en fut le prétexte.

Les revues théologiques, qu'éditaient nos Académies de théologie, ne dirent mot ni de ces éditions, ni des suivantes. Au reste, il est douteux que les premières éditions aient pu pénétrer jusqu'à l'opinion, car leur tirage était limité et il n'y avait aucune vente.

De tout l'épiscopat, seul l'archevêque Nicone de Vologda, membre du Conseil de l'Empire, connu par ses appels aux persécutions contre les dissidents, accordait une importance à ce livre et lui consacra une note dans les Feuillets de la Trinité. Les hauts représentants de la hiérarchie considéraient non seulement avec défiance l'édition de Nilus, mais craignaient d'y trouver un nouvel aspect de secte, parce que si l'on prophétise l'avènement de l'Antéchrist, il faut annoncer aussi le second avènement du Christ. Il m'arriva de causer de Nilus et de son oeuvre avec des hiérarques connus de l'Église russe, le métropolite Antoine et l'archevêque Serge. Tous deux eurent à souffrir pour avoir ouvertement dénoncé le péril venant de Raspoutine et étaient des adversaires déclarés des influences secrètes sur le tsar. Ils ne connaissaient Nilus que par ses oeuvres et en avaient une mauvaise opinion, supposant qu'il poursuivait un but non désintéressé, ce que je ne crois pas, car je continue à le considérer comme un fanatique convaincu.

Pour ce qui est des anciens d'Optina, tant que Nilus s'abstenait de la propagande de ses idées, ils le considéraient avec une grande condescendance et même une certaine attention. En effet, la dernière édition des Protocoles se référait à l'année 1905 et, dans l'intervalle entre 1905 et 1911, Serge Alexandrovitch, arrivé à Optina en 1908, en dehors de la bienfaisance et de l'observation rigoureuse des règles ecclésiastiques, ne s'occupait qu'à écrire des tracts spirituels et des Vies de Saints. Il fit paraître en 1907 un petit recueil de récits ayant trait à la mort du Juste.

II est indispensable de remarquer qu'à cette époque même, on ne pouvait compter les "Anciens" au nombre des disciples de Nilus. Je me souviens entre autres que le père Varsonophie me demanda plusieurs fois si Nilus ne m'importunait pas avec ses Protocoles; il lui faisait aussi grief de vouloir ériger en dogme son opinion personnelle.

Leur attitude envers Nilus fut tout autre après son édition de 1911, effectuée aux frais d'un marchand, vieux croyant de Kozelsk.

S.A. Nilus avait combiné avec la sortie de cette édition de sous la presse, l'inauguration de sa prédication sur le prompt avènement de l'Antéchrist. I1 s'adressa aux patriarches d'Orient, au Saint-Synode et au pape, avec une épître réclamant la convocation du VIIIe Concile oecuménique, pour y prendre des mesures communes à toute la chrétienté contre le prochain avènement de l'antéchrist. En même temps, prêchant aux moines d'Optina, il fixa à 1920 cet avènement. La paix monastique étant troublée, on le pria d'abandonner le cloître pour toujours.

J'ai remarqué les premiers indices d'un intérêt public pour les Protocoles en 1918, aux temps de l'ataman Krasnoff, quand je me trouvais au Don. L'édition de 1917 avait passé tout à fait inaperçue à cause des troubles révolutionnaires. L'émission d'une nouvelle édition à bon marché était dirigée en 1918, à Novotcherkassk, par M. Ismaïloff, avocat du barreau de Moscou, et le lieutenant-colonel Rodionoff auteur du roman intitulé Notre crime. Le journal La Sentinelle, connu par ses appels aux pogroms, faisait la réclame.

Encore bien avant la démission de Krasnoff, la Diète du Don avait exigé la suppression de tout subside à ce journal, qui cessa de paraître en février 1919.

C'est alors que le centre de la propagande antisémite et le dépôt de l'édition des Protocoles furent transférés à Rostoff où, après la démission de N.E. Paramonoff, qui géra pendant un très court laps de temps le département de la Propagande du Gouvernement Denikine, la propagation de cet écrit reprit de nouveau. Comme ancien chef du service politique à l'armée du Don, service qui préparait pour le commandement d'armée des rapports sur la politique intérieure et extérieure, j'ai disposé de données attestant que ce n'est pas seulement Pourischkiévitch, mais encore bien d'autres publicistes, affiliés à la Propagande du gouvernement de Denikine, qui s'occupaient de la diffusion des Protocoles à Rostoff, Kharkoff et Kieff. Les Protocoles étaient expédiés aux unités de l'armée volontaire, aux troupes cosaques du Kouban, d'ailleurs sans la participation du gouvernement koubanais. Ils servaient de nourriture à une agitation en faveur des pogroms qui donna, sous ce rapport, des résultats à la fois brillants et des plus pernicieux. Cette propagande démoralisa les troupes en justifiant les pillages et fut une des causes de notre défaite.

Une circulaire contre cette propagande fut bien expédiée aux aumôniers de régiments par l'archiprêtre Georges Schavelsky, chef du clergé militaire, mais ses effets furent paralysés par l'attitude d'une partie des officiers. Pendant l'été 1918 arriva à Rostoff un ancien professeur de l'Académie de Moscou, M. Malakhoff, qui commença une agitation antisémite en se basant sur les Protocoles. Le lieutenant-général Semenoff, préfet de la ville, n'y put faire obstacle, car ces conférences étaient organisées par le département de la Propagande du gouvernement Denikine.

Au Don, à partir de février 1919 et tant que le pouvoir d'État de la République du Don exista de fait comme un pouvoir indépendant, la diffusion des Protocoles ne fut pas autorisée.

Les Protocoles ont eu une signification importante dans les pogroms d'Ukraine. Un de mes amis, le colonel Dzougaeff, d'origine ossète*, m'a raconté ce fait caractéristique. Se trouvant à Kieff pendant la lutte entre le hetman Skoropadsky et Petlioura, il s'en était échappé sous un déguisement, pour se rendre au Don. A Loubny il fut arrêté par les gens de Petlioura qui, l'ayant d'abord pris pour un Juif, voulaient le fusiller. Un des chefs lui en avait donné la raison au cours de l'interrogatoire " Vous voulez, dit-il, nous donner un roi à la tête d'or (!). Cela fut dit à la séance de vos Sages de Sion ". La cause de la vague de pogroms qui couvrit l'Ukraine résidait visiblement dans cette agitation et non dans la politique du Directoire.

Le gouvernement de la Crimée par le général Wrangel fut l'époque par excellence de la propagande antisémite basée sur les Protocoles. Le professeur Malakhoff, le prêtre Vostokoff, les journalistes Nojine et Rouadze, subsidiés par le Gouvernement, criaient à tous les carrefours le danger des Protocoles et le complot universel judéo-maçonnique. Cependant, cette bruyante campagne n'eut pas de résultats réels et importants.

En résumé, en Russie même où virent le jour les Protocoles, leur influence fut longtemps nulle. Elle se manifesta seulement comme tentative de justifier en principe les brigandages de la guerre civile. C'est pourquoi je fus assez étonné de voir les Protocoles des Sages de Sion traduits en les principales langues d'Europe.

On est fondé de supposer que cet intérêt s'est manifesté en rapport avec les événements vraiment apocalyptiques de notre époque, événements inexplicables pour un grand nombre. Mais il me semble que ce mode d'explication d'un cataclysme historique ressemble fort aux pratiques divinitoires des femmes d'Orient sur le Quai de Galata, où, dans les linéaments capricieux de pierres et de monnaies jetées au hasard, on vous montre les traits indécis du présent et de l'avenir.

Dans l'histoire de la propagation des Protocoles, il est digne d'être remarqué qu'à l'exception d'un petit groupe de personnes, les représentants de l'Église russe, malgré les fautes d'un passé récent, ont su s'abstenir d'y coopérer. Particulièrement significative fut l'attitude des "Anciens " d'Optina envers Nilus.

Je suis convaincu que ce ne sont pas les Vostokoff et les Malakhoff qui expriment l'esprit de l'Église, mais bien les solitaires qui ont compris la sagesse du Maître. Pour les gens vraiment religieux, pour ceux qui ne considèrent pas la foi comme "l'ancilla politica " , l'eschatologie chrétienne ne s'exprime pas dans les révélations morbides d'un Nilus, prophète de la décadence spirituelle, mais bien dans le lumineux enseignement de W.S. Solovieff, ce docteur contemporain de l'Église, universelle, qui avait pressenti dans son 3e Dialogue sur les temps derniers, l'unité proche de tous les fils du Dieu unique pour la défense du patrimoine commun, car toute notre culture spirituelle repose également sur les fondements éternels des deux Testaments.

L'origine des Protocoles des sages de Sion


« Les secrets d'une manipulation antisémite »

Éric Conan

L'Express du 16/11/1999

© L'Express 1999 - Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only


© Coll.P.A.Taguieff


Les Protocoles des Sages de Sion, le célèbre faux fabriqué contre les juifs, ont été rédigés en France au début du siècle par un intrigant russe. L'auteur est enfin identifié. Les ravages, eux, continuent

© Coll.M.Lepekjine
Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907. Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907.

C'est la plus célèbre -- et la plus tragique -- des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du « complot juif mondial ». Le texte des Protocoles des Sages de Sion vient de livrer son dernier mystère: un historien russe, Mikhail Lépekhine, a établi l'identité de son auteur, grâce aux archives soviétiques. Elle permet de comprendre pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour connaître cet épilogue: le faussaire, Mathieu Golovinski, qui a effectué sa besogne à Paris, au début du siècle, pour le représentant en France de la police politique du tsar, était devenu, après la révolution russe de 1917, un notable bolchevique... La découverte de ce sinistre pied de nez historique permet de combler les dernières lacunes dans l'histoire d'une imposture qui, après avoir fait beaucoup de ravages en Europe, connaît un destin encore florissant dans beaucoup de régions du monde.

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Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles. Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles.

Historien de la littérature russe, Mikhail Lépekhine est l'un des meilleurs connaisseurs des « publicistes » de la fin du XIXe siècle, ces personnages à la fois écrivains, journalistes et essayistes politiques qui interviennent sous forme de libelles, d'articles et de livres dans les convulsions de la vie publique russe de l'époque. Sa spécialité: les années charnières du règne d'Alexandre III (1881-1894) et du début du règne de Nicolas II (1894-1902), période agitée qui précède les turbulences révolutionnaires. Ancien conservateur des archives de l'Institut de littérature russe et chercheur en histoire des imprimés de la bibliothèque de l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg, Mikhail Lépekhine étudie la vie et l'œuvre de tous ces individus, y compris ceux de deuxième et troisième ordre, pour la plupart réunis dans le monumental Dictionnaire biographique russe en 33 volumes, dont il dirige l'édition.

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Pierre Ratchkovski (à dr.), responsable de la police politique russe à Paris et commanditaire des Protocoles. Pierre Ratchkovski (à dr.), responsable de la police politique russe à Paris et commanditaire des Protocoles.

C'est en travaillant sur l'un de ces publicistes, Mathieu Golovinski, fils d'aristocrate, avocat radié pour détournement de fonds, journaliste à scandale et intriguant dans les milieux politiques russes de Saint-Pétersbourg et de Paris, qu'il a plongé dans l'histoire des Protocoles, qui, jusqu'alors, ne constituaient pas pour lui un sujet de préoccupation. Dépouillant tous les fonds documentaires concernant Golovinski, il a trouvé dans des archives françaises conservées à Moscou depuis quatre-vingts ans la trace de son rôle dans la fabrication du célèbre faux. Mikhail Lépekhine mesure vite l'importance de sa découverte en faisant le bilan des connaissances actuelles sur l'histoire des Protocoles, dont un chercheur français, Pïerre-André Taguieff, a récemment publié la synthèse la plus complète1. Il vient de trouver le chaînon manquant -- l'identité du faussaire -- au croisement de deux longues histoires: celle d'un petit arriviste dont ce « travail » ne fut qu'un bref moment de sa vie agitée et trouble et celle d'un faux infâme pour lequel Mathieu Golovinski ne fut qu'un exécutant technique.

Les Protocoles des Sages de Sion, parfois surtitrés Programme juif de conquête du monde, sont un texte connu sous deux versions proches, éditées en Russie, d'abord partiellement, en 1903, dans le journal Znamia, puis, dans une version complète, en 1905 et en 1906. Ils se présentent comme le compte rendu détaillé d'une vingtaine de réunions judéo-maçonniques secrètes au cours desquelles un « Sage de Sion » s'adresse aux chefs du peuple juif pour leur exposer un plan de domination de l'humanité. Leur objectif: devenir «maîtres du monde» après la destruction des monarchies et de la civilisation chrétienne. Ce plan machiavélique prévoit d'utiliser la violence, la ruse, les guerres, les révolutions, la modernisation industrielle et le capitalisme pour mettre à bas l'ordre existant, sur les ruines duquel s'installera le pouvoir juif.

Ce « document secret » est rapidement mis en doute par le comte Alexandre du Chayla, un aristocrate français converti à l'orthodoxie et qui luttera plus tard au sein de l'armée blanche contre les bolcheviques: il avait rencontré en 1909 le premier éditeur des Protocoles, Serge Nilus, pape du mysticisme russe, qui lui avait montré l' « original ». Pas du tout convaincu, le comte racontera par la suite avoir eu l'impression de rencontrer un illuminé pour qui la question de l'authenticité du texte importait peu. « Admettons que les Protocoles soient faux, lui a déclaré Nilus. Mais est-ce que Dieu ne peut pas s'en servir pour découvrir l'iniquité de ce qui se prépare? Est-ce que Dieu, en considération de notre foi, ne peut pas transformer des os de chien en reliques miraculeuses? Il peut donc mettre dans une bouche de mensonge l'annonciation de la vérité! »

© A.Demianchuk/Reuters pour L'Express
Mikhail Lépekhine, chez lui. Dans ses mains, la première édition parisienne en russe des Protocoles. Mikhail Lépekhine, chez lui. Dans ses mains, la première édition parisienne en russe des Protocoles.

Les Protocoles sont en fait « lancés » dans le grand public par le Times de Londres du 8 mai 1920, dont un éditorial intitulé « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête» évoque ce « singulier petit livre », auquel il semble accorder du crédit. Le Times se rattrape un an plus tard, en août 1921, en titrant « La fin des Protocoles » et en publiant la preuve du faux. Le correspondant à Istanbul du quotidien britannique avait été contacté par un Russe blanc réfugié en Turquie qui, visiblement bien informé, lui avait révélé que le texte des Protocoles était le décalque d'un pamphlet français contre Napoléon III. Une vérification rapide avait prouvé la falsification: les Protocoles reprenaient effectivement le texte du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly, un avocat antibonapartiste qui voulait montrer que l'empereur et ses proches complotaient pour s'emparer de tous les pouvoirs de la société française. Utilisant ce texte oublié qui avait valu deux ans de prison à Maurice Joly, le faussaire des Protocoles avait remplacé « la France » par « le monde » et « Napoléon III » par « les juifs ». La supercherie, grossière, éclatait par simple comparaison ligne à ligne des deux textes. Le faux était dévoilé, mais le mystère de son origine demeurait. On savait simplement que le texte original était rédigé en français et l'on supposait qu'il avait pu être fabriqué au tout début du siècle, à Paris, dans les milieux de la police politique russe.

C'est dans les archives du Français Henri Bint, agent des services russes à Paris pendant trente-sept ans, que Mikhail Lépekhine a vérifié que Mathieu Golovinski était le mystérieux auteur du faux. Recevant en 1917 à Paris Serge Svatikov, l'envoyé du nouveau gouvernement russe de Kerenski chargé de démanteler les services secrets tsaristes et de « débriefer » -- et parfois retourner -- ses agents, Henri Bint lui explique que Mathieu Golovinski était l'auteur des Protocoles et que lui-même a notamment été chargé de la rémunération du faussaire. Le dernier ambassadeur du tsar, Basile Maklakov, étant parti avec les archives de l'ambassade, qu'il donnera en 1925 à la fondation américaine Hoover, Serge Svatikov achète à Henri Bint ses archives personnelles. Rompant ensuite avec les nouveaux dirigeants bolcheviques, Svatikov dépose les archives Bint à Prague, dans le fonds privé des « Archives russes à l'étranger ». En 1946, les Soviétiques mettent la main sur ce fonds qui rejoint à Moscou les archives d'Etat de la Fédération de Russie.

Une petite ruse de l'Histoire
Le secret de Golovinski est donc préservé jusqu'à l'effondrement du communisme et l'ouverture générale des archives, en 1992. Le faussaire antisémite étant en effet devenu « compagnon de route » des bolcheviques dès 1917, les Soviétiques n'ont eu aucune envie de révéler cette petite ruse de l'Histoire, qui semble encore gênante aujourd'hui, puisque la découverte de Mikhail Lépekhine, révélée en août dernier par Victor Loupan dans Le Figaro Magazine, n'a suscité aucun intérêt dans la grande presse française.

© J-P Couderc/L'Express
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles. Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles.

Grâce à sa connaissance détaillée de l'itinéraire de l'auteur des Protocoles, Mikhail Lépekhine peut aujourd'hui, au terme de cinq années de recherches, retracer complètement les circonstances et les objectifs de la fabrication de ce faux. Né le 6 mars 1865 à Ivachevka, dans la région de Simbirsk, Mathieu Golovinski est issu d'une famille aristocratique descendant d'un croisé, le comte Henri de Mons. Famille bien née, mais turbulente: « Le grand-oncle de Mathieu Golovinski fut condamné à vingt ans d'exil en Sibérie pour sa participation au complot antimonarchiste des décembristes et Basile, son père, proche de Dostoïevski, fut condamné à mort et gracié en même temps que l'écrivain, après un simulacre d'exécution », raconte Mikhail Lépekhine. Libéré après s'être engagé plusieurs années comme soldat dans la guerre du Caucase, Basile meurt dépressif en 1875, laissant le petit Mathieu Golovinski entre les mains de sa mère et d'une gouvernante française qui en fait un excellent francophone. Etudiant en droit désinvolte, mais habile et sans grands scrupules, Mathieu Golovinski semble très tôt doué pour l'intrigue. Le jeune arriviste parvient à entrer en contact avec le comte Vorontsov-Dahkov, proche du tsar et ministre à la cour: convaincu de la menace d'une conspiration, le comte a fondé, après l'assassinat d'Alexandre II, la Sainte-Fraternité, organisation secrète répondant à la terreur par la terreur et la manipulation. La Sainte-Fraternité fut en effet l'une des premières « forgeries » de faux documents, fabricant notamment de faux journaux révolutionnaires.

Nommé fonctionnaire à Saint-Pétersbourg, Mathieu Golovinski travaille dans les années 1890 pour Constantin Pobiedonostsev, procureur général du Saint-Synode et l'un des inspirateurs d'Alexandre III. Chrétien militant, le dignitaire orthodoxe a mis sur pied un programme d'évangélisation d'un peuple païen de la Volga, les Tchauvaches, en compagnie de l'oncle de Mathieu Golovinski et d'Ilya Oulianov, père du futur Lénine. « Constantin Pobiedonostsev est obsédé par l'invasion de l'appareil d'Etat par les juifs, qu'il juge "plus intelligents et plus doués" que les Russes », explique Mikhail Lépekhine. C'est par son intermédiaire que Mathieu Golovinski travaille pour le Département de la presse, officine chargée d'influencer les journaux en remettant à leurs directeurs des articles prêts à publier, voire en les obligeant à salarier certains de ses agents, qui, mi-mouchards, mi-journalistes, censurent de l'intérieur la presse et surveillent sa « ligne ». Le chef de ce Département de la presse, Michel Soloviev, antisémite fanatique, fait de Golovinski son « deuxième rédacteur ». « Golovinski a la plume très facile. Il est doué et assume pendant cinq ans cette fonction trouble avec aisance, en dilettante doué et en jouisseur », précise Mikhail Lépekhine, qui a lu nombre de ses textes de l'époque.

Cette agréable sinécure échappe brutalement à Mathieu Golovinski: Soloviev meurt et Pobiedonostsev n'a plus la même emprise sur le nouveau tsar, Nicolas II, qui paraît désireux d'instaurer un style différent. Les hommes de l'ombre changent et Golovinski se fait traiter publiquement de « mouchard » par Maxime Gorki. Il s'exile à Paris, ville qu'il fréquente depuis longtemps, et trouve le même type de « travail » auprès d'un ancien de la Sainte-Fraternité, Pierre Ratchkovski, qui dirige les services de la police politique russe en France. « Golovinski est notamment chargé d'influencer les journalistes français dans leur traitement de la politique du tsar. Il lui arrive ainsi d'écrire des articles qui passent dans de grands quotidiens parisiens sous la signature de journalistes français! » précise Mikhail Lépekhine. Toujours aussi actif, il complète ces activités en publiant en 1906, aux éditions Garnier, un dictionnaire anglais-russe plagié d'une édition russe, entreprend des études de médecine durant trois ans et connaît une vie aisée à Paris, grâce à une pension que continue à lui verser sa mère, tout en dissimulant cette hyperactivité sous les apparences tranquilles d'un banlieusard résidant à Bourg-la-Reine jusqu'en 1910.

Un intrigant au service des puissants
La propagande contre-révolutionnaire à destination des élites politiques françaises est l'une des activités principales de Ratchkovski, qui a créé à Paris une Ligue franco-russe: les relations entre les deux pays constituent alors un enjeu primordial et l'ancien de la Sainte-Fraternité conserve les obsessions du clan orthodoxe ultra-réactionnaire, qui veut convaincre le tsar qu'un complot judéo-maçonnique se cache derrière le courant libéral et réformateur. Or Nicolas II, moins perméable à cette thématique que ses prédécesseurs, se montre préoccupé par les critiques occidentales relatives à la politique russe de discrimination à l'égard des juifs. Ratchkovski a donc l'idée d'une manœuvre destinée à convaincre le tsar du bien-fondé des préventions antisémites. Sous l'influence d'Ivan Goremykine, ancien ministre de l'Intérieur en disgrâce, il veut notamment que le tsar se débarrasse du comte Sergueï Witte, chef de file des modernisateurs au sein du gouvernement. Il s'agit donc de produire une « preuve » décisive de ce que la modernisation industrielle et financière de la Russie est l'expression d'un plan juif de domination du monde.

D'où la commande de Ratchkovski à Golovinski d'un faux -- un parmi tant d'autres, pour ce polygraphe doué -- destiné à l'origine à un seul lecteur: le tsar. En effet, Ratchkovski semble avoir imaginé une habile manœuvre: sachant que le mystique Serge Nilus a des chances de devenir le nouveau confesseur du tsar, il pense faire remettre à Nicolas II son faux manuscrit antisémite par cet intermédiaire de confiance. Selon Mikhail Lépekhine, c'est donc à Paris, à la fin de 1900 ou en 1901, que Golovinski rédige les Protocoles en se servant du pamphlet de Maurice Joly contre Napoléon III. Mais le stratagème tombe à l'eau: Serge Nilus n'est pas nommé confesseur. Il conserve cependant le texte, qu'il publiera en 1905 en annexe de l'un de ses ouvrages, Le Grand dans le Petit. L'Antéchrist est une possibilité politique imminente, qui est remis au tsar et à la tsarine. Ce livre explique que, depuis la Révolution française, un processus apocalyptique s'est enclenché, qui risque de déboucher sur la venue de l'Antéchrist.

« La rédaction des Protocoles ne constitue qu'un moment dans l'existence de Golovinski, précise Mikhail Lépekhine. Je ne pense pas qu'il se soit rendu compte de la portée de son travail. Ainsi, lors de leur élaboration, il en parle et en lit des passages à une amie de sa mère, la princesse Catherine Radziwill. Réfugiée aux Etats-Unis, celle-ci est la seule, dans les années 20, à désigner, dans une revue juive, Golovinski comme l'auteur des Protocoles. Mais elle n'a pas de preuve et son témoignage, comportant beaucoup d'erreurs, n'est pas retenu. » Il en est de même lors d'un procès tenu à Berne, en 1934, à la demande de la Fédération des communautés juives de Suisse, qui voulaient établir la fausseté des Protocoles, alors diffusés par les nazis suisses: « Le nom de Golovinski est mentionné tant par Serge Svatikov que par le journaliste d'investigation Vladimir Bourtsev, tous deux témoins cités par les plaignants », ajoute Pierre-André Taguieff.

Mathieu Golovinski poursuit sa vie d'intrigant au service des puissants du jour qui veulent bien employer ses talents. De retour en Russie, il travaille ainsi pour Ivan Tcheglovitov, ministre de la Justice, puis pour Alexandre Protopopov, qui devient ministre de l'Intérieur en 1916. Il publie aussi, en 1914, un ouvrage de propagande, Le Livre noir des atrocités allemandes, signé « Dr Golovinski ». Car il se fait désormais passer pour médecin, sans avoir pourtant obtenu aucun diplôme après ses études parisiennes.

La « preuve » du « complot juif »
La chute du tsarisme ne saurait ébranler un si bon nageur en eau trouble. Il se retrouve dès 1917... député d'un soviet de Petrograd (Saint-Pétersbourg): le Dr Golovinski est célébré par les révolutionnaires comme le premier des rares médecins russes à avoir approuvé le coup d'Etat bolchevique! La carrière de ce « médecin rouge » est, dès lors, fulgurante: membre du Commissariat du peuple à la santé et du Collège militaro-sanitaire, c'est un personnage influent du nouveau régime dans sa politique de santé. Il participe au lancement des pionniers (les membres d'une organisation d'embrigadement de la jeunesse), conseille Trotski pour la mise en place de l'enseignement militaire et fonde en 1918 l'Institut de culture physique, future pépinière de champions soviétiques, dont il prend la direction. Devenu notable, il ne profite pas longtemps de son nouveau pouvoir et meurt en 1920, au moment précis où ses Protocoles commencent à connaître un grand succès grâce à leurs traductions anglaise, française et allemande.

La Première Guerre mondiale, la révolution russe et le chaos en Allemagne semblent confirmer les prophéties du faux antisémite: l'histoire dramatique dans laquelle sont plongées l'Europe et la Russie ont un effet d'authentification de ce texte, dont un exemplaire est d'ailleurs trouvé dans la chambre de la tsarine après le massacre de la famille de Nicolas II -- indice, pour certains Russes blancs antisémites, qu'il s'agit bien d'un crime « judéo-bolchevique »... La démonstration de la falsification apportée par le Times n'entame pas le crédit des Protocoles, qui ne cessent d'être présentés en Europe comme la « preuve » du « complot juif international », tout au long des années 30. Le faux fait l'objet de nombreuses éditions, qui ne se limitent plus aux organes antisémites. Ainsi, en France, c'est une maison d'édition reconnue, Grasset, qui les édite, dès 1921, avec de nombreuses réimpressions jusqu'en 1938. Aux Etats-Unis, c'est le constructeur automobile Henry Ford, qui, croyant à leur authenticité, les diffuse à travers sa presse.

La propagande nazie exploite et diffuse les Protocoles. En 1923, Alfred Rosenberg leur consacre une étude et, dans Mein Kampf (1925), Adolf Hitler écrit que « les Protocoles des Sages de Sion -- que les juifs renient officiellement avec une telle violence -- ont montré de façon incomparable combien toute l'existence de ce peuple repose sur un mensonge permanent », ajoutant que s'y trouve exposé clairement « ce que beaucoup de juifs peuvent exécuter inconsciemment ». Dès leur arrivée au pouvoir, en 1933, les responsables nazis confient à leur office de propagande la tâche de diffuser les Protocoles et de défendre la thèse de leur authenticité.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Protocoles, désormais interdits dans la plupart des pays européens, entament une seconde carrière, consécutive à la création de l'Etat d'Israël. Une première édition en arabe paraît au Caire en 1951*. Suivie de nombreuses autres, dans toutes les langues, y compris en français, dans la plupart des pays musulmans. Les Protocoles servent alors à dénoncer un « complot sioniste ». « Selon cette réutilisation, si les fiers et valeureux Arabes ont pu être vaincus par les juifs lâches et fourbes, c'est en raison d'un complot international de forces occultes organisées par les sionistes », explique Pierre-André Taguieff. « Les Protocoles constituent un modèle réduit de la vision antijuive du monde la plus propre à la modernité, vision centrée sur le thème de la domination planétaire. La référence publique aux Protocoles est, par exemple, aujourd'hui présente dans les textes et les discours du FIS algérien et du Hamas palestinien », ajoute le chercheur, qui a établi la plus importante bibliographie des éditions récentes de ce faux insubmersible.

L'ennemi absolu, diabolique et mortel
Bibliographie qui ne cesse de s'enrichir et ne se limite pas aux pays arabes. Le texte reparaît publiquement dans beaucoup d'Etats ex-communistes -- il est en vente libre à Moscou -- et fait l'objet d'éditions récentes en Inde, au Japon ou en Amérique latine, avec une large diffusion. Loin d'être reclus dans d'obscures officines, comme c'est désormais le cas en Europe, il est, par exemple, en vente dans certains kiosques de Buenos Aires. Dans ces pays, la survie de ce texte n'a pas été affectée par la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme la démonstration du plagiat qui le constitue n'avait pas empêché son utilisation contre le « judéo-bolchevisme ». C'est la force de ce « Nostradamus antisémite » que de transcender toute réfutation rationnelle. Pierre-André Taguieff y voit l'expression la plus efficace du « mythe politique moderne » du « juif dominateur »: « Par sa structure -- la révélation du secret des juifs par un texte confidentiel qui leur est prétendument attribué -- le texte des Protocoles satisfait au besoin d'explication, en donnant un sens au mouvement indéchiffrable de l'Histoire, dont il simplifie la marche en désignant un ennemi unique. Il permet de légitimer, en les présentant comme de l'autodéfense préventive, toutes les actions contre un ennemi absolu, diabolique et mortel qui se dissimule sous des figures multiples: la démocratie, le libéralisme, le communisme, le capitalisme, la république, etc. Le succès et la longévité des Protocoles, fabriqués à l'origine pour des enjeux limités à la cour de Russie, tiennent paradoxalement au manque de précision du texte, qui peut facilement s'adapter à tous les contextes de crise, où le sens des événements est flottant, indéterminable. D'où ses permanentes réutilisations. »

1. Les Protocoles des Sages de Sion, par Pierre-André Taguieff. Tome I : Un faux et ses usages dans le siècle (408 p.); tome II : Etudes et documents (816 p.). Berg International, 1992.


* [Note de PHDN] Les premières éditions en arabe des Protocoles datent du début des années vingt, en non de 1951, et leur diffusion « joue un rôle décisif dans l'imprégnation antijuive des élites politiques et culturelles des pays arabes »; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., tome I, p. 295


Nous remercions vivement L'Express de nous avoir autorisé à reproduire cet article sur le site PHDN

Bibliographie complémentaire sur les Protocoles

Norman Cohn, Histoire d'un mythe, la « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion, Gallimard, Folio Histoire, 1992 -- 1ère édition 1967

Henri Rollin, L'apocalypse de notre temps, Éditions Allia, 1991 -- 1ère édition 1939

Binjamin W. Segel, A lie and a libel, The History of the Protocols of the Elders of Zion, University of Nebraska Press, 1995 -- 1ère édition (en allemand) 1926.

Philip Graves, « The Truth about the Protocols: A Literary Forgery », The Times of London, 16-18 août 1921; Sur le web avec une introduction (2000) de Gordon Fisher: http://www.h-net.msu.edu/~antis/doc/graves/graves.a.html

Liens

L'étude, en anglais de Léon Zeldis, « The Protocols of the Elders of Zion Anti-Masonry and Anti-Semitism ».

Le récit par Alexandre du Chayla de sa rencontre avec Serguéi Alexandrovitch Nilus vers 1909. Nilus lui montra le manuscrit « original » des Protocoles.

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Vos réactions
21/08/2000 -- mis à jour le 28/01/2001
Antisémitisme, mensonges et propagande

Avec une émotion et une inquiétude grandissantes, sous l'influence d'une sorte de terreur mystique, mon interlocuteur m'expliqua que le signe du " Fils de l'iniquité " a tout souillé, qu'il flamboie même dans les dessins des ornements d'églises et dans les rinceaux de la grande icône qui se dresse derrière l'autel dans l'église du Skyte.

Je sentais une sorte d'effroi.

Il était près de minuit. Le regard, la voix, les gestes semblables à des réflexes, tout dans S.A. Nilus créait la sensation que nous marchions au bord d'un gouffre et qu'il ne fallait

J'ai reproduit ce texte d'après l'ouvrage de : Pierre-André Taguieff "Les Protocoles des Sages de Sion: I introduction à l'étude des Protocoles un faux et ses usages dans le siècle, "Fait et Représentation" Berg International Editeurs Paris 1992 ISBN : 2-900269-66-0.

Si le texte d'origine de la Tribune juive est du domaine publique il n'en est pas de même de l'appareil critique et des notes qui accompagnent ce texte dans l'ouvrage de Pierre-André Taguieff. Raison pour laquelle je ne peut que conseiller la lecture du dit ouvrage pour ceux qui désireraient approfondir cette question.

Les Protocoles

des sages de SION

ÉDITION INTÉGRAL

ÉDITIONS C. E. A.

PARIS ‑ 1943 Prix : 6 fr.

Les protocoles des Sages de Sion

Introduction

La genèse de Protocoles

Les « Protocoles des Sages de Sion » sont la consignation écrite de conférences faîtes en trois séances, et groupés en vingt-quatre parties consacrées au programme politique, économique et financier de l’établissement de l’hégémonie mondiale juive. Les recherches les plus récentes démontrent que ce programme n’a pas été arrêté, comme beaucoup le croyaient, au premier Congrès sioniste de Bâle en 1897 ; il n’a pas non plus été rédigé par des Sionistes et n’a rien à voir avec le Sionisme. En 1925, le grand-maître de l’antisémitisme Théodhor Frisch avait écarté l’hypothèse qu’un plan sioniste, en écrivant lui-même dans la revue « Hammer » d’avril (n° 547) :

« Il faut encore dissiper un malentendu. Nous avons réfuté dès début la désignation « Protocoles Sionistes ». tout d’abord, il ne saurait s’agir de Protocoles, c’est-à-dire de consignations de conférences , mais bien de directives et de thèses formant un programme politique. D’autres part, il y a lieu de faire remarquer que ces Protocoles n’ont rien de commun avec l’Association Sioniste fondée par le docteur Herzl et dont le but principal est la constitution d’un État juif en Palestine. Par « Sages de Sion », il faut évidemment entendre les grands chefs spirituels du Judaïsme, le Conseil Suprême du Judaïsme , pour ainsi dire, – assemblée analogue à celle du Sanhédrin et dont le programme est fixé par les protocoles. Le titre « Programme des Sages de Sion » serait donc beaucoup plus exact.

La raison pour laquelle Fritsch a tout de même intitulé sa brochure « Les Protocoles Sionistes » n’apparaît pas clairement.

Introduction

Le premier éditeur des Protocoles, le Russe. Nilus, dont nous reparlerons plus tard, écrivait déjà (édition de 1911, p. 54) :

" Il faut par ailleurs reconnaître que la désignation du manuscrit ne correspond pas exactement à l'esprit du texte. Ce ne sont pas des protocoles, mais des conférences faites par un personnage influent divisées en plusieurs parties qui ne s’enchaînent pas toujours logiquement entre elles. »

Cela est parfaitement exact, mais Nilus qualifia néanmoins chaque partie de « protocole », ce qui amena par la suite les traducteurs à commettre une très grave erreur. Ils crurent pouvoir conclure qu'il y avait eu vingt-quatre séances secrètes, et intitulèrent en conséquence chaque partie « Séance ». Cette interprétation arbitraire est en complète contradiction, avec le texte des « Protocoles » (Nous sommes obligés de conserver ce titre, utilisé antérieurement). Il ressort nettement du texte qu`il s'agit d'une conférence répartie sur trois séances, d'environ une heure chacune. Dans le Protocole 20, l'auteur lui-même emploie le mot « conférence ».

La première conférence comprend les parties 1 à 9 et traite du programme destructif : Excitation à la discorde au sein des partis ; Extermination de la noblesse et des grands propriétaires terriens ; Provocation de crises économiques et de troubles parmi les ouvriers ; Action de désagrégation par la presse ; Confusion de l'opinion publique ; Dépravation de la jeunesse ; Sapement de la justice ; Lutte contre la religion.

La deuxième conférence comprend les parties 10 à 19. Il s'agit bien d'une autre conférence et d'une autre date, ainsi que le prouve nettement l'introduction (Prot. 10, 1) : Je commence cette fois par une répétition de ce que j’ai dit antérieurement. » Le conférencier traite du programme constructif : de la constitution de l'État, de la position des représentants du peuple, de l'organisation de la presse, de la législation, de la justice, de l'instruction publique, de l'organisation de la police.

La troisième conférence – parties 20 à 24 – débute par la phrase : « Aujourd'hui, nous parlerons du programme financier. » Le conférencier traite des impôts, de la circulation de l'argent, du budget de l'État des emprunts publics et finalement de la position du Souverain. Cette conférence semble avoir été exceptionnellement courte, ce qui s'explique du fait que le Manuscrit. parvenu à Nilus ne contenait pas les développements ultérieurs. On peut se rendre compte qu'il manque quelque chose d'après les paroles du conférencier (Prot. 16, 7) : « Faisant suite à mes développements au sujet de notre programme actuel et futur, : je vous donneras lecture des principes de ces théories. Cet appendice, qui manque malheureusement terminait la troisième conférence.

Quant à l'origine des Protocoles, ont en sait ce qui suit : « Au printemps de 1895, un propriétaire terrien le commandant en retraite Alexeï Nikolaïevitch Soukhotine, « Maréchal de Noblesse », c’est-à-dire Président de L'Association des Nobles de la région, Habitant à Tchern (Gouvernement de Toula), reçut d'une Russe la copie du Protocole rédigée en langue française. Les recherches ont établi qu'en toute probabilité il s'agissait de Mlle Juliana Dimitrievna Glinka (1844‑1918), fille d'un diplomate russe, vivant à Paris sous le nom de Justine Glinka et qui entre 1880 et 1890, avait déjà fait parvenir aux autorités de son pays des renseignements sur l'activité des révolutionnaires russes. Lorsqu’elle quitta Paris au printemps de 1895 et rentra en Russie, elle rendit visite pas hasard au commandant Soukhotine qui était de ses amis, et lui remit une copie des Protocoles qu`elle avait obtenue d'une manière mystérieuse par un franc-maçon français à Paris et rapportée en Russie. Soukhotine en fit faire plusieurs copies qu'il remit a ses amis. II a pu être. prouvé qu'il donna le premier exemplaire, en 1895, au futur Conseiller d'État Philippe Petrovitch Stepanoff (mort est 1932), qui fit polycopier cet écrit dans la même année et le fit imprimer en 1897 en petite quantité à l'intention de ses amis et connaissances.

Plus tard, le russe Kruchevan, député à la Douma et adversaire des Juifs, entra en possession d'un exemplaire de cette édition, dont il fit publier le texte en abrégé et en mauvaise traduction dans les numéros du 28 août au 7 septembre 1903 de son journal « Zuamia » (l'Étendard ).

En été 19111, Soukhotine sentit également une copie des Protocoles à son ami le propriétaire terrien et écrivain Sergueï Alexandrovitch Nilus (1862‑1930) qui travaillait alors à un ouvrage sur « L'Antéchrist qui approche ». Cet ouvrage traitait de l'activité destructive des puissances secrètes supra‑nationales. Le livre intitulé « Le Grand dans le Petit et l'Antéchrist ‑ une possibilité politique prochaine » se trouvait déjà sous presse (il parut est 1901) de sorte que Nilus ne put y faire figurer les Protocoles. Il ne le fit que dans la deuxième édition, qui parut est 1905. Par la suite, Nilus fit publier (en 1911) une troisième édition, portant le titre « L'antéchrist qui approche » et, en 1917, une quatrième et dernière édition sous le titre « Il est devant la porte ». Nilus décrit lui-même, dans L'édition de 1905, de quelle façon il était entré en possession des Protocoles :

« J'ai réussi à obtenir la manuscrit par une personne qui m'était proche et qui est décédée depuis. » (Il veut parler de Soukhotine). « Il me fut remis il y a environ quatre ans, c'est‑à‑dire en 1901,

avec la garantie qu'il s'agissait d'une copie exacte du document original, qu'une femme avait dérobé à l'un des chefs particulièrement influents de la Franc-Maçonnerie après une séance secrète des initiés en France, ce nid moderne de la conjuration maçonnique. »

Nilus précise encore dans son édition de 1917 :

« Ce manuscrit nie lut remis par le Maréchal de Noblesse de l'arrondissement. de Tchern, Alexeï Nikolaïevitch Soukhotine... Soukhotine nie dit à cette occasion qu'il avait reçu ce manuscrit des mains d'une propriétaire terrienne de l'arrondissement de Tchern, qui vivait continuellement à l'étranger. Je me souviens qu’il me dit également son nom, mais je l'ai oublié. Cette dame doit avoir obtenu le manuscrit d'une façon assez mystérieuse, probablement elle l'a dérobé. »

D'après une déclaration faite au « Welt-Dienst » (Service Mondial) à Erfurt, le 24 mars 1936, par le fils de Nilus, Sergueï Sergueïevitch Nilus (1883‑1941), qui était présent au moment où Soukhotine remit le manuscrit à son père, ce dernier

écrivit intentionnellement qu'il avait oublié le nom de la dame en question, car Soukhotine lui avait fait promettre de ne pas révéler l'identité de l'intermédiaire tant qu'elle vivrait, afin de ne pas l'exposé à des ennuis.

Il ressort de tout cela que le document existait déjà à l'époque où eut lieu le premier Congrès Sioniste de Bâle, en 1897, et que ce document fut dérobé à un Sioniste. Si les Protocoles peuvent encore avoir un rapport avec le Congrès Sioniste, cela doit être attribué à deux citations. Dans l'édition de 1917, Nilus écrivait : « Ce n'est qu'à présent que cela me parait croyable et que j'ai appris de sources juives que les Protocoles représentent le plan stratégique de soumission du monde par Israël, l'ennemi de Dieu. Ce plan fut élaboré par les chefs du Judaïsme pendant les siècles de la dispersion du peuple juif, et présenté par le Prince de l'Exil, Theodor Herzl, au Conseil des Anciens au moment du Premier Congrès Sioniste convoqué par lui à Bâle en août 1897. »

C'est ce rapport qui a amené les éditeurs ultérieurs à admettre que les Protocoles furent discutés et arrêtés en vingt-quatre séances secrètes au Premier Congrès Sioniste à Bâle. D'après les développements de Nilus Herzl aurait eu sous la main un plan élaboré depuis fort longtemps par les chefs juifs, et qu'il aurait simplement présenté au Conseil des Anciens. Nilus n'a pas prétendu que ce plan fût l'objet d'une résolution prise au Congrès de Bâle et fût ainsi devenu un programme sioniste. Il n'est pas impossible que l'auteur des Protocoles ait profité de la réunion des chefs juifs à Bâle pour leur faire connaître son programme d'hégémonie mondiale, et que Herzl ait distribué des copies de l'intéressant écrit à quelques-uns de ses amis.

Mais cette supposition n'est étayée par aucune preuve. Nilus semble avoir été victime d'une erreur. C'est précisément la question de l'origine des Protocoles qui constitua l'objet principal d'un procès qui dura plus de quatre ans à Berne, et où il fut irréfutablement que le Congrès de Bâle n'avait rien de commun avec les Protocoles.

La deuxième communication fut faite par le Capitaine Müller von Hausen. Sous le nom de Gottfried Zur Beck, celui-ci publia en 1919 la première traduction en allemand des Protocoles, sous le titre « Les Secrets des Sages de Sion ». Il écrivit :

« Lorsqu'on apprit par les journaux que les Sionistes allaient se réunir à Bâle pour discuter de l'établissement d'un État juif en Palestine", le chef du Service Secret russe à Paris. Ratchkovsky, y envoya un espion, aux dires d'un Russe qui occupa pendant de longues années un poste important dans un Ministère à Saint-Pétersbourg. Cet espion corrompit un juif qui avait la

confiance des « Représentants de Sion ». A la fin de la séance, ce Juif était chargé de porter les décisions prises et inconnues des non-israélites, à la Loge juive de Francfort-sur-le-Mein, loge /un fondée le 16 août 1807 sous le nom « A l'Aurore Naissante », et qui, depuis un siècle, assurait la liaison avec le Grand-Orient de France. Ce voyage facilita grandement la trahison projetée. Le messager passa la nuit dans une petite ville où le Russe l'attendait avec un groupe de copistes qui se mirent immédiatement à la besogne, mais ne purent copier en une seule nuit tout le manuscrit. L'original était en français. »(Beck modifia plusieurs fois son récit, nous citons ici la huitième édition de 1923).

Les recherches faites à ce sujet ont prouvé irréfutablement que ce rapport, que Beck aurait reçu du général russe Kourloff avait été inventé de toutes pièces. D'après la déclaration faite au Welt-Dienst (Service Mondial) ‑ dans une lettre du 13 juillet 1936 destinée au Tribunal de Berne ‑ par l'ancien Attaché Impérial russe Andreï Petrovitch Ratchkovsky (1886‑1941), fils du Conseiller d'État décédé en 1910, son père n'avait jusqu'en 1906, année où il prit connaissance de l'ouvrage, aucune idée de l'existence des Protocoles. Andreï Ratchkovsky possédait également les archives complètes de son père, c'est-à-dire les archives de l'agence de la police secrète russe à Paris, que dirigeait celui-ci. Or, dans aucun document ni dates aucune correspondance existe-t-il une allusion, ni aux fameux Protocoles, ni à une mission secrète de Ratchkovsky au Congrès de Bâle. Il faut encore ajouter que le Gouvernement Soviétique mit tous les documents concernant l'activité de Ratchkovsky à la disposition du Tribunal de Berne à l'occasion du procès. On ne trouva, ni dans les archives de Saint-Pétersbourg ni dans celles de Moscou, un seul document prouvant que Ratchkovsky avait eu des rapports de quelque nature que ce fût avec le Congrès de Bâle, ou établissant un lien entre lui et les Protocoles.

La lutte de Judas contre les Protocoles

Jusqu'à la fin de la Grande Guerre, les Protocoles étaient inconnus en dehors de la Russie. La situation commença seulement à devenir gênante à partir de fin 1919, époque où des traductions des Protocoles furent mises en vente en Allemagne. D'autres traductions suivirent en 1920 en Amérique du Nord et en Angleterre. La première édition anglaise,. qui parut à Londres sous le titre « The Jewish Peril, Protocols of the Learned Elders of Zion ». (Le péril juif, Protocoles des Sages de Sion), attira l'attention du « Times », qui prit position dans son numéro du 8 mai 1920). On peut y lire entre autres :

« Le « Times » n'a pas encore analysé ce curieux petit livre. Mais sa diffusion augmente de plus en plus, sa lecture est faite pour inquiéter ceux qui savent réfléchir. Remarquons que certains traits essentiels du prétendu programme juif offrent une analogie troublante avec les événements actuels... Que sont donc en

réalité ces Protocoles ? Sont-ils authentiques ? Et si oui :: quelle Assemblée malveillante a-t-elle forgé ces plans ? S'agit-il d'un faux ?? Si oui, comment expliquer cette note prophétique et lugubre, ces prédictions qui sont, sait partiellement réalisées, soit en cours de réalisation ?... De telles questions ne peuvent être éludées par, un simple haussement d'épaules... Une enquête impartiale s'impose... Si l'on en juge d'après le texte, il semble que les Protocoles aient été écrits par des Juifs et pour des Juifs. »

« L'enquête impartiale » fut faite par les Juifs et, en 1920, trois articles de journaux, qui devaient donner l'impression que les auteurs avaient procédé à des recherches indépendamment les uns des autres, parurent dans trois pays différents.

Le 25 février 1921, « The American Hebrew » (L'Hébreu Américain) de New-York publiait une interview que l'ex-princesse Catherine Radziwill (née en 1858) avait accordée au gérant de ce journal et au rabbin de New-York, Isaac Landmann. Elle déclara que les Protocoles avaient été rédigés après la guerre russo-japonaise (1904-1905) et après le déclenchement de la première révolution russe de 1905, par le Conseiller d'État Pierre J. Ratchkovsky chef de la police secrète russe à Paris, en collaboration avec son agent Mathieu Golovinsky Ce dernier lui avait montré

Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907.

C'est la plus célèbre -- et la plus tragique -- des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du « complot juif mondial ». Le texte des Protocoles des Sages de Sion vient de livrer son dernier mystère: un historien russe, Mikhail Lépekhine, a établi l'identité de son auteur, grâce aux archives soviétiques. Elle permet de comprendre pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour connaître cet épilogue: le faussaire, Mathieu Golovinski, qui a effectué sa besogne à Paris, au début du siècle, pour le représentant en France de la police politique du tsar, était devenu, après la révolution russe de 1917, un notable bolchevique... La découverte de ce sinistre pied de nez historique permet de combler les dernières lacunes dans l'histoire d'une imposture qui, après avoir fait beaucoup de ravages en Europe, connaît un destin encore florissant dans beaucoup de régions du monde.

© Coll.M.Lepekjine
Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles. Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles.

Les Protocoles sont en fait « lancés » dans le grand public par le Times de Londres du 8 mai 1920, dont un éditorial intitulé « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête» évoque ce « singulier petit livre », auquel il semble accorder du crédit. Le Times se rattrape un an plus tard, en août 1921, en titrant « La fin des Protocoles » et en publiant la preuve du faux. Le correspondant à Istanbul du quotidien britannique avait été contacté par un Russe blanc réfugié en Turquie qui, visiblement bien informé, lui avait révélé que le texte des Protocoles était le décalque d'un pamphlet français contre Napoléon III. Une vérification rapide avait prouvé la falsification: les Protocoles reprenaient effectivement le texte du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly, un avocat antibonapartiste qui voulait montrer que l'empereur et ses proches complotaient pour s'emparer de tous les pouvoirs de la société française. Utilisant ce texte oublié qui avait valu deux ans de prison à Maurice Joly, le faussaire des Protocoles avait remplacé « la France » par « le monde » et « Napoléon III » par « les juifs ». La supercherie, grossière, éclatait par simple comparaison ligne à ligne des deux textes. Le faux était dévoilé, mais le mystère de son origine demeurait. On savait simplement que le texte original était rédigé en français et l'on supposait qu'il avait pu être fabriqué au tout début du siècle, à Paris, dans les milieux de la police politique russe.

C'est dans les archives du Français Henri Bint, agent des services russes à Paris pendant trente-sept ans, que Mikhail Lépekhine a vérifié que Mathieu Golovinski était le mystérieux auteur du faux. Recevant en 1917 à Paris Serge Svatikov, l'envoyé du nouveau gouvernement russe de Kerenski chargé de démanteler les services secrets tsaristes et de « débriefer » -- et parfois retourner -- ses agents, Henri Bint lui explique que Mathieu Golovinski était l'auteur des Protocoles et que lui-même a notamment été chargé de la rémunération du faussaire. Le dernier ambassadeur du tsar, Basile Maklakov, étant parti avec les archives de l'ambassade, qu'il donnera en 1925 à la fondation américaine Hoover, Serge Svatikov achète à Henri Bint ses archives personnelles. Rompant ensuite avec les nouveaux dirigeants bolcheviques, Svatikov dépose les archives Bint à Prague, dans le fonds privé des « Archives russes à l'étranger ». En 1946, les Soviétiques mettent la main sur ce fonds qui rejoint à Moscou les archives d'Etat de la Fédération de Russie.

Une petite ruse de l'Histoire
Le secret de Golovinski est donc préservé jusqu'à l'effondrement du communisme et l'ouverture générale des archives, en 1992. Le faussaire antisémite étant en effet devenu « compagnon de route » des bolcheviques dès 1917, les Soviétiques n'ont eu aucune envie de révéler cette petite ruse de l'Histoire, qui semble encore gênante aujourd'hui, puisque la découverte de Mikhail Lépekhine, révélée en août dernier par Victor Loupan dans Le Figaro Magazine, n'a suscité aucun intérêt dans la grande presse française.

© J-P Couderc/L'Express
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles. Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles.

Grâce à sa connaissance détaillée de l'itinéraire de l'auteur des Protocoles, Mikhail Lépekhine peut aujourd'hui, au terme de cinq années de recherches, retracer complètement les circonstances et les objectifs de la fabrication de ce faux. Né le 6 mars 1865 à Ivachevka, dans la région de Simbirsk, Mathieu Golovinski est issu d'une famille aristocratique descendant d'un croisé, le comte Henri de Mons. Famille bien née, mais turbulente: « Le grand-oncle de Mathieu Golovinski fut condamné à vingt ans d'exil en Sibérie pour sa participation au complot antimonarchiste des décembristes et Basile, son père, proche de Dostoïevski, fut condamné à mort et gracié en même temps que l'écrivain, après un simulacre d'exécution », raconte Mikhail Lépekhine. Libéré après s'être engagé plusieurs années comme soldat dans la guerre du Caucase, Basile meurt dépressif en 1875, laissant le petit Mathieu Golovinski entre les mains de sa mère et d'une gouvernante française qui en fait un excellent francophone. Etudiant en droit désinvolte, mais habile et sans grands scrupules, Mathieu Golovinski semble très tôt doué pour l'intrigue. Le jeune arriviste parvient à entrer en contact avec le comte Vorontsov-Dahkov, proche du tsar et ministre à la cour: convaincu de la menace d'une conspiration, le comte a fondé, après l'assassinat d'Alexandre II, la Sainte-Fraternité, organisation secrète répondant à la terreur par la terreur et la manipulation. La Sainte-Fraternité fut en effet l'une des premières « forgeries » de faux documents, fabricant notamment de faux journaux révolutionnaires.

Nommé fonctionnaire à Saint-Pétersbourg, Mathieu Golovinski travaille dans les années 1890 pour Constantin Pobiedonostsev, procureur général du Saint-Synode et l'un des inspirateurs d'Alexandre III. Chrétien militant, le dignitaire orthodoxe a mis sur pied un programme d'évangélisation d'un peuple païen de la Volga, les Tchauvaches, en compagnie de l'oncle de Mathieu Golovinski et d'Ilya Oulianov, père du futur Lénine. « Constantin Pobiedonostsev est obsédé par l'invasion de l'appareil d'Etat par les juifs, qu'il juge "plus intelligents et plus doués" que les Russes », explique Mikhail Lépekhine. C'est par son intermédiaire que Mathieu Golovinski travaille pour le Département de la presse, officine chargée d'influencer les journaux en remettant à leurs directeurs des articles prêts à publier, voire en les obligeant à salarier certains de ses agents, qui, mi-mouchards, mi-journalistes, censurent de l'intérieur la presse et surveillent sa « ligne ». Le chef de ce Département de la presse, Michel Soloviev, antisémite fanatique, fait de Golovinski son « deuxième rédacteur ». « Golovinski a la plume très facile. Il est doué et assume pendant cinq ans cette fonction trouble avec aisance, en dilettante doué et en jouisseur », précise Mikhail Lépekhine, qui a lu nombre de ses textes de l'époque.

Cette agréable sinécure échappe brutalement à Mathieu Golovinski: Soloviev meurt et Pobiedonostsev n'a plus la même emprise sur le nouveau tsar, Nicolas II, qui paraît désireux d'instaurer un style différent. Les hommes de l'ombre changent et Golovinski se fait traiter publiquement de « mouchard » par Maxime Gorki. Il s'exile à Paris, ville qu'il fréquente depuis longtemps, et trouve le même type de « travail » auprès d'un ancien de la Sainte-Fraternité, Pierre Ratchkovski, qui dirige les services de la police politique russe en France. « Golovinski est notamment chargé d'influencer les journalistes français dans leur traitement de la politique du tsar. Il lui arrive ainsi d'écrire des articles qui passent dans de grands quotidiens parisiens sous la signature de journalistes français! » précise Mikhail Lépekhine. Toujours aussi actif, il complète ces activités en publiant en 1906, aux éditions Garnier, un dictionnaire anglais-russe plagié d'une édition russe, entreprend des études de médecine durant trois ans et connaît une vie aisée à Paris, grâce à une pension que continue à lui verser sa mère, tout en dissimulant cette hyperactivité sous les apparences tranquilles d'un banlieusard résidant à Bourg-la-Reine jusqu'en 1910.

Un intrigant au service des puissants
La propagande contre-révolutionnaire à destination des élites politiques françaises est l'une des activités principales de Ratchkovski, qui a créé à Paris une Ligue franco-russe: les relations entre les deux pays constituent alors un enjeu primordial et l'ancien de la Sainte-Fraternité conserve les obsessions du clan orthodoxe ultra-réactionnaire, qui veut convaincre le tsar qu'un complot judéo-maçonnique se cache derrière le courant libéral et réformateur. Or Nicolas II, moins perméable à cette thématique que ses prédécesseurs, se montre préoccupé par les critiques occidentales relatives à la politique russe de discrimination à l'égard des juifs. Ratchkovski a donc l'idée d'une manœuvre destinée à convaincre le tsar du bien-fondé des préventions antisémites. Sous l'influence d'Ivan Goremykine, ancien ministre de l'Intérieur en disgrâce, il veut notamment que le tsar se débarrasse du comte Sergueï Witte, chef de file des modernisateurs au sein du gouvernement. Il s'agit donc de produire une « preuve » décisive de ce que la modernisation industrielle et financière de la Russie est l'expression d'un plan juif de domination du monde.

D'où la commande de Ratchkovski à Golovinski d'un faux -- un parmi tant d'autres, pour ce polygraphe doué -- destiné à l'origine à un seul lecteur: le tsar. En effet, Ratchkovski semble avoir imaginé une habile manœuvre: sachant que le mystique Serge Nilus a des chances de devenir le nouveau confesseur du tsar, il pense faire remettre à Nicolas II son faux manuscrit antisémite par cet intermédiaire de confiance. Selon Mikhail Lépekhine, c'est donc à Paris, à la fin de 1900 ou en 1901, que Golovinski rédige les Protocoles en se servant du pamphlet de Maurice Joly contre Napoléon III. Mais le stratagème tombe à l'eau: Serge Nilus n'est pas nommé confesseur. Il conserve cependant le texte, qu'il publiera en 1905 en annexe de l'un de ses ouvrages, Le Grand dans le Petit. L'Antéchrist est une possibilité politique imminente, qui est remis au tsar et à la tsarine. Ce livre explique que, depuis la Révolution française, un processus apocalyptique s'est enclenché, qui risque de déboucher sur la venue de l'Antéchrist.

« La rédaction des Protocoles ne constitue qu'un moment dans l'existence de Golovinski, précise Mikhail Lépekhine. Je ne pense pas qu'il se soit rendu compte de la portée de son travail. Ainsi, lors de leur élaboration, il en parle et en lit des passages à une amie de sa mère, la princesse Catherine Radziwill. Réfugiée aux Etats-Unis, celle-ci est la seule, dans les années 20, à désigner, dans une revue juive, Golovinski comme l'auteur des Protocoles. Mais elle n'a pas de preuve et son témoignage, comportant beaucoup d'erreurs, n'est pas retenu. » Il en est de même lors d'un procès tenu à Berne, en 1934, à la demande de la Fédération des communautés juives de Suisse, qui voulaient établir la fausseté des Protocoles, alors diffusés par les nazis suisses: « Le nom de Golovinski est mentionné tant par Serge Svatikov que par le journaliste d'investigation Vladimir Bourtsev, tous deux témoins cités par les plaignants », ajoute Pierre-André Taguieff.

Mathieu Golovinski poursuit sa vie d'intrigant au service des puissants du jour qui veulent bien employer ses talents. De retour en Russie, il travaille ainsi pour Ivan Tcheglovitov, ministre de la Justice, puis pour Alexandre Protopopov, qui devient ministre de l'Intérieur en 1916. Il publie aussi, en 1914, un ouvrage de propagande, Le Livre noir des atrocités allemandes, signé « Dr Golovinski ». Car il se fait désormais passer pour médecin, sans avoir pourtant obtenu aucun diplôme après ses études parisiennes.

La « preuve » du « complot juif »
La chute du tsarisme ne saurait ébranler un si bon nageur en eau trouble. Il se retrouve dès 1917... député d'un soviet de Petrograd (Saint-Pétersbourg): le Dr Golovinski est célébré par les révolutionnaires comme le premier des rares médecins russes à avoir approuvé le coup d'Etat bolchevique! La carrière de ce « médecin rouge » est, dès lors, fulgurante: membre du Commissariat du peuple à la santé et du Collège militaro-sanitaire, c'est un personnage influent du nouveau régime dans sa politique de santé. Il participe au lancement des pionniers (les membres d'une organisation d'embrigadement de la jeunesse), conseille Trotski pour la mise en place de l'enseignement militaire et fonde en 1918 l'Institut de culture physique, future pépinière de champions soviétiques, dont il prend la direction. Devenu notable, il ne profite pas longtemps de son nouveau pouvoir et meurt en 1920, au moment précis où ses Protocoles commencent à connaître un grand succès grâce à leurs traductions anglaise, française et allemande.

La Première Guerre mondiale, la révolution russe et le chaos en Allemagne semblent confirmer les prophéties du faux antisémite: l'histoire dramatique dans laquelle sont plongées l'Europe et la Russie ont un effet d'authentification de ce texte, dont un exemplaire est d'ailleurs trouvé dans la chambre de la tsarine après le massacre de la famille de Nicolas II -- indice, pour certains Russes blancs antisémites, qu'il s'agit bien d'un crime « judéo-bolchevique »... La démonstration de la falsification apportée par le Times n'entame pas le crédit des Protocoles, qui ne cessent d'être présentés en Europe comme la « preuve » du « complot juif international », tout au long des années 30. Le faux fait l'objet de nombreuses éditions, qui ne se limitent plus aux organes antisémites. Ainsi, en France, c'est une maison d'édition reconnue, Grasset, qui les édite, dès 1921, avec de nombreuses réimpressions jusqu'en 1938. Aux Etats-Unis, c'est le constructeur automobile Henry Ford, qui, croyant à leur authenticité, les diffuse à travers sa presse.

La propagande nazie exploite et diffuse les Protocoles. En 1923, Alfred Rosenberg leur consacre une étude et, dans Mein Kampf (1925), Adolf Hitler écrit que « les Protocoles des Sages de Sion -- que les juifs renient officiellement avec une telle violence -- ont montré de façon incomparable combien toute l'existence de ce peuple repose sur un mensonge permanent », ajoutant que s'y trouve exposé clairement « ce que beaucoup de juifs peuvent exécuter inconsciemment ». Dès leur arrivée au pouvoir, en 1933, les responsables nazis confient à leur office de propagande la tâche de diffuser les Protocoles et de défendre la thèse de leur authenticité.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Protocoles, désormais interdits dans la plupart des pays européens, entament une seconde carrière, consécutive à la création de l'Etat d'Israël. Une première édition en arabe paraît au Caire en 1951*. Suivie de nombreuses autres, dans toutes les langues, y compris en français, dans la plupart des pays musulmans. Les Protocoles servent alors à dénoncer un « complot sioniste ». « Selon cette réutilisation, si les fiers et valeureux Arabes ont pu être vaincus par les juifs lâches et fourbes, c'est en raison d'un complot international de forces occultes organisées par les sionistes », explique Pierre-André Taguieff. « Les Protocoles constituent un modèle réduit de la vision antijuive du monde la plus propre à la modernité, vision centrée sur le thème de la domination planétaire. La référence publique aux Protocoles est, par exemple, aujourd'hui présente dans les textes et les discours du FIS algérien et du Hamas palestinien », ajoute le chercheur, qui a établi la plus importante bibliographie des éditions récentes de ce faux insubmersible.

L'ennemi absolu, diabolique et mortel
Bibliographie qui ne cesse de s'enrichir et ne se limite pas aux pays arabes. Le texte reparaît publiquement dans beaucoup d'Etats ex-communistes -- il est en vente libre à Moscou -- et fait l'objet d'éditions récentes en Inde, au Japon ou en Amérique latine, avec une large diffusion. Loin d'être reclus dans d'obscures officines, comme c'est désormais le cas en Europe, il est, par exemple, en vente dans certains kiosques de Buenos Aires. Dans ces pays, la survie de ce texte n'a pas été affectée par la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme la démonstration du plagiat qui le constitue n'avait pas empêché son utilisation contre le « judéo-bolchevisme ». C'est la force de ce « Nostradamus antisémite » que de transcender toute réfutation rationnelle. Pierre-André Taguieff y voit l'expression la plus efficace du « mythe politique moderne » du « juif dominateur »: « Par sa structure -- la révélation du secret des juifs par un texte confidentiel qui leur est prétendument attribué -- le texte des Protocoles satisfait au besoin d'explication, en donnant un sens au mouvement indéchiffrable de l'Histoire, dont il simplifie la marche en désignant un ennemi unique. Il permet de légitimer, en les présentant comme de l'autodéfense préventive, toutes les actions contre un ennemi absolu, diabolique et mortel qui se dissimule sous des figures multiples: la démocratie, le libéralisme, le communisme, le capitalisme, la république, etc. Le succès et la longévité des Protocoles, fabriqués à l'origine pour des enjeux limités à la cour de Russie, tiennent paradoxalement au manque de précision du texte, qui peut facilement s'adapter à tous les contextes de crise, où le sens des événements est flottant, indéterminable. D'où ses permanentes réutilisations. »

1. Les Protocoles des Sages de Sion, par Pierre-André Taguieff. Tome I : Un faux et ses usages dans le siècle (408 p.); tome II : Etudes et documents (816 p.). Berg International, 1992.


* [Note de PHDN] Les premières éditions en arabe des Protocoles datent du début des années vingt, en non de 1951, et leur diffusion « joue un rôle décisif dans l'imprégnation antijuive des élites politiques et culturelles des pays arabes »; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., tome I, p. 295. En fait, 1951 est la date de la première traduction due à des arabes musulmans (les précédentes traductions en arabes étaient dues à des arabes chrétiens). Voir Bernard Lewis, Sémites et antisémites, Presses Pocket, 1991, p. 258.


Nous remercions vivement L'Express de nous avoir autorisé à reproduire cet article sur le site PHDN

Bibliographie complémentaire sur les Protocoles

Norman Cohn, Histoire d'un mythe, la « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion, Gallimard, Folio Histoire, 1992 -- 1ère édition 1967

Henri Rollin, L'apocalypse de notre temps, Éditions Allia, 1991 -- 1ère édition 1939

Renée Neher-Bernheim, « Le best-seller actuel de la littérature antisémite: Les Protocoles des Sages de Sion », Pardès, 8, 1988.

Binjamin W. Segel, A lie and a libel, The History of the Protocols of the Elders of Zion, University of Nebraska Press, 1995 -- 1ère édition (en allemand) 1926.

Philip Graves, « The Truth about the Protocols: A Literary Forgery », The Times of London, 16-18 août 1921; Sur le web avec une introduction (2000) de Gordon Fisher: http://www.h-net.msu.edu/~antis/doc/graves/graves.a.html

Liens

Excellent dossier, « Les Protocoles et le "complot juif" » par Paul-Éric Blanrue, sur le site du cercle zéthétique.

L'étude, en anglais de Léon Zeldis, « The Protocols of the Elders of Zion Anti-Masonry and Anti-Semitism ».

Michael Hagemeister, « Sergej Nilus und die "Protokolle der Weisen von Zion" ». Michael Hagemeister est actuellement le meilleur spécialiste de l'histoire des Protocoles des sages de Sion. Il publie principalement en allemand.

Le récit par Alexandre du Chayla de sa rencontre avec Serguéi Alexandrovitch Nilus vers 1909. Nilus lui montra le manuscrit « original » des Protocoles.

L'histoire des Protocoles, sur le site du CICAD.

PROTOCOLE DES SAGES DE SION

Le Témoignage du Comte Alexandre de Chayla : " Serge Alexandrovitch Nilus et les Protocoles des Sages de Sion (1909-1920) - La tribune Juive, 14 Mai 1920

Introduction

Dans les premiers jours d'avril 1921, après l'évacuation de la Crimée et un séjour de 4 mois à Constantinople, je suis arrivé à Lyon. Quel fut mon étonnement de voir parmi les nouveautés, aux vitrines des librairies de la place Bellecour, l'édition française des Protocols des Sages de Sion, c'est à-dire le même livre que Serge Alexandrovitch Nilus, que je connus personnellement, avait édité en 1902. Le vaste avant-propos rédigé par l'éditeur français, Monseigneur Jouin, tend à donner une analyse critique des éditions précédentes, à établir l'origine du document et à déterminer la personnalité de l'éditeur russe. Il contient certaines inexactitudes d'ailleurs bien compréhensibles. Ensuite, à la lecture des journaux russes paraissant à Paris, je me suis convaincu qu'une polémique s'est engagée dans diverses parties du monde et au sein même de la presse russe autour des Protocoles. L'ensemble de ces observations m'a incité à faire part de mes souvenirs sur S.A. Nilus et son oeuvre Je dois déclarer ici, afin de n'y plus revenir que les renseignements donnés sur la personne et l'œuvre de S.A. Nilus ont été recueillis au cours de rapports prolongés et immédiats avec lui et des personnes le connaissant bien. De plus, ces sources de renseignements ne peuvent être l'objet de suspicion ni sous le rapport de l'honnêteté ni sous celui de l'impartialité. Je ne nourris aucun mauvais sentiment à l'égard de Serge Alexandrovitch Nilus et n'ai pas de raison d'en nourrir. C'est pourquoi, sous de nombreux rapports, j'ai conscience d'être obligé d'épargner sa personnalité et de ne toucher sa vie privée que dans les côtés qui en sont connexes à la vie publique et pour autant que le nécessite la révélation de la Vérité, me rappelant la sentence: Amicus Plato, sed magis amica veritas.

I. Comment j'ai connu S.A. Nilus

Vers la fin de janvier 1909, mû par la recherche religieuse, je m'établis, sur le conseil du défunt Métropolite de Saint-Pétersbourg, Monseigneur Antoine, près du célèbre cloître nommé " Optina Poustyne ".

Ce Monastère est situé à six verstes de la ville de Kozelsk dans le gouvernement de Kalouga, entre l'orée d'une grande forêt de sapins et la rive gauche de la Rivière Jizdra. Auprès du monastère se trouve un certain nombre de villas où résidaient les laïcs désireux de vivre à un degré quelconque la vie monastique.

A l'époque à laquelle se rapportent mes souvenirs, la communauté comprenait environ 400 moines qui s'occupaient d'agriculture et menaient aussi une vie contemplative sous la direction spirituelle de 3 " Anciens " . Il fut un temps où le Monastère d'Optina fut la source d'une influence spirituelle remarquable sur l'un des courants les plus importants de la pensée russe. L'Institut des " Anciens " d'Optina, en la personne des Pères Macaire et Ambroise, fut considéré par les premiers slavophiles comme un centre directeur. Au cimetière monastique, auprès des Pères Macaire et Ambroise, reposent leurs disciples, les deux écrivains frères Kiréevsky. Deux autres célèbres publicistes, Khomiakoff et Aksakoff, visitèrent souvent le monastère, où passa les dernières années de sa vie un autre écrivain célèbre, Constantin Léontieff, devenu oblat.

La bibliothèque monastique garde une très précieuse correspondance avec ces écrivains, ainsi qu'avec Gogol et Dostoïevsky. Ce dernier a immortalisé sous l'image artistique de l'ancien Zocime (dans le roman Les frères Karamazof les traits vivants du Père Ambroise et son enseignement mystique.

Même L.N. Tolstoï visita souvent Optina, et certainement que tous se souviennent que c'est là que fut l'avant-dernière étape, si mystérieuse et encore non expliquée, de sa vie.

Il ne sera pas superflu de souligner ici que les anciens d'Optina, que j'ai connus, les P .P. Varsonophie, Joseph et Anatole n'avaient rien de commun avec les aventuriers de Cour qui entourèrent le trône du dernier Tsar. Les anciens d'Optina étaient des gens éclairés, pénétrés d'un esprit de charité et de tolérance, toujours libres à l'égard des puissants de ce monde et attentifs à la seule douleur humaine ; proches du peuple et comprenant son affliction illimitée, ils consacraient tout leur temps à consoler les malheureux et les offensés qui par milliers venaient les trouver.
L'existence de cet institut et la prolongation de certaines traditions intellectuelles religieuses attiraient donc à Optina les intellectuels russes que passionnait la recherche religieuse.

Le jour qui suivit mon arrivée, le Supérieur du Monastère, l'Archimandrite Xénophon, me proposa de me faire faire connaissance de M. S.A. Nilus, écrivain religieux vivant également auprès du Monastère. J'en avais déjà entendu parler à Pétersbourg par M. W.A. Ternawtseff, fonctionnaire pour les missions spéciales auprès du Procureur Général du Saint-Synode et membre de la Société Philosophique religieuse. II m'en avait parlé comme d'un homme intéressant, mais fort original.

Après dîner, dans l'appartement du Supérieur, je fis connaissance de Serge Alexandrovitch Nilus. C'était un homme de 45 ans, un vrai type russe, grand et fort, avec une barbe grise et des yeux profonds, bleus, mais comme légèrement couverts d'un voile trouble. Il était en bottes et vêtu d'une chemise russe, ceinte d'un ruban brodé d'une prière.

S.A. Nilus parlait fort bien le français, ce qui était alors très précieux pour moi. Nous étions tous deux fort contents d'avoir fait connaissance et je ne manquais pas de profiter de son invitation. Il habitait une grande villa de 8-10 pièces, où demeuraient avant les évêques retraités. La maison était entourée d'un grand jardin fruitier clos d'une palissade de bois, au-delà de laquelle noircissait la forêt. Serge Alexandrovitch et sa famille composée de trois personnes n'occupaient que quatre pièces ; dans les autres se trouvait un asile entretenu sur la pension que le ministère de la Cour payait à la femme de S.A. Nilus. Cet asile abritait toutes sortes d'estropiés, d'idiots et de possédés, attendant une guérison miraculeuse. En un mot, cette partie de la maison était une véritable Cour des Miracles.

Le logement de Nilus était meublé dans le genre des vieilles demeures seigneuriales avec quantité de portraits impériaux portant des autographes et donnés à la femme de Nilus ; il y avait quelques bons tableaux et une importante bibliothèque touchant toutes les branches de la connaissance humaine. Il y avait aussi un oratoire où Nilus célébrait, selon le rite des laïcs, le culte domestique. Dans la suite, l'évocation de tout cela s'unissait toujours dans mon imagination avec ces hermitages de vieux croyants que nous a dépeints Lieskoff.

La famille Nilus provenait d'un émigré suédois venu en Russie au temps de Pierre Ier. Serge Alexandrovitch assurait qu'en ligne féminine coulait dans ses veines le sang de Maliouta Skouratoff (le bourreau d'Ivan le Terrible). Peut-être est-ce pour cela qu'étant lui-même grand admirateur du servage et de la fermeté antique, il aimait à défendre la mémoire du Terrible.

Personnellement Nilus était un propriétaire ruiné du Gouvernement d'Orel. Il était voisin de terres avec M.A. Stakhovitch, dont il parlait souvent, d'ailleurs pas en bons termes, à cause de " sa libre pensée ". Son frère, Dmitry Alexandrovitch Nilus, était président du Tribunal de Moscou. Les deux frères étaient ennemis. Serge Alexandrovitch tenant Dmitry pour un athée et celui-ci considérant Serge comme un fou.

S.A. Nilus était certainement un homme instruit. Il avait terminé avec succès le cours de la Faculté de droit à l'Université de Moscou. De plus, il possédait à la perfection le français, l'allemand et l'anglais et connaissait à fond la littérature contemporaine étrangère. Ainsi que je l'appris plus tard, S.A. Nilus ne pouvait s'entendre avec personne. Son caractère tumultueux, cassant et capricieux, l'avait obligé à abandonner le service au ministère de la Justice, où il avait reçu un poste de juge d'instruction en Transcaucasie, sur la frontière de Perse. Il avait essayé d'un [sic] faire-valoir dans sa propriété, mais il s'était trouvé trop intellectuel pour cela. Il se passionna pour la philosophie de Nietzsche, l'anarchisme théorique et la négation radicale de la civilisation actuelle". Dans un tel état d'esprit S.A. Nilus ne pouvait vivre en Russie. Il partit pour l'Étranger avec une dame K et vécut ainsi longtemps en France, en particulier à Biarritz, tant que son intendant ne lui eût appris que sa propriété d'Orel et lui-même étaient ruinés.

C'est alors, aux environs de 1900, que sous l'influence de déboires matériels et de graves épreuves morales, il vécut une crise spirituelle qui l'amena au mysticisme. Il en sera question plus bas.

S.A. Nilus me présenta à sa femme, Hélène Alexandrovna Ozerova, ancienne demoiselle d'honneur de l'impératrice Alexandra Féodorovna ; elle était fille de M. Ozeroff, Maître de la Cour et ancien ministre de Russie à Athènes. Son frère, le Major-Général David Alexandrovitch Ozeroff, était Maréchal du Palais d'Anitchkoff.

Mme H.A. Nilus, était, au plus haut point, une femme bonne, soumise, et absolument subordonnée à son mari jusqu'à complète abnégation de soi-même, au point d'être dans les meilleurs rapports avec l'ancienne amie de M. Nilus, Madame K., qui, s'étant aussi ruinée, avait également trouvé asile chez eux, dans leur apportement personnel.

C'est ainsi que mes relations avec S.A. Nilus, commencées dans ces conditions, continuèrent pendant 9 mois de mon séjour à Optina jusqu'au 10 novembre 1909. Quand j'y revins dans la suite je faisais toujours mes visites à S.A. Nilus, mais bientôt son intolérance à l'égard des "hérétiques"o me força de suspendre nos rapports.

En 1918, il habitait à Kieff l'hôtellerie du Monastère de femmes, dit de la Protection de la Sainte Vierge. J'ai appris que l'hiver de 1918-1919, après la chute du Hetman, il aurait passé en Allemagne et aurait habité Berlin. Ces renseignements me furent confirmés en partie en Crimée par l'ancienne demoiselle d'honneur Kartzeva, sueur supérieure du Lazaret de la Croix Blanche où je me trouvais.

II. " La charte du Royaume de l'Antéchrist "*

Dès leur début, mes rapports avec S.A. Nilus furent marqués par des discussions sans fin. C'est qu'en nous se rencontraient les adversaires les plus décidés qu'il soit, des gens qui marchent vers une même idée en partant de points opposés, prétendant également la posséder et lui être fidèles. De sa pensée antérieure anarchiste, S.A. Nilus avait conservé la négation absolue de la civilisation contemporaine ; et cette attitude négative il l'adoptait à l'égard de la pensée religieuse en rejetant la possibilité d'appliquer des procédés scientifiques à la connaissance religieuse. II protestait contre les Académies Ecclésiastiques, tendait vers la " foi du charbonnier " et montrait une grande sympathie pour les " Vieux Croyants " dont il identifiait la confession avec la foi sans mélange de science et de civilisation. Il rejetait tout cela avec la culture contemporaine, considérant dans toutes ses manifestations " l'abomination de la désolation dans le Lieu Saint" et la préparation de l'avènement de l'Antéchrist qui coïncidera avec le plus haut développement de la " pseudo-civilisation chrétienne ".

Contrairement à cette thèse, ce sont les courants libéraux du Christianisme Occidental, ces courants qui lavent les Églises des couches historiques artificielles et étrangères à l'enseignement du Christ - qui m'avaient porté rt ici dans le sillage de l'Orthodoxie. Le Modernisme et la critique ancienne catholique, comme méthodes indépendantes de connaissance scientifique de la religion, avaient restauré dans ma conscience l'image de la véritable Église chrétienne. Sa révélation ultérieure s'étais effectuée sous l'influence de A.S. Khomiakoff et de W.S. Solovieff et d'autres représentants plus nouveaux de la pensée religieuse russe.

Cependant, en dépit de nos discussions passionnées, S.A. Nilus me pardonnait beaucoup d' " erreurs ". Mon séjour près du Monastère et mes bons rapports avec les " Anciens " en étaient la cause ; c'est pourquoi, en attendant, il ne me vouait pas encore à l'excommunication, mais s'efforçait de me "convertir".

Le troisième ou le quatrième jour après avoir fait connaissance, pendant une discussion habituelle sur les rapports entre la civilisation et le Christianisme, S.A. Nilus me demanda si j'avais connaissance des Protocoles des Sages de Sion édités par lui. Je répondis négativement.

Alors, S.A. Nilus prit dans sa bibliothèque son livre et se mit à me traduire en français les endroits les plus remarquables du texte et de ses commentaires. Il observait en même temps l'expression de mon visage, car il présumait que je serais abasourdi par cette révélation. Lui-même fut assez troublé quand je lui déclarai qu'il n'y avait rien de nouveau pour moi et que visiblement ce document devait être proche parent des pamphlets d'Edouard Drumont ou de la vaste mystification de Léo Taxil, à laquelle s'était laissé prendre tout l'univers catholique, sans en excepter Léon XIII, homme si intelligent et perspicace.

S.A. Nilus fut ému et déçu ; il m'objecta que j'en jugeais ainsi parce que ma connaissance des Protocoles revêtait un caractère superficiel et fragmentaire, de plus, la traduction verbale affaiblit l'impression. Il est indispensable que l'impression soit pleine. Or il me serait facile de prendre connaissance des Protocoles, car leur original était rédigé en français.

S.A. Nilus ne gardait point chez lui le manuscrit des Protocoles craignant qu'il ne lui fût volé par les Juifs. Je me rappelle comme il m'amusa et quelle inquiétude l'agita quand un pharmacien juif de Kozelsk, venu se promener avec quelqu'un des siens dans la forêt monastique, cherchant le chemin le plus court pour gagner le bac se trouva par mégarde dans le jardin de Nilus. Notre pauvre Serge Alexandrovitch fut longtemps convaincu que le pharmacien était venu effectuer une reconnaissance.

Plus tard j'appris que le cahier contenant les Protocoles se trouvait en dépôt jusqu'en janvier 1909 chez le Prêtre Moine Daniel Bolotoff (portraitiste assez renommé à Pétersbourg) et, après sa mort, au Skyte de Saint Jean-le Précurseur, se trouvant à une demi-verste du Monastère, chez le Moine Alexis (ancien ingénieur).

Quelque temps après notre première conversation concernant les Protocoles de Sion, vers 4 heures de l'après-midi, une des infirmes de l'asile Nilus m'apporta un billet: S.A. me priait de venir le voir pour affaire urgente.

Je trouvai Serge Alexandrovitch dans son cabinet de travail ; il y était seul, sa femme, [et] Madame K., étant allées aux vêpres. Le crépuscule tombait, mais il faisait clair, car la neige couvrait la terre. Je remarquai sur sa table à écrire une sorte d'assez grande enveloppe en étoffe noire décorée d'une grande croix à trois branches et de l'inscription " Par ce signe Tu vaincras ". Une petite icône de l'Archange Mikhaïl, en papier, était aussi collée sur cette enveloppe. Visiblement, tout cela avait un caractère d'exorcisme.

Serge Alexandrovitch se signa trois fois devant la grande icône de la Mère de Dieu de Smolensk, copie de la célèbre icône devant laquelle pria l'Armée Russe la veille de Borodino, et ouvrit l'enveloppe dont il retira un cahier dans une reliure de cuir. D'appris ensuite que l'enveloppe et la reliure avaient été préparées dans l'atelier du Monastère sous la surveillance immédiate de Nilus qui apportait et emportait lui-même le manuscrit, craignant qu'il ne fût volé. La croix et autres symboles avaient été dessinés par Hélène Alexandrovna sur les indications de son mari. " La voilà ? dit S.A. Nilus ? la charte du Royaume de l'Antéchrist. "

II ouvrit le cahier. Sur la première page on remarquait une large tache d'un lilas très clair ou bleuâtre. Je reçus l'impression qu'une fois on y avait renversé un encrier, mais que l'encre avait été enlevée et lavée. Le papier était épais et jaunâtre ; le texte écrit en français de mains différentes et - me semble-t-il - avec des encres différentes.

" Voilà, dit Nilus, pendant les séances du Kahal, à des époques différentes, diverses personnes remplissaient les fonctions de secrétaire, d'où diverses écritures. " Visiblement, Serge Alexandrovitch voyait en cette particularité comme une preuve de ce que ce manuscrit était un texte original. Cependant, il n'avait point à cet égard d'opinion constante, car je l'entendis dire une autre fois que ce manuscrit n'est qu'une copie.

Après m'avoir montré le manuscrit, Serge Alexandrovitch le posa sur la table, l'ouvrit à la première page et me donnant son fauteuil dit : " Eh bien, maintenant, lisez ! "

En lisant le manuscrit je fus frappé de certaines particularités du texte. Il y avait des fautes d'orthographe et, surtout, les tournures n'en étaient pas françaises. I1 s'est passé trop de temps depuis lors pour que je puisse dire que le texte contenait des " russicismes ". Une chose est hors de doute, le manuscrit avait été rédigé par un étranger.

Pendant deux heures et demie se prolongea ma lecture. Quand j'eus terminé, S.A. Nilus prit le cahier, le remit dans son enveloppe et l'enferma dans le tiroir de sa table à écrire.

Pendant la lecture, Hélène Alexandrovna Nilus et Madame K. étaient revenues de l'église, de sorte qu'au moment où je terminais, le thé était servi. Je ne savais pas à quel point Madame K. était initiée au secret du manuscrit, de sorte que je me taisais. Or, Nilus désirait vivement connaître mon opinion, et, me voyant gêné, il devina exactement la cause de mon silence :

" Allons, dit-il en plaisantant, Thomas l'incrédule, avez-vous la foi maintenant que vous avez touché, vu et lu les Protocoles. Dites-nous votre opinion. Ici, il n'y a pas d'étrangers ; ma femme sait tout et, pour ce qui est de Madame K, c'est donc grâce à elle qu'ont été découverts les complots des ennemis du Christ. D'ailleurs, ici, il n'y a pas de mystère". Je fus très intéressé. Etait-il donc possible que les Protocoles fussent parvenus par Madame K. en la possession de Nilus ? Il me semblait étrange que cette femme extrêmement obèse jusqu'à presque entière immobilité, brisée par les épreuves et la maladie, eût pu pénétrer dans le "Kahal secret des Sages de Sion".

" Oui, - dit Nilus, Madame K. a vécu très longtemps à l'étranger, en France même. C'est là-bas, qu'à Paris, elle a reçu d'un Général russe ce manuscrit, et elle me l'a transmis. Ce Général a réussi à l'arracher aux archives maçonniques. "

Je m'informais si le nom de ce Général était un secret. " Non ? répondit Nilus, c'est le Général Ratchkovsky*, un brave homme, très actif, qui a beaucoup fait en son temps pour arracher l'aiguillon aux ennemis du Christ. "

Alors je me souvins que, encore en France, quand je prenais des leçons de langue et de littérature russe chez un émigré étudiant en lettres, nommé Ezopoff, ce dernier m'avait raconté que la police politique russe ne laissait pas en paix les révolutionnaires même sur la terre française et qu'à la tête de la police avait été un certain Ratchkovsky.

Je demandai à S.A. Nilus, si le Général Ratchkovsky n'avait pas été chef de la police politique russe en France.

Serge Alexandrovitch fut surpris et même quelque peu mécontent de ma question"; il répondit d'une façon indéfinie, mais souligna fortement que Ratchkovsky lutta avec abnégation contre la maçonnerie et les sectes sataniques.

Avant tout, Serge Alexandrovitch voulait connaître l'impression produite par la lecture.

Je lui déclarai sans ambages que je demeurais sur ma position antérieure ; je ne crois pas aux " Sages de Sion ". Tout cela est du domaine de " Satan démasqué ", du " Diable au XIXe siècle " et autres mystifications".

Le visage de Serge Alexandrovitch s'assombrit.


"Vous êtes vraiment sous l'influence du diable-dit-il. La plus grande ruse de Satan est de faire nier non seulement son influence sur les choses de ce monde, mais jusqu'à son existence. Que diriez-vous donc si je vous montrais comment ce qui est dit dans les Protocoles s'accomplit, comment partout apparaît le mystérieux signe de l'Antéchrist proche, comme partout se fait sentir l'avènement prochain de son Règne ? "

Serge Alexandrovitch se leva et tous nous passâmes dans son cabinet. II prit son livre et un dossier, apporta de sa chambre un petit coffre que j'ai appelé plus tard le " Musée de l'Antéchrist ". Il se mit de nouveau à lire des fragments de son livre et des matériaux préparés pour l'édition. Il lisait tout ce qui pouvait exprimer l'attente eschatologique du Christianisme contemporain : les songes du Métropolite Philarète, des citations d'une encyclique de Pie X ; des prédictions de Saint-Séraphin de Saroff et de saints catholiques romains, des fragments d'Ibsen, de Solovieff et de Merejkovsky.

II lut très longtemps.

Ensuite, il passa aux " pièces à conviction ". Il ouvrit son coffret. Dans un désordre indescriptible s'y trouvaient des faux?cols, des caoutchoucs, des ustensiles de ménage, des insignes de diverses écoles techniques, même le chiffre de l'Impératrice Alexandra Féodorovna et la croix de la Légion d'honneur. Sur tous ces objets son hallucination lui montrait le " sceau de l'Antéchrist ", sous l'aspect d'un triangle ou de deux triangles croisés. Sans parler des caoutchoucs de la Fabrique de Riga " Treougolnik " (Triangle), la combinaison de deux initiales russes stylisées de l'Impératrice régnante (" A " et " "), ainsi que la croix à cinq branches de la Légion d'honneur se reflétaient dans son imagination enflammée comme deux triangles croisés - le signe de l'Antéchrist et le sceau des Sages de Sion. I1 était suffisant qu'un objet portât une marque de fabrique évoquant même peu distinctement les contours d'un triangle, pour qu'il entrât dans son musée.
Presque toutes ces observations sont entrées dans son édition des Protocols de 1911.

encore qu'un moment pour que sa raison se dissolve dans la démence.

Un fait psychologiquement extrêmement curieux se produisit. Je tâchais de calmer S.A. Nilus, de lui démontrer que dans les Protocoles mêmes il n'est pas question de ce signe sinistre, et c'est pourquoi il n'y a entre eux aucun rapport. Je m'efforçais de le convaincre qu'il n'avait rien découvert, parce que ce signe est noté dans tous les travaux d'occultisme depuis Hermès Trismégiste et Paracelse, qui n'étaient pas des " Sage de Sion ", jusqu'à nos contemporains Papus, Stanislas de Guaïta, etc., qu n'étaient pas juifs. Du reste le fameux " signe de l'Antéchrist " ne contient rien d'antichrétien, exprimant la descente de la Divinité dans l'Humain et l'ascension de l'Humanité vers le Divin.

Serge Alexandrovitch notait fiévreusement mes arguments et bientôt je vis que ma tentative de le ramener à la raison, loin d'atteindre le but, avais seulement exaspéré jusqu'à l'extrême limite ses sensations morbides.

Quelques jours plus tard, il expédiait à Moscou, à la librairie Gauthier, une grande commande de livres concernant les sciences hermétiques, et 2 ans plus tard, en 1911, parut la 3e éditions des Protocoles avec de nouvelles données tirées de l'occultisme et des illustrations empruntées aux auteurs cités. Sur la couverture, sous un titre nouveau : " Près de l'Antéchrist qui est proche ou le Royaume du diable sur la terre ", on voyait la carte du Roi dans le jeu de Tarot avec cette inscription : " Le voilà l'Antéchrist ! "

Ainsi le portrait même n'y manquait pas.

Je terminerai ce chapitre par deux traits qui caractérisent assez nettement la physionomie de S.A. Nilus. En 1909, pendant mon séjour à Optina, se déroulait à Pétersbourg le procès du Conseiller d'État actuel Lopoukhine, ancien Directeur du Département de Police. Involontairement, le sous-sol policier de l'Ancien Régime s'ouvrait à la curiosité publique. Je demandais à Serge Alexandrovitch, lui rappelant ce que j'avais entendu dire du " Général Ratchkovsky " :

- " Ne pensez-vous pas, Serge Alexandrovitch, qu'un Azef quelconque a pu duper le Général Ratchkovsky et que vous opérez sur des faux. "

- " Vous connaissez - répondit-il, ma citation préférée de saint Paul : " La force de Dieu s'accomplit dans la faiblesse humaine. " Admettons que les Protocols soient faux. Mais est-ce que Dieu ne peut pas s'en servir pour découvrir l'iniquité qui se prépare ? Est-ce que l'ânesse de Balaam n'a pas prophétisé ? Est-ce que Dieu, en considération de notre foi, ne peut pas transformer des os de chien en reliques miraculeuses ? Il peut donc mettre dans une bouche de mensonge l'annonciation de la vérité !"

En juin juillet 1909, les journaux russes annonçaient la seconde révolution jeune-turque. L'armée de Mahmoud-Schefket-Pacha s'approchait de Constantinople. Un jour, je vins voir Serge Alexandrovitch et le trouvais dans un état d'excitation extraordinaire. Devant lui se trouvait déployée la carte d'Europe donnée en supplément par le Rousskoié Znamia dont il est question à la page 128 de l'édition française des Protocoles". Sur cette carte est représenté un serpent rampant et se trouve tracé son chemin historique à travers les États d'Europe qu'il a conduits. Constantinople est la dernière étape avant Jérusalem.

Je demandais à Serge Alexandrovitch:

- Qu'est-il arrivé ?

- La tête du serpent s'approche de Constantinople, répondit-il ". Ensuite, S.A. Nilus se rendit à l'église commander un service propitiatoire pour que Dieu accordât la victoire au Sultan. Le prêtre hebdomadaire ne consentit pas à commémorer le serviteur de Dieu Abdoul-Hamid. Nilus s'en fut se plaindre à l'" Ancien" Varsonophie, qui dut, d'ailleurs bien en vain, employer beaucoup d'efforts pour le convaincre que le Sultan Rouge recevait une juste punition de ses massacres de chrétiens et de ses persécutions contre nos coreligionnaires. Au reste, Serge Alexandrovitch ne se calma point et revint dans une grande colère et vraiment révolté des raisonnements de l'" Ancien ".

III. Comment A.S. Nilus édita les Protocoles

En commençant l'exposé de mes souvenirs sur S.A. Nilus et les Protocoles des Sages de Sion, je concevais que les données dont je dispose ne sont que des matériaux pour ceux qui, se fondant sur un éclaircissement de tous les aspects du problème, pourront solutionner la question d'origine de ces Protocoles. C'est pourquoi j'ai fermement décidé de ne pas entrer en polémique ni avec l'éditeur français, ni avec les organes de presse qui ont traité de cette question.

Cependant, j'estime absolument indispensable, avant d'exposer l'enchaînement de circonstances qui rendit S.A. Nilus possesseur des Protocoles, de porter l'attention du lecteur sur une particularité de l'édition de 1917, qui a été relevée par Monseigneur Jouin. J'ai en vue la déclaration de S.A. Nilus, que le manuscrit lui aurait été remis par le Maréchal de Noblesse Alexis Nicolaïévitch Soukhotine. Cette version contredit l'autre déclaration que me fit Serge Alexandrovitch, selon laquelle le manuscrit fut reçu de Ratchkovsky par Madame K.

Connaissant la vie intime de Nilus, je comprends fort bien qu'il ne pouvait mettre en lumière, dans un écrit public, Madame K. ; la mystérieuse dame, dont il est question dans ses éditions.

Je suis éloigné de penser que A.N. Soukhotine soit un personnage mythique, mais je suis convaincu qu'il fut l'intermédiaire, le courrier chargé par Madame K., se trouvant alors en France, de remettre le précieux manuscrit à S.A. Nilus qui se trouvait déjà en Russie. Pour des considérations d'ordre intime Soukhotine devint le paravent cachant au lecteur la dame mystérieuse, Madame K.

En ce qui concerne la transmission du manuscrit, elle eut lieu dans les circonstances suivantes :

En 1900, Serge Alexandrovitch Nilus, absolument ruiné, rentra en Russie converti. II se mit à voyager, plus exactement à faire des pèlerinages, de monastère en monastère, se nourrissant parfois de seul pain bénit. C'est alors qu'il écrivit ses Notes d'un Orthodoxe ou le Grand dans le Petit", qui grâce au concours de l'Archimandrite (ensuite évêque et archevêque de Vologda) Nicone furent imprimées dans les Feuillets de la Trinité à Serghiev Possad (70 verstes de Moscou) et en brochure détachée.

Ce petit livre, décrivant la conversion d'un intellectuel athée et le processus de sa renaissance mystique fut l'objet de comptes rendus donnés par le directeur des Moskoyskia Viédomosti, M.L. Tikhomiroff, un révolutionnaire russe converti et par l'Archimandrite Nicone dans la Semaine Religieuse de Moscou. Ces notes de la presse bien-pensante parvinrent jusqu'à la grande-duchesse Élisabeth Féodorovna qui s'intéressa à l'auteur. La grande-duchesse Élisabeth Féodorovna avait toujours lutté contre les aventuriers mystiques qui entouraient Nicolas II et surtout contre l'influence du magnétiseur lyonnais Philippe. Elle n'aimait pas le confesseur de leurs Majestés, l'archiprêtre Yanyscheff qui n'avait su préserver le tsar de ces influences mystiques malsaines. La grande-duchesse pensait que S.A. Nilus, comme russe et mystique orthodoxe, pourrait avoir une influence favorable sur le tsar.

Le Major-Général Michel Pétrovitch Stépanoff, frère de Philippe Pétrovitch Stépanoff, procureur du Comptoir Synodal à Moscou, et parent éloigné de la famille Ozeroff, était attaché à la personne d'Élisabeth Féodorovna dont il possédait toute la confiance, de sorte qu'il resta attaché à sa personne même quand la grande-duchesse prit le voile. C'est par son intermédiaire que Serge Alexandrovitch fut envoyé à Tsarskoié Siélo et présenté à la demoiselle d'honneur Hélène Alexandrovna Ozeroff. Cela se passait en 1901.

Quand Serge Alexandrovitch avait quitté la France, il y avait laissé à Paris une personne fort proche, Madame K. Ayant perdu presque toute sa fortune, abattue par la séparation, la malheureuse femme s'inclina aussi du côté du mysticisme et s'intéressa aux petites chapelles occultistes de Paris. C'est dans ces conditions qu'elle aurait reçu de Ratchkovsky, lequel fréquentait également dans ces cercles, le manuscrit des Protocoles des Sages de Sion qu'elle expédia à Nilus.

Il est fort possible que Ratchkovsky, qui s'efforçait à ce moment, dit-on, d'annihiler l'influence de Philippe sur le Tsar, ayant été informé du rôle que l'on prédestinait à S.A. Nilus, eut un désir de profiter de la circonstance pour éliminer définitivement Philippe et s'assurer les bonnes dispositions du nouveau favori. Quoi qu'il en soit, quand, en 1901, S.A. Nilus vint à Tsarskoié, il était déjà en possession des Protocoles.

S.A. Nilus produisit une forte impression sur H.A. Ozerova et la coterie de Cour adverse de Philippe. C'est grâce à l'aide de ces personnes qu'il fit paraître en 1902 la première édition des Protocoles, à titre d'annexes au texte transformé de sa brochure sur ses propres expériences religieuses. Le livre parut sous le titre : Le Grand dans le Petit et l'Antéchrist comme possibilité politique proche'.

Le livre fut alors présenté à l'impératrice et au tsar. Simultanément, en rapport avec la campagne menée contre Philippe, ses adversaires conçurent la combinaison suivante : le mariage de S.A. Nilus et H.A. Ozerova, son ordination et introduction auprès de l'empereur dont il serait devenu le confesseur. L'affaire marchait si bien que S.A. Nilus avait déjà commandé ses vêtements de prêtre.

Je me souviens qu'au printemps de 1909 on mettait à l'air divers vêtements dans lesquels je remarquai les soutanes de Nilus confectionnées en 1902. Cependant, le parti Philippe réussit à parer le coup en informant les autorités ecclésiastiques de l'existence d'un empêchement canonique, dont la nature m'est connue, prohibant l'ordination de S.A. Nilus.

Après cela, Nilus tomba en disgrâce et dut s'éloigner de Tsarskoié-Siélo. De nouveau, sans d'autres ressources que les maigres honoraires reçus pour sa collaboration aux Feuillets de la Trinité, il recommença à errer de monastère en monastère. Le mariage était impossible, car H.A. Ozerova ne possédait d'autres ressources que la pension, liée avec la charge de cour et le service diplomatique de feu son père, pension dont elle eût été privée si elle se fût mariée.

En 1905, il n'y avait déjà plus l'influence de Philippe, hostile à Nilus. Les amis de H.A. Ozerova à la Cour obtinrent de Nicolas II le consentement impérial à ce qu'il lui fut concédé le droit de recevoir sa pension, même au cas où elle se marierait. C'est alors aussi que par les soins de H.A. Ozerova parut la deuxième édition des Protocoles, avec de nouveaux matériaux concernant Saint?Séraphin de Saroff. I1 me souvient que cette édition portait un titre modifié ; elle parut à Tsarskoié-Siélo et, me semblet?il, sous les auspices de la communauté locale de la Croix-Rouge, avec laquelle était en rapport H.A. Ozerova.

S.A. Nilus épousa H.A. Ozerova, mais l'empêchement canonique dont il a été question demeurait en vigueur et il était impossible de penser au sacerdoce ou à une influence spirituelle sur le tsar. Au reste, S.A. Nilus était un homme trop simple et trop rude pour exercer une influence prolongée sur le tsar et je doute même que personnellement il en eût le désir. Après leur mariage, les Nilus abandonnèrent pour toujours Tsarskoié et Pétersbourg ; ils s'installèrent d'abord près du monastère de Valdaï et ensuite, en 1907, prés d'Optina Poustyne, où je les trouvais en 1909. Leur genre de vie, je l'ai dit, était des plus modestes et la plus grande partie de la pension de 6 000 roubles, reçue par Hélène Alexandrovna, était affectée à l'entretien des pèlerins, des idiots et des infirmes qui trouvaient asile chez eux. C'est chez eux aussi qu'après sa ruine définitive, se réfugia, malade, Madame K., grâce à laquelle virent le jour et firent assez de bruit et de mal, les Protocoles des Sages de Sion, la remarquable découverte du " général Ratchkovsky ".

IV. L'église russe, l'opinion russe et les Protocoles de Sion

Les deux premières éditions (1902?1905) des Protocoles passèrent complètement inaperçues. Il me semble que seulement en 1907, L. Tikhomiroff répondit à leur apparition, en insérant dans ses Moskovskia Viédomosti un article de fond d'un caractère eschatologique, intitulé : "Hannibal est aux portes ". Peut-être est-ce l'édition de Boutmy, parue en 1907, qui en fut le prétexte.

Les revues théologiques, qu'éditaient nos Académies de théologie, ne dirent mot ni de ces éditions, ni des suivantes. Au reste, il est douteux que les premières éditions aient pu pénétrer jusqu'à l'opinion, car leur tirage était limité et il n'y avait aucune vente.

De tout l'épiscopat, seul l'archevêque Nicone de Vologda, membre du Conseil de l'Empire, connu par ses appels aux persécutions contre les dissidents, accordait une importance à ce livre et lui consacra une note dans les Feuillets de la Trinité. Les hauts représentants de la hiérarchie considéraient non seulement avec défiance l'édition de Nilus, mais craignaient d'y trouver un nouvel aspect de secte, parce que si l'on prophétise l'avènement de l'Antéchrist, il faut annoncer aussi le second avènement du Christ. Il m'arriva de causer de Nilus et de son oeuvre avec des hiérarques connus de l'Église russe, le métropolite Antoine et l'archevêque Serge. Tous deux eurent à souffrir pour avoir ouvertement dénoncé le péril venant de Raspoutine et étaient des adversaires déclarés des influences secrètes sur le tsar. Ils ne connaissaient Nilus que par ses oeuvres et en avaient une mauvaise opinion, supposant qu'il poursuivait un but non désintéressé, ce que je ne crois pas, car je continue à le considérer comme un fanatique convaincu.

Pour ce qui est des anciens d'Optina, tant que Nilus s'abstenait de la propagande de ses idées, ils le considéraient avec une grande condescendance et même une certaine attention. En effet, la dernière édition des Protocoles se référait à l'année 1905 et, dans l'intervalle entre 1905 et 1911, Serge Alexandrovitch, arrivé à Optina en 1908, en dehors de la bienfaisance et de l'observation rigoureuse des règles ecclésiastiques, ne s'occupait qu'à écrire des tracts spirituels et des Vies de Saints. Il fit paraître en 1907 un petit recueil de récits ayant trait à la mort du Juste.

II est indispensable de remarquer qu'à cette époque même, on ne pouvait compter les "Anciens" au nombre des disciples de Nilus. Je me souviens entre autres que le père Varsonophie me demanda plusieurs fois si Nilus ne m'importunait pas avec ses Protocoles; il lui faisait aussi grief de vouloir ériger en dogme son opinion personnelle.

Leur attitude envers Nilus fut tout autre après son édition de 1911, effectuée aux frais d'un marchand, vieux croyant de Kozelsk.

S.A. Nilus avait combiné avec la sortie de cette édition de sous la presse, l'inauguration de sa prédication sur le prompt avènement de l'Antéchrist. I1 s'adressa aux patriarches d'Orient, au Saint-Synode et au pape, avec une épître réclamant la convocation du VIIIe Concile oecuménique, pour y prendre des mesures communes à toute la chrétienté contre le prochain avènement de l'antéchrist. En même temps, prêchant aux moines d'Optina, il fixa à 1920 cet avènement. La paix monastique étant troublée, on le pria d'abandonner le cloître pour toujours.

J'ai remarqué les premiers indices d'un intérêt public pour les Protocoles en 1918, aux temps de l'ataman Krasnoff, quand je me trouvais au Don. L'édition de 1917 avait passé tout à fait inaperçue à cause des troubles révolutionnaires. L'émission d'une nouvelle édition à bon marché était dirigée en 1918, à Novotcherkassk, par M. Ismaïloff, avocat du barreau de Moscou, et le lieutenant-colonel Rodionoff auteur du roman intitulé Notre crime. Le journal La Sentinelle, connu par ses appels aux pogroms, faisait la réclame.

Encore bien avant la démission de Krasnoff, la Diète du Don avait exigé la suppression de tout subside à ce journal, qui cessa de paraître en février 1919.

C'est alors que le centre de la propagande antisémite et le dépôt de l'édition des Protocoles furent transférés à Rostoff où, après la démission de N.E. Paramonoff, qui géra pendant un très court laps de temps le département de la Propagande du Gouvernement Denikine, la propagation de cet écrit reprit de nouveau. Comme ancien chef du service politique à l'armée du Don, service qui préparait pour le commandement d'armée des rapports sur la politique intérieure et extérieure, j'ai disposé de données attestant que ce n'est pas seulement Pourischkiévitch, mais encore bien d'autres publicistes, affiliés à la Propagande du gouvernement de Denikine, qui s'occupaient de la diffusion des Protocoles à Rostoff, Kharkoff et Kieff. Les Protocoles étaient expédiés aux unités de l'armée volontaire, aux troupes cosaques du Kouban, d'ailleurs sans la participation du gouvernement koubanais. Ils servaient de nourriture à une agitation en faveur des pogroms qui donna, sous ce rapport, des résultats à la fois brillants et des plus pernicieux. Cette propagande démoralisa les troupes en justifiant les pillages et fut une des causes de notre défaite.

Une circulaire contre cette propagande fut bien expédiée aux aumôniers de régiments par l'archiprêtre Georges Schavelsky, chef du clergé militaire, mais ses effets furent paralysés par l'attitude d'une partie des officiers. Pendant l'été 1918 arriva à Rostoff un ancien professeur de l'Académie de Moscou, M. Malakhoff, qui commença une agitation antisémite en se basant sur les Protocoles. Le lieutenant-général Semenoff, préfet de la ville, n'y put faire obstacle, car ces conférences étaient organisées par le département de la Propagande du gouvernement Denikine.

Au Don, à partir de février 1919 et tant que le pouvoir d'État de la République du Don exista de fait comme un pouvoir indépendant, la diffusion des Protocoles ne fut pas autorisée.

Les Protocoles ont eu une signification importante dans les pogroms d'Ukraine. Un de mes amis, le colonel Dzougaeff, d'origine ossète*, m'a raconté ce fait caractéristique. Se trouvant à Kieff pendant la lutte entre le hetman Skoropadsky et Petlioura, il s'en était échappé sous un déguisement, pour se rendre au Don. A Loubny il fut arrêté par les gens de Petlioura qui, l'ayant d'abord pris pour un Juif, voulaient le fusiller. Un des chefs lui en avait donné la raison au cours de l'interrogatoire " Vous voulez, dit-il, nous donner un roi à la tête d'or (!). Cela fut dit à la séance de vos Sages de Sion ". La cause de la vague de pogroms qui couvrit l'Ukraine résidait visiblement dans cette agitation et non dans la politique du Directoire.

Le gouvernement de la Crimée par le général Wrangel fut l'époque par excellence de la propagande antisémite basée sur les Protocoles. Le professeur Malakhoff, le prêtre Vostokoff, les journalistes Nojine et Rouadze, subsidiés par le Gouvernement, criaient à tous les carrefours le danger des Protocoles et le complot universel judéo-maçonnique. Cependant, cette bruyante campagne n'eut pas de résultats réels et importants.

En résumé, en Russie même où virent le jour les Protocoles, leur influence fut longtemps nulle. Elle se manifesta seulement comme tentative de justifier en principe les brigandages de la guerre civile. C'est pourquoi je fus assez étonné de voir les Protocoles des Sages de Sion traduits en les principales langues d'Europe.

On est fondé de supposer que cet intérêt s'est manifesté en rapport avec les événements vraiment apocalyptiques de notre époque, événements inexplicables pour un grand nombre. Mais il me semble que ce mode d'explication d'un cataclysme historique ressemble fort aux pratiques divinitoires des femmes d'Orient sur le Quai de Galata, où, dans les linéaments capricieux de pierres et de monnaies jetées au hasard, on vous montre les traits indécis du présent et de l'avenir.

Dans l'histoire de la propagation des Protocoles, il est digne d'être remarqué qu'à l'exception d'un petit groupe de personnes, les représentants de l'Église russe, malgré les fautes d'un passé récent, ont su s'abstenir d'y coopérer. Particulièrement significative fut l'attitude des "Anciens " d'Optina envers Nilus.

Je suis convaincu que ce ne sont pas les Vostokoff et les Malakhoff qui expriment l'esprit de l'Église, mais bien les solitaires qui ont compris la sagesse du Maître. Pour les gens vraiment religieux, pour ceux qui ne considèrent pas la foi comme "l'ancilla politica " , l'eschatologie chrétienne ne s'exprime pas dans les révélations morbides d'un Nilus, prophète de la décadence spirituelle, mais bien dans le lumineux enseignement de W.S. Solovieff, ce docteur contemporain de l'Église, universelle, qui avait pressenti dans son 3e Dialogue sur les temps derniers, l'unité proche de tous les fils du Dieu unique pour la défense du patrimoine commun, car toute notre culture spirituelle repose également sur les fondements éternels des deux Testaments.

L'origine des Protocoles des sages de Sion


« Les secrets d'une manipulation antisémite »

Éric Conan

L'Express du 16/11/1999

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Les Protocoles des Sages de Sion, le célèbre faux fabriqué contre les juifs, ont été rédigés en France au début du siècle par un intrigant russe. L'auteur est enfin identifié. Les ravages, eux, continuent

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Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907. Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907.

C'est la plus célèbre -- et la plus tragique -- des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du « complot juif mondial ». Le texte des Protocoles des Sages de Sion vient de livrer son dernier mystère: un historien russe, Mikhail Lépekhine, a établi l'identité de son auteur, grâce aux archives soviétiques. Elle permet de comprendre pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour connaître cet épilogue: le faussaire, Mathieu Golovinski, qui a effectué sa besogne à Paris, au début du siècle, pour le représentant en France de la police politique du tsar, était devenu, après la révolution russe de 1917, un notable bolchevique... La découverte de ce sinistre pied de nez historique permet de combler les dernières lacunes dans l'histoire d'une imposture qui, après avoir fait beaucoup de ravages en Europe, connaît un destin encore florissant dans beaucoup de régions du monde.

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Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles. Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles.

Historien de la littérature russe, Mikhail Lépekhine est l'un des meilleurs connaisseurs des « publicistes » de la fin du XIXe siècle, ces personnages à la fois écrivains, journalistes et essayistes politiques qui interviennent sous forme de libelles, d'articles et de livres dans les convulsions de la vie publique russe de l'époque. Sa spécialité: les années charnières du règne d'Alexandre III (1881-1894) et du début du règne de Nicolas II (1894-1902), période agitée qui précède les turbulences révolutionnaires. Ancien conservateur des archives de l'Institut de littérature russe et chercheur en histoire des imprimés de la bibliothèque de l'Académie des sciences de Russie à Saint-Pétersbourg, Mikhail Lépekhine étudie la vie et l'œuvre de tous ces individus, y compris ceux de deuxième et troisième ordre, pour la plupart réunis dans le monumental Dictionnaire biographique russe en 33 volumes, dont il dirige l'édition.

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Pierre Ratchkovski (à dr.), responsable de la police politique russe à Paris et commanditaire des Protocoles. Pierre Ratchkovski (à dr.), responsable de la police politique russe à Paris et commanditaire des Protocoles.

C'est en travaillant sur l'un de ces publicistes, Mathieu Golovinski, fils d'aristocrate, avocat radié pour détournement de fonds, journaliste à scandale et intriguant dans les milieux politiques russes de Saint-Pétersbourg et de Paris, qu'il a plongé dans l'histoire des Protocoles, qui, jusqu'alors, ne constituaient pas pour lui un sujet de préoccupation. Dépouillant tous les fonds documentaires concernant Golovinski, il a trouvé dans des archives françaises conservées à Moscou depuis quatre-vingts ans la trace de son rôle dans la fabrication du célèbre faux. Mikhail Lépekhine mesure vite l'importance de sa découverte en faisant le bilan des connaissances actuelles sur l'histoire des Protocoles, dont un chercheur français, Pïerre-André Taguieff, a récemment publié la synthèse la plus complète1. Il vient de trouver le chaînon manquant -- l'identité du faussaire -- au croisement de deux longues histoires: celle d'un petit arriviste dont ce « travail » ne fut qu'un bref moment de sa vie agitée et trouble et celle d'un faux infâme pour lequel Mathieu Golovinski ne fut qu'un exécutant technique.

Les Protocoles des Sages de Sion, parfois surtitrés Programme juif de conquête du monde, sont un texte connu sous deux versions proches, éditées en Russie, d'abord partiellement, en 1903, dans le journal Znamia, puis, dans une version complète, en 1905 et en 1906. Ils se présentent comme le compte rendu détaillé d'une vingtaine de réunions judéo-maçonniques secrètes au cours desquelles un « Sage de Sion » s'adresse aux chefs du peuple juif pour leur exposer un plan de domination de l'humanité. Leur objectif: devenir «maîtres du monde» après la destruction des monarchies et de la civilisation chrétienne. Ce plan machiavélique prévoit d'utiliser la violence, la ruse, les guerres, les révolutions, la modernisation industrielle et le capitalisme pour mettre à bas l'ordre existant, sur les ruines duquel s'installera le pouvoir juif.

Ce « document secret » est rapidement mis en doute par le comte Alexandre du Chayla, un aristocrate français converti à l'orthodoxie et qui luttera plus tard au sein de l'armée blanche contre les bolcheviques: il avait rencontré en 1909 le premier éditeur des Protocoles, Serge Nilus, pape du mysticisme russe, qui lui avait montré l' « original ». Pas du tout convaincu, le comte racontera par la suite avoir eu l'impression de rencontrer un illuminé pour qui la question de l'authenticité du texte importait peu. « Admettons que les Protocoles soient faux, lui a déclaré Nilus. Mais est-ce que Dieu ne peut pas s'en servir pour découvrir l'iniquité de ce qui se prépare? Est-ce que Dieu, en considération de notre foi, ne peut pas transformer des os de chien en reliques miraculeuses? Il peut donc mettre dans une bouche de mensonge l'annonciation de la vérité! »

© A.Demianchuk/Reuters pour L'Express
Mikhail Lépekhine, chez lui. Dans ses mains, la première édition parisienne en russe des Protocoles. Mikhail Lépekhine, chez lui. Dans ses mains, la première édition parisienne en russe des Protocoles.

Les Protocoles sont en fait « lancés » dans le grand public par le Times de Londres du 8 mai 1920, dont un éditorial intitulé « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête» évoque ce « singulier petit livre », auquel il semble accorder du crédit. Le Times se rattrape un an plus tard, en août 1921, en titrant « La fin des Protocoles » et en publiant la preuve du faux. Le correspondant à Istanbul du quotidien britannique avait été contacté par un Russe blanc réfugié en Turquie qui, visiblement bien informé, lui avait révélé que le texte des Protocoles était le décalque d'un pamphlet français contre Napoléon III. Une vérification rapide avait prouvé la falsification: les Protocoles reprenaient effectivement le texte du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly, un avocat antibonapartiste qui voulait montrer que l'empereur et ses proches complotaient pour s'emparer de tous les pouvoirs de la société française. Utilisant ce texte oublié qui avait valu deux ans de prison à Maurice Joly, le faussaire des Protocoles avait remplacé « la France » par « le monde » et « Napoléon III » par « les juifs ». La supercherie, grossière, éclatait par simple comparaison ligne à ligne des deux textes. Le faux était dévoilé, mais le mystère de son origine demeurait. On savait simplement que le texte original était rédigé en français et l'on supposait qu'il avait pu être fabriqué au tout début du siècle, à Paris, dans les milieux de la police politique russe.

C'est dans les archives du Français Henri Bint, agent des services russes à Paris pendant trente-sept ans, que Mikhail Lépekhine a vérifié que Mathieu Golovinski était le mystérieux auteur du faux. Recevant en 1917 à Paris Serge Svatikov, l'envoyé du nouveau gouvernement russe de Kerenski chargé de démanteler les services secrets tsaristes et de « débriefer » -- et parfois retourner -- ses agents, Henri Bint lui explique que Mathieu Golovinski était l'auteur des Protocoles et que lui-même a notamment été chargé de la rémunération du faussaire. Le dernier ambassadeur du tsar, Basile Maklakov, étant parti avec les archives de l'ambassade, qu'il donnera en 1925 à la fondation américaine Hoover, Serge Svatikov achète à Henri Bint ses archives personnelles. Rompant ensuite avec les nouveaux dirigeants bolcheviques, Svatikov dépose les archives Bint à Prague, dans le fonds privé des « Archives russes à l'étranger ». En 1946, les Soviétiques mettent la main sur ce fonds qui rejoint à Moscou les archives d'Etat de la Fédération de Russie.

Une petite ruse de l'Histoire
Le secret de Golovinski est donc préservé jusqu'à l'effondrement du communisme et l'ouverture générale des archives, en 1992. Le faussaire antisémite étant en effet devenu « compagnon de route » des bolcheviques dès 1917, les Soviétiques n'ont eu aucune envie de révéler cette petite ruse de l'Histoire, qui semble encore gênante aujourd'hui, puisque la découverte de Mikhail Lépekhine, révélée en août dernier par Victor Loupan dans Le Figaro Magazine, n'a suscité aucun intérêt dans la grande presse française.

© J-P Couderc/L'Express
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles. Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles.

Grâce à sa connaissance détaillée de l'itinéraire de l'auteur des Protocoles, Mikhail Lépekhine peut aujourd'hui, au terme de cinq années de recherches, retracer complètement les circonstances et les objectifs de la fabrication de ce faux. Né le 6 mars 1865 à Ivachevka, dans la région de Simbirsk, Mathieu Golovinski est issu d'une famille aristocratique descendant d'un croisé, le comte Henri de Mons. Famille bien née, mais turbulente: « Le grand-oncle de Mathieu Golovinski fut condamné à vingt ans d'exil en Sibérie pour sa participation au complot antimonarchiste des décembristes et Basile, son père, proche de Dostoïevski, fut condamné à mort et gracié en même temps que l'écrivain, après un simulacre d'exécution », raconte Mikhail Lépekhine. Libéré après s'être engagé plusieurs années comme soldat dans la guerre du Caucase, Basile meurt dépressif en 1875, laissant le petit Mathieu Golovinski entre les mains de sa mère et d'une gouvernante française qui en fait un excellent francophone. Etudiant en droit désinvolte, mais habile et sans grands scrupules, Mathieu Golovinski semble très tôt doué pour l'intrigue. Le jeune arriviste parvient à entrer en contact avec le comte Vorontsov-Dahkov, proche du tsar et ministre à la cour: convaincu de la menace d'une conspiration, le comte a fondé, après l'assassinat d'Alexandre II, la Sainte-Fraternité, organisation secrète répondant à la terreur par la terreur et la manipulation. La Sainte-Fraternité fut en effet l'une des premières « forgeries » de faux documents, fabricant notamment de faux journaux révolutionnaires.

Nommé fonctionnaire à Saint-Pétersbourg, Mathieu Golovinski travaille dans les années 1890 pour Constantin Pobiedonostsev, procureur général du Saint-Synode et l'un des inspirateurs d'Alexandre III. Chrétien militant, le dignitaire orthodoxe a mis sur pied un programme d'évangélisation d'un peuple païen de la Volga, les Tchauvaches, en compagnie de l'oncle de Mathieu Golovinski et d'Ilya Oulianov, père du futur Lénine. « Constantin Pobiedonostsev est obsédé par l'invasion de l'appareil d'Etat par les juifs, qu'il juge "plus intelligents et plus doués" que les Russes », explique Mikhail Lépekhine. C'est par son intermédiaire que Mathieu Golovinski travaille pour le Département de la presse, officine chargée d'influencer les journaux en remettant à leurs directeurs des articles prêts à publier, voire en les obligeant à salarier certains de ses agents, qui, mi-mouchards, mi-journalistes, censurent de l'intérieur la presse et surveillent sa « ligne ». Le chef de ce Département de la presse, Michel Soloviev, antisémite fanatique, fait de Golovinski son « deuxième rédacteur ». « Golovinski a la plume très facile. Il est doué et assume pendant cinq ans cette fonction trouble avec aisance, en dilettante doué et en jouisseur », précise Mikhail Lépekhine, qui a lu nombre de ses textes de l'époque.

Cette agréable sinécure échappe brutalement à Mathieu Golovinski: Soloviev meurt et Pobiedonostsev n'a plus la même emprise sur le nouveau tsar, Nicolas II, qui paraît désireux d'instaurer un style différent. Les hommes de l'ombre changent et Golovinski se fait traiter publiquement de « mouchard » par Maxime Gorki. Il s'exile à Paris, ville qu'il fréquente depuis longtemps, et trouve le même type de « travail » auprès d'un ancien de la Sainte-Fraternité, Pierre Ratchkovski, qui dirige les services de la police politique russe en France. « Golovinski est notamment chargé d'influencer les journalistes français dans leur traitement de la politique du tsar. Il lui arrive ainsi d'écrire des articles qui passent dans de grands quotidiens parisiens sous la signature de journalistes français! » précise Mikhail Lépekhine. Toujours aussi actif, il complète ces activités en publiant en 1906, aux éditions Garnier, un dictionnaire anglais-russe plagié d'une édition russe, entreprend des études de médecine durant trois ans et connaît une vie aisée à Paris, grâce à une pension que continue à lui verser sa mère, tout en dissimulant cette hyperactivité sous les apparences tranquilles d'un banlieusard résidant à Bourg-la-Reine jusqu'en 1910.

Un intrigant au service des puissants
La propagande contre-révolutionnaire à destination des élites politiques françaises est l'une des activités principales de Ratchkovski, qui a créé à Paris une Ligue franco-russe: les relations entre les deux pays constituent alors un enjeu primordial et l'ancien de la Sainte-Fraternité conserve les obsessions du clan orthodoxe ultra-réactionnaire, qui veut convaincre le tsar qu'un complot judéo-maçonnique se cache derrière le courant libéral et réformateur. Or Nicolas II, moins perméable à cette thématique que ses prédécesseurs, se montre préoccupé par les critiques occidentales relatives à la politique russe de discrimination à l'égard des juifs. Ratchkovski a donc l'idée d'une manœuvre destinée à convaincre le tsar du bien-fondé des préventions antisémites. Sous l'influence d'Ivan Goremykine, ancien ministre de l'Intérieur en disgrâce, il veut notamment que le tsar se débarrasse du comte Sergueï Witte, chef de file des modernisateurs au sein du gouvernement. Il s'agit donc de produire une « preuve » décisive de ce que la modernisation industrielle et financière de la Russie est l'expression d'un plan juif de domination du monde.

D'où la commande de Ratchkovski à Golovinski d'un faux -- un parmi tant d'autres, pour ce polygraphe doué -- destiné à l'origine à un seul lecteur: le tsar. En effet, Ratchkovski semble avoir imaginé une habile manœuvre: sachant que le mystique Serge Nilus a des chances de devenir le nouveau confesseur du tsar, il pense faire remettre à Nicolas II son faux manuscrit antisémite par cet intermédiaire de confiance. Selon Mikhail Lépekhine, c'est donc à Paris, à la fin de 1900 ou en 1901, que Golovinski rédige les Protocoles en se servant du pamphlet de Maurice Joly contre Napoléon III. Mais le stratagème tombe à l'eau: Serge Nilus n'est pas nommé confesseur. Il conserve cependant le texte, qu'il publiera en 1905 en annexe de l'un de ses ouvrages, Le Grand dans le Petit. L'Antéchrist est une possibilité politique imminente, qui est remis au tsar et à la tsarine. Ce livre explique que, depuis la Révolution française, un processus apocalyptique s'est enclenché, qui risque de déboucher sur la venue de l'Antéchrist.

« La rédaction des Protocoles ne constitue qu'un moment dans l'existence de Golovinski, précise Mikhail Lépekhine. Je ne pense pas qu'il se soit rendu compte de la portée de son travail. Ainsi, lors de leur élaboration, il en parle et en lit des passages à une amie de sa mère, la princesse Catherine Radziwill. Réfugiée aux Etats-Unis, celle-ci est la seule, dans les années 20, à désigner, dans une revue juive, Golovinski comme l'auteur des Protocoles. Mais elle n'a pas de preuve et son témoignage, comportant beaucoup d'erreurs, n'est pas retenu. » Il en est de même lors d'un procès tenu à Berne, en 1934, à la demande de la Fédération des communautés juives de Suisse, qui voulaient établir la fausseté des Protocoles, alors diffusés par les nazis suisses: « Le nom de Golovinski est mentionné tant par Serge Svatikov que par le journaliste d'investigation Vladimir Bourtsev, tous deux témoins cités par les plaignants », ajoute Pierre-André Taguieff.

Mathieu Golovinski poursuit sa vie d'intrigant au service des puissants du jour qui veulent bien employer ses talents. De retour en Russie, il travaille ainsi pour Ivan Tcheglovitov, ministre de la Justice, puis pour Alexandre Protopopov, qui devient ministre de l'Intérieur en 1916. Il publie aussi, en 1914, un ouvrage de propagande, Le Livre noir des atrocités allemandes, signé « Dr Golovinski ». Car il se fait désormais passer pour médecin, sans avoir pourtant obtenu aucun diplôme après ses études parisiennes.

La « preuve » du « complot juif »
La chute du tsarisme ne saurait ébranler un si bon nageur en eau trouble. Il se retrouve dès 1917... député d'un soviet de Petrograd (Saint-Pétersbourg): le Dr Golovinski est célébré par les révolutionnaires comme le premier des rares médecins russes à avoir approuvé le coup d'Etat bolchevique! La carrière de ce « médecin rouge » est, dès lors, fulgurante: membre du Commissariat du peuple à la santé et du Collège militaro-sanitaire, c'est un personnage influent du nouveau régime dans sa politique de santé. Il participe au lancement des pionniers (les membres d'une organisation d'embrigadement de la jeunesse), conseille Trotski pour la mise en place de l'enseignement militaire et fonde en 1918 l'Institut de culture physique, future pépinière de champions soviétiques, dont il prend la direction. Devenu notable, il ne profite pas longtemps de son nouveau pouvoir et meurt en 1920, au moment précis où ses Protocoles commencent à connaître un grand succès grâce à leurs traductions anglaise, française et allemande.

La Première Guerre mondiale, la révolution russe et le chaos en Allemagne semblent confirmer les prophéties du faux antisémite: l'histoire dramatique dans laquelle sont plongées l'Europe et la Russie ont un effet d'authentification de ce texte, dont un exemplaire est d'ailleurs trouvé dans la chambre de la tsarine après le massacre de la famille de Nicolas II -- indice, pour certains Russes blancs antisémites, qu'il s'agit bien d'un crime « judéo-bolchevique »... La démonstration de la falsification apportée par le Times n'entame pas le crédit des Protocoles, qui ne cessent d'être présentés en Europe comme la « preuve » du « complot juif international », tout au long des années 30. Le faux fait l'objet de nombreuses éditions, qui ne se limitent plus aux organes antisémites. Ainsi, en France, c'est une maison d'édition reconnue, Grasset, qui les édite, dès 1921, avec de nombreuses réimpressions jusqu'en 1938. Aux Etats-Unis, c'est le constructeur automobile Henry Ford, qui, croyant à leur authenticité, les diffuse à travers sa presse.

La propagande nazie exploite et diffuse les Protocoles. En 1923, Alfred Rosenberg leur consacre une étude et, dans Mein Kampf (1925), Adolf Hitler écrit que « les Protocoles des Sages de Sion -- que les juifs renient officiellement avec une telle violence -- ont montré de façon incomparable combien toute l'existence de ce peuple repose sur un mensonge permanent », ajoutant que s'y trouve exposé clairement « ce que beaucoup de juifs peuvent exécuter inconsciemment ». Dès leur arrivée au pouvoir, en 1933, les responsables nazis confient à leur office de propagande la tâche de diffuser les Protocoles et de défendre la thèse de leur authenticité.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Protocoles, désormais interdits dans la plupart des pays européens, entament une seconde carrière, consécutive à la création de l'Etat d'Israël. Une première édition en arabe paraît au Caire en 1951*. Suivie de nombreuses autres, dans toutes les langues, y compris en français, dans la plupart des pays musulmans. Les Protocoles servent alors à dénoncer un « complot sioniste ». « Selon cette réutilisation, si les fiers et valeureux Arabes ont pu être vaincus par les juifs lâches et fourbes, c'est en raison d'un complot international de forces occultes organisées par les sionistes », explique Pierre-André Taguieff. « Les Protocoles constituent un modèle réduit de la vision antijuive du monde la plus propre à la modernité, vision centrée sur le thème de la domination planétaire. La référence publique aux Protocoles est, par exemple, aujourd'hui présente dans les textes et les discours du FIS algérien et du Hamas palestinien », ajoute le chercheur, qui a établi la plus importante bibliographie des éditions récentes de ce faux insubmersible.

L'ennemi absolu, diabolique et mortel
Bibliographie qui ne cesse de s'enrichir et ne se limite pas aux pays arabes. Le texte reparaît publiquement dans beaucoup d'Etats ex-communistes -- il est en vente libre à Moscou -- et fait l'objet d'éditions récentes en Inde, au Japon ou en Amérique latine, avec une large diffusion. Loin d'être reclus dans d'obscures officines, comme c'est désormais le cas en Europe, il est, par exemple, en vente dans certains kiosques de Buenos Aires. Dans ces pays, la survie de ce texte n'a pas été affectée par la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme la démonstration du plagiat qui le constitue n'avait pas empêché son utilisation contre le « judéo-bolchevisme ». C'est la force de ce « Nostradamus antisémite » que de transcender toute réfutation rationnelle. Pierre-André Taguieff y voit l'expression la plus efficace du « mythe politique moderne » du « juif dominateur »: « Par sa structure -- la révélation du secret des juifs par un texte confidentiel qui leur est prétendument attribué -- le texte des Protocoles satisfait au besoin d'explication, en donnant un sens au mouvement indéchiffrable de l'Histoire, dont il simplifie la marche en désignant un ennemi unique. Il permet de légitimer, en les présentant comme de l'autodéfense préventive, toutes les actions contre un ennemi absolu, diabolique et mortel qui se dissimule sous des figures multiples: la démocratie, le libéralisme, le communisme, le capitalisme, la république, etc. Le succès et la longévité des Protocoles, fabriqués à l'origine pour des enjeux limités à la cour de Russie, tiennent paradoxalement au manque de précision du texte, qui peut facilement s'adapter à tous les contextes de crise, où le sens des événements est flottant, indéterminable. D'où ses permanentes réutilisations. »

1. Les Protocoles des Sages de Sion, par Pierre-André Taguieff. Tome I : Un faux et ses usages dans le siècle (408 p.); tome II : Etudes et documents (816 p.). Berg International, 1992.


* [Note de PHDN] Les premières éditions en arabe des Protocoles datent du début des années vingt, en non de 1951, et leur diffusion « joue un rôle décisif dans l'imprégnation antijuive des élites politiques et culturelles des pays arabes »; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., tome I, p. 295


Nous remercions vivement L'Express de nous avoir autorisé à reproduire cet article sur le site PHDN

Bibliographie complémentaire sur les Protocoles

Norman Cohn, Histoire d'un mythe, la « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion, Gallimard, Folio Histoire, 1992 -- 1ère édition 1967

Henri Rollin, L'apocalypse de notre temps, Éditions Allia, 1991 -- 1ère édition 1939

Binjamin W. Segel, A lie and a libel, The History of the Protocols of the Elders of Zion, University of Nebraska Press, 1995 -- 1ère édition (en allemand) 1926.

Philip Graves, « The Truth about the Protocols: A Literary Forgery », The Times of London, 16-18 août 1921; Sur le web avec une introduction (2000) de Gordon Fisher: http://www.h-net.msu.edu/~antis/doc/graves/graves.a.html

Liens

L'étude, en anglais de Léon Zeldis, « The Protocols of the Elders of Zion Anti-Masonry and Anti-Semitism ».

Le récit par Alexandre du Chayla de sa rencontre avec Serguéi Alexandrovitch Nilus vers 1909. Nilus lui montra le manuscrit « original » des Protocoles.

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Vos réactions
21/08/2000 -- mis à jour le 28/01/2001
Antisémitisme, mensonges et propagande

Avec une émotion et une inquiétude grandissantes, sous l'influence d'une sorte de terreur mystique, mon interlocuteur m'expliqua que le signe du " Fils de l'iniquité " a tout souillé, qu'il flamboie même dans les dessins des ornements d'églises et dans les rinceaux de la grande icône qui se dresse derrière l'autel dans l'église du Skyte.

Je sentais une sorte d'effroi.

Il était près de minuit. Le regard, la voix, les gestes semblables à des réflexes, tout dans S.A. Nilus créait la sensation que nous marchions au bord d'un gouffre et qu'il ne fallait

J'ai reproduit ce texte d'après l'ouvrage de : Pierre-André Taguieff "Les Protocoles des Sages de Sion: I introduction à l'étude des Protocoles un faux et ses usages dans le siècle, "Fait et Représentation" Berg International Editeurs Paris 1992 ISBN : 2-900269-66-0.

Si le texte d'origine de la Tribune juive est du domaine publique il n'en est pas de même de l'appareil critique et des notes qui accompagnent ce texte dans l'ouvrage de Pierre-André Taguieff. Raison pour laquelle je ne peut que conseiller la lecture du dit ouvrage pour ceux qui désireraient approfondir cette question.

Les Protocoles

des sages de SION

ÉDITION INTÉGRAL

ÉDITIONS C. E. A.

PARIS ‑ 1943 Prix : 6 fr.

Les protocoles des Sages de Sion

Introduction

La genèse de Protocoles

Les « Protocoles des Sages de Sion » sont la consignation écrite de conférences faîtes en trois séances, et groupés en vingt-quatre parties consacrées au programme politique, économique et financier de l’établissement de l’hégémonie mondiale juive. Les recherches les plus récentes démontrent que ce programme n’a pas été arrêté, comme beaucoup le croyaient, au premier Congrès sioniste de Bâle en 1897 ; il n’a pas non plus été rédigé par des Sionistes et n’a rien à voir avec le Sionisme. En 1925, le grand-maître de l’antisémitisme Théodhor Frisch avait écarté l’hypothèse qu’un plan sioniste, en écrivant lui-même dans la revue « Hammer » d’avril (n° 547) :

« Il faut encore dissiper un malentendu. Nous avons réfuté dès début la désignation « Protocoles Sionistes ». tout d’abord, il ne saurait s’agir de Protocoles, c’est-à-dire de consignations de conférences , mais bien de directives et de thèses formant un programme politique. D’autres part, il y a lieu de faire remarquer que ces Protocoles n’ont rien de commun avec l’Association Sioniste fondée par le docteur Herzl et dont le but principal est la constitution d’un État juif en Palestine. Par « Sages de Sion », il faut évidemment entendre les grands chefs spirituels du Judaïsme, le Conseil Suprême du Judaïsme , pour ainsi dire, – assemblée analogue à celle du Sanhédrin et dont le programme est fixé par les protocoles. Le titre « Programme des Sages de Sion » serait donc beaucoup plus exact.

La raison pour laquelle Fritsch a tout de même intitulé sa brochure « Les Protocoles Sionistes » n’apparaît pas clairement.

Introduction

Le premier éditeur des Protocoles, le Russe. Nilus, dont nous reparlerons plus tard, écrivait déjà (édition de 1911, p. 54) :

" Il faut par ailleurs reconnaître que la désignation du manuscrit ne correspond pas exactement à l'esprit du texte. Ce ne sont pas des protocoles, mais des conférences faites par un personnage influent divisées en plusieurs parties qui ne s’enchaînent pas toujours logiquement entre elles. »

Cela est parfaitement exact, mais Nilus qualifia néanmoins chaque partie de « protocole », ce qui amena par la suite les traducteurs à commettre une très grave erreur. Ils crurent pouvoir conclure qu'il y avait eu vingt-quatre séances secrètes, et intitulèrent en conséquence chaque partie « Séance ». Cette interprétation arbitraire est en complète contradiction, avec le texte des « Protocoles » (Nous sommes obligés de conserver ce titre, utilisé antérieurement). Il ressort nettement du texte qu`il s'agit d'une conférence répartie sur trois séances, d'environ une heure chacune. Dans le Protocole 20, l'auteur lui-même emploie le mot « conférence ».

La première conférence comprend les parties 1 à 9 et traite du programme destructif : Excitation à la discorde au sein des partis ; Extermination de la noblesse et des grands propriétaires terriens ; Provocation de crises économiques et de troubles parmi les ouvriers ; Action de désagrégation par la presse ; Confusion de l'opinion publique ; Dépravation de la jeunesse ; Sapement de la justice ; Lutte contre la religion.

La deuxième conférence comprend les parties 10 à 19. Il s'agit bien d'une autre conférence et d'une autre date, ainsi que le prouve nettement l'introduction (Prot. 10, 1) : Je commence cette fois par une répétition de ce que j’ai dit antérieurement. » Le conférencier traite du programme constructif : de la constitution de l'État, de la position des représentants du peuple, de l'organisation de la presse, de la législation, de la justice, de l'instruction publique, de l'organisation de la police.

La troisième conférence – parties 20 à 24 – débute par la phrase : « Aujourd'hui, nous parlerons du programme financier. » Le conférencier traite des impôts, de la circulation de l'argent, du budget de l'État des emprunts publics et finalement de la position du Souverain. Cette conférence semble avoir été exceptionnellement courte, ce qui s'explique du fait que le Manuscrit. parvenu à Nilus ne contenait pas les développements ultérieurs. On peut se rendre compte qu'il manque quelque chose d'après les paroles du conférencier (Prot. 16, 7) : « Faisant suite à mes développements au sujet de notre programme actuel et futur, : je vous donneras lecture des principes de ces théories. Cet appendice, qui manque malheureusement terminait la troisième conférence.

Quant à l'origine des Protocoles, ont en sait ce qui suit : « Au printemps de 1895, un propriétaire terrien le commandant en retraite Alexeï Nikolaïevitch Soukhotine, « Maréchal de Noblesse », c’est-à-dire Président de L'Association des Nobles de la région, Habitant à Tchern (Gouvernement de Toula), reçut d'une Russe la copie du Protocole rédigée en langue française. Les recherches ont établi qu'en toute probabilité il s'agissait de Mlle Juliana Dimitrievna Glinka (1844‑1918), fille d'un diplomate russe, vivant à Paris sous le nom de Justine Glinka et qui entre 1880 et 1890, avait déjà fait parvenir aux autorités de son pays des renseignements sur l'activité des révolutionnaires russes. Lorsqu’elle quitta Paris au printemps de 1895 et rentra en Russie, elle rendit visite pas hasard au commandant Soukhotine qui était de ses amis, et lui remit une copie des Protocoles qu`elle avait obtenue d'une manière mystérieuse par un franc-maçon français à Paris et rapportée en Russie. Soukhotine en fit faire plusieurs copies qu'il remit a ses amis. II a pu être. prouvé qu'il donna le premier exemplaire, en 1895, au futur Conseiller d'État Philippe Petrovitch Stepanoff (mort est 1932), qui fit polycopier cet écrit dans la même année et le fit imprimer en 1897 en petite quantité à l'intention de ses amis et connaissances.

Plus tard, le russe Kruchevan, député à la Douma et adversaire des Juifs, entra en possession d'un exemplaire de cette édition, dont il fit publier le texte en abrégé et en mauvaise traduction dans les numéros du 28 août au 7 septembre 1903 de son journal « Zuamia » (l'Étendard ).

En été 19111, Soukhotine sentit également une copie des Protocoles à son ami le propriétaire terrien et écrivain Sergueï Alexandrovitch Nilus (1862‑1930) qui travaillait alors à un ouvrage sur « L'Antéchrist qui approche ». Cet ouvrage traitait de l'activité destructive des puissances secrètes supra‑nationales. Le livre intitulé « Le Grand dans le Petit et l'Antéchrist ‑ une possibilité politique prochaine » se trouvait déjà sous presse (il parut est 1901) de sorte que Nilus ne put y faire figurer les Protocoles. Il ne le fit que dans la deuxième édition, qui parut est 1905. Par la suite, Nilus fit publier (en 1911) une troisième édition, portant le titre « L'antéchrist qui approche » et, en 1917, une quatrième et dernière édition sous le titre « Il est devant la porte ». Nilus décrit lui-même, dans L'édition de 1905, de quelle façon il était entré en possession des Protocoles :

« J'ai réussi à obtenir la manuscrit par une personne qui m'était proche et qui est décédée depuis. » (Il veut parler de Soukhotine). « Il me fut remis il y a environ quatre ans, c'est‑à‑dire en 1901,

avec la garantie qu'il s'agissait d'une copie exacte du document original, qu'une femme avait dérobé à l'un des chefs particulièrement influents de la Franc-Maçonnerie après une séance secrète des initiés en France, ce nid moderne de la conjuration maçonnique. »

Nilus précise encore dans son édition de 1917 :

« Ce manuscrit nie lut remis par le Maréchal de Noblesse de l'arrondissement. de Tchern, Alexeï Nikolaïevitch Soukhotine... Soukhotine nie dit à cette occasion qu'il avait reçu ce manuscrit des mains d'une propriétaire terrienne de l'arrondissement de Tchern, qui vivait continuellement à l'étranger. Je me souviens qu’il me dit également son nom, mais je l'ai oublié. Cette dame doit avoir obtenu le manuscrit d'une façon assez mystérieuse, probablement elle l'a dérobé. »

D'après une déclaration faite au « Welt-Dienst » (Service Mondial) à Erfurt, le 24 mars 1936, par le fils de Nilus, Sergueï Sergueïevitch Nilus (1883‑1941), qui était présent au moment où Soukhotine remit le manuscrit à son père, ce dernier

écrivit intentionnellement qu'il avait oublié le nom de la dame en question, car Soukhotine lui avait fait promettre de ne pas révéler l'identité de l'intermédiaire tant qu'elle vivrait, afin de ne pas l'exposé à des ennuis.

Il ressort de tout cela que le document existait déjà à l'époque où eut lieu le premier Congrès Sioniste de Bâle, en 1897, et que ce document fut dérobé à un Sioniste. Si les Protocoles peuvent encore avoir un rapport avec le Congrès Sioniste, cela doit être attribué à deux citations. Dans l'édition de 1917, Nilus écrivait : « Ce n'est qu'à présent que cela me parait croyable et que j'ai appris de sources juives que les Protocoles représentent le plan stratégique de soumission du monde par Israël, l'ennemi de Dieu. Ce plan fut élaboré par les chefs du Judaïsme pendant les siècles de la dispersion du peuple juif, et présenté par le Prince de l'Exil, Theodor Herzl, au Conseil des Anciens au moment du Premier Congrès Sioniste convoqué par lui à Bâle en août 1897. »

C'est ce rapport qui a amené les éditeurs ultérieurs à admettre que les Protocoles furent discutés et arrêtés en vingt-quatre séances secrètes au Premier Congrès Sioniste à Bâle. D'après les développements de Nilus Herzl aurait eu sous la main un plan élaboré depuis fort longtemps par les chefs juifs, et qu'il aurait simplement présenté au Conseil des Anciens. Nilus n'a pas prétendu que ce plan fût l'objet d'une résolution prise au Congrès de Bâle et fût ainsi devenu un programme sioniste. Il n'est pas impossible que l'auteur des Protocoles ait profité de la réunion des chefs juifs à Bâle pour leur faire connaître son programme d'hégémonie mondiale, et que Herzl ait distribué des copies de l'intéressant écrit à quelques-uns de ses amis.

Mais cette supposition n'est étayée par aucune preuve. Nilus semble avoir été victime d'une erreur. C'est précisément la question de l'origine des Protocoles qui constitua l'objet principal d'un procès qui dura plus de quatre ans à Berne, et où il fut irréfutablement que le Congrès de Bâle n'avait rien de commun avec les Protocoles.

La deuxième communication fut faite par le Capitaine Müller von Hausen. Sous le nom de Gottfried Zur Beck, celui-ci publia en 1919 la première traduction en allemand des Protocoles, sous le titre « Les Secrets des Sages de Sion ». Il écrivit :

« Lorsqu'on apprit par les journaux que les Sionistes allaient se réunir à Bâle pour discuter de l'établissement d'un État juif en Palestine", le chef du Service Secret russe à Paris. Ratchkovsky, y envoya un espion, aux dires d'un Russe qui occupa pendant de longues années un poste important dans un Ministère à Saint-Pétersbourg. Cet espion corrompit un juif qui avait la

confiance des « Représentants de Sion ». A la fin de la séance, ce Juif était chargé de porter les décisions prises et inconnues des non-israélites, à la Loge juive de Francfort-sur-le-Mein, loge /un fondée le 16 août 1807 sous le nom « A l'Aurore Naissante », et qui, depuis un siècle, assurait la liaison avec le Grand-Orient de France. Ce voyage facilita grandement la trahison projetée. Le messager passa la nuit dans une petite ville où le Russe l'attendait avec un groupe de copistes qui se mirent immédiatement à la besogne, mais ne purent copier en une seule nuit tout le manuscrit. L'original était en français. »(Beck modifia plusieurs fois son récit, nous citons ici la huitième édition de 1923).

Les recherches faites à ce sujet ont prouvé irréfutablement que ce rapport, que Beck aurait reçu du général russe Kourloff avait été inventé de toutes pièces. D'après la déclaration faite au Welt-Dienst (Service Mondial) ‑ dans une lettre du 13 juillet 1936 destinée au Tribunal de Berne ‑ par l'ancien Attaché Impérial russe Andreï Petrovitch Ratchkovsky (1886‑1941), fils du Conseiller d'État décédé en 1910, son père n'avait jusqu'en 1906, année où il prit connaissance de l'ouvrage, aucune idée de l'existence des Protocoles. Andreï Ratchkovsky possédait également les archives complètes de son père, c'est-à-dire les archives de l'agence de la police secrète russe à Paris, que dirigeait celui-ci. Or, dans aucun document ni dates aucune correspondance existe-t-il une allusion, ni aux fameux Protocoles, ni à une mission secrète de Ratchkovsky au Congrès de Bâle. Il faut encore ajouter que le Gouvernement Soviétique mit tous les documents concernant l'activité de Ratchkovsky à la disposition du Tribunal de Berne à l'occasion du procès. On ne trouva, ni dans les archives de Saint-Pétersbourg ni dans celles de Moscou, un seul document prouvant que Ratchkovsky avait eu des rapports de quelque nature que ce fût avec le Congrès de Bâle, ou établissant un lien entre lui et les Protocoles.

La lutte de Judas contre les Protocoles

Jusqu'à la fin de la Grande Guerre, les Protocoles étaient inconnus en dehors de la Russie. La situation commença seulement à devenir gênante à partir de fin 1919, époque où des traductions des Protocoles furent mises en vente en Allemagne. D'autres traductions suivirent en 1920 en Amérique du Nord et en Angleterre. La première édition anglaise,. qui parut à Londres sous le titre « The Jewish Peril, Protocols of the Learned Elders of Zion ». (Le péril juif, Protocoles des Sages de Sion), attira l'attention du « Times », qui prit position dans son numéro du 8 mai 1920). On peut y lire entre autres :

« Le « Times » n'a pas encore analysé ce curieux petit livre. Mais sa diffusion augmente de plus en plus, sa lecture est faite pour inquiéter ceux qui savent réfléchir. Remarquons que certains traits essentiels du prétendu programme juif offrent une analogie troublante avec les événements actuels... Que sont donc en

réalité ces Protocoles ? Sont-ils authentiques ? Et si oui :: quelle Assemblée malveillante a-t-elle forgé ces plans ? S'agit-il d'un faux ?? Si oui, comment expliquer cette note prophétique et lugubre, ces prédictions qui sont, sait partiellement réalisées, soit en cours de réalisation ?... De telles questions ne peuvent être éludées par, un simple haussement d'épaules... Une enquête impartiale s'impose... Si l'on en juge d'après le texte, il semble que les Protocoles aient été écrits par des Juifs et pour des Juifs. »

« L'enquête impartiale » fut faite par les Juifs et, en 1920, trois articles de journaux, qui devaient donner l'impression que les auteurs avaient procédé à des recherches indépendamment les uns des autres, parurent dans trois pays différents.

Le 25 février 1921, « The American Hebrew » (L'Hébreu Américain) de New-York publiait une interview que l'ex-princesse Catherine Radziwill (née en 1858) avait accordée au gérant de ce journal et au rabbin de New-York, Isaac Landmann. Elle déclara que les Protocoles avaient été rédigés après la guerre russo-japonaise (1904-1905) et après le déclenchement de la première révolution russe de 1905, par le Conseiller d'État Pierre J. Ratchkovsky chef de la police secrète russe à Paris, en collaboration avec son agent Mathieu Golovinsky Ce dernier lui avait montré

Le « fabricant des Protocoles » Mathieu Golovinski, à Paris, en 1907.

C'est la plus célèbre -- et la plus tragique -- des falsifications du XXe siècle, à la base du mythe antisémite du « complot juif mondial ». Le texte des Protocoles des Sages de Sion vient de livrer son dernier mystère: un historien russe, Mikhail Lépekhine, a établi l'identité de son auteur, grâce aux archives soviétiques. Elle permet de comprendre pourquoi il a fallu attendre si longtemps pour connaître cet épilogue: le faussaire, Mathieu Golovinski, qui a effectué sa besogne à Paris, au début du siècle, pour le représentant en France de la police politique du tsar, était devenu, après la révolution russe de 1917, un notable bolchevique... La découverte de ce sinistre pied de nez historique permet de combler les dernières lacunes dans l'histoire d'une imposture qui, après avoir fait beaucoup de ravages en Europe, connaît un destin encore florissant dans beaucoup de régions du monde.

© Coll.M.Lepekjine
Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles. Serge Alexandrovitch Nilus, écrivain mystique et orthodoxe, premier éditeur des Protocoles.

Les Protocoles sont en fait « lancés » dans le grand public par le Times de Londres du 8 mai 1920, dont un éditorial intitulé « Le Péril juif, un pamphlet dérangeant. Demande d'enquête» évoque ce « singulier petit livre », auquel il semble accorder du crédit. Le Times se rattrape un an plus tard, en août 1921, en titrant « La fin des Protocoles » et en publiant la preuve du faux. Le correspondant à Istanbul du quotidien britannique avait été contacté par un Russe blanc réfugié en Turquie qui, visiblement bien informé, lui avait révélé que le texte des Protocoles était le décalque d'un pamphlet français contre Napoléon III. Une vérification rapide avait prouvé la falsification: les Protocoles reprenaient effectivement le texte du Dialogue aux Enfers entre Machiavel et Montesquieu, publié à Bruxelles en 1864 par Maurice Joly, un avocat antibonapartiste qui voulait montrer que l'empereur et ses proches complotaient pour s'emparer de tous les pouvoirs de la société française. Utilisant ce texte oublié qui avait valu deux ans de prison à Maurice Joly, le faussaire des Protocoles avait remplacé « la France » par « le monde » et « Napoléon III » par « les juifs ». La supercherie, grossière, éclatait par simple comparaison ligne à ligne des deux textes. Le faux était dévoilé, mais le mystère de son origine demeurait. On savait simplement que le texte original était rédigé en français et l'on supposait qu'il avait pu être fabriqué au tout début du siècle, à Paris, dans les milieux de la police politique russe.

C'est dans les archives du Français Henri Bint, agent des services russes à Paris pendant trente-sept ans, que Mikhail Lépekhine a vérifié que Mathieu Golovinski était le mystérieux auteur du faux. Recevant en 1917 à Paris Serge Svatikov, l'envoyé du nouveau gouvernement russe de Kerenski chargé de démanteler les services secrets tsaristes et de « débriefer » -- et parfois retourner -- ses agents, Henri Bint lui explique que Mathieu Golovinski était l'auteur des Protocoles et que lui-même a notamment été chargé de la rémunération du faussaire. Le dernier ambassadeur du tsar, Basile Maklakov, étant parti avec les archives de l'ambassade, qu'il donnera en 1925 à la fondation américaine Hoover, Serge Svatikov achète à Henri Bint ses archives personnelles. Rompant ensuite avec les nouveaux dirigeants bolcheviques, Svatikov dépose les archives Bint à Prague, dans le fonds privé des « Archives russes à l'étranger ». En 1946, les Soviétiques mettent la main sur ce fonds qui rejoint à Moscou les archives d'Etat de la Fédération de Russie.

Une petite ruse de l'Histoire
Le secret de Golovinski est donc préservé jusqu'à l'effondrement du communisme et l'ouverture générale des archives, en 1992. Le faussaire antisémite étant en effet devenu « compagnon de route » des bolcheviques dès 1917, les Soviétiques n'ont eu aucune envie de révéler cette petite ruse de l'Histoire, qui semble encore gênante aujourd'hui, puisque la découverte de Mikhail Lépekhine, révélée en août dernier par Victor Loupan dans Le Figaro Magazine, n'a suscité aucun intérêt dans la grande presse française.

© J-P Couderc/L'Express
Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles. Pierre-André Taguieff, directeur de recherche au CNRS et auteur de l'étude la plus complète sur les Protocoles.

Grâce à sa connaissance détaillée de l'itinéraire de l'auteur des Protocoles, Mikhail Lépekhine peut aujourd'hui, au terme de cinq années de recherches, retracer complètement les circonstances et les objectifs de la fabrication de ce faux. Né le 6 mars 1865 à Ivachevka, dans la région de Simbirsk, Mathieu Golovinski est issu d'une famille aristocratique descendant d'un croisé, le comte Henri de Mons. Famille bien née, mais turbulente: « Le grand-oncle de Mathieu Golovinski fut condamné à vingt ans d'exil en Sibérie pour sa participation au complot antimonarchiste des décembristes et Basile, son père, proche de Dostoïevski, fut condamné à mort et gracié en même temps que l'écrivain, après un simulacre d'exécution », raconte Mikhail Lépekhine. Libéré après s'être engagé plusieurs années comme soldat dans la guerre du Caucase, Basile meurt dépressif en 1875, laissant le petit Mathieu Golovinski entre les mains de sa mère et d'une gouvernante française qui en fait un excellent francophone. Etudiant en droit désinvolte, mais habile et sans grands scrupules, Mathieu Golovinski semble très tôt doué pour l'intrigue. Le jeune arriviste parvient à entrer en contact avec le comte Vorontsov-Dahkov, proche du tsar et ministre à la cour: convaincu de la menace d'une conspiration, le comte a fondé, après l'assassinat d'Alexandre II, la Sainte-Fraternité, organisation secrète répondant à la terreur par la terreur et la manipulation. La Sainte-Fraternité fut en effet l'une des premières « forgeries » de faux documents, fabricant notamment de faux journaux révolutionnaires.

Nommé fonctionnaire à Saint-Pétersbourg, Mathieu Golovinski travaille dans les années 1890 pour Constantin Pobiedonostsev, procureur général du Saint-Synode et l'un des inspirateurs d'Alexandre III. Chrétien militant, le dignitaire orthodoxe a mis sur pied un programme d'évangélisation d'un peuple païen de la Volga, les Tchauvaches, en compagnie de l'oncle de Mathieu Golovinski et d'Ilya Oulianov, père du futur Lénine. « Constantin Pobiedonostsev est obsédé par l'invasion de l'appareil d'Etat par les juifs, qu'il juge "plus intelligents et plus doués" que les Russes », explique Mikhail Lépekhine. C'est par son intermédiaire que Mathieu Golovinski travaille pour le Département de la presse, officine chargée d'influencer les journaux en remettant à leurs directeurs des articles prêts à publier, voire en les obligeant à salarier certains de ses agents, qui, mi-mouchards, mi-journalistes, censurent de l'intérieur la presse et surveillent sa « ligne ». Le chef de ce Département de la presse, Michel Soloviev, antisémite fanatique, fait de Golovinski son « deuxième rédacteur ». « Golovinski a la plume très facile. Il est doué et assume pendant cinq ans cette fonction trouble avec aisance, en dilettante doué et en jouisseur », précise Mikhail Lépekhine, qui a lu nombre de ses textes de l'époque.

Cette agréable sinécure échappe brutalement à Mathieu Golovinski: Soloviev meurt et Pobiedonostsev n'a plus la même emprise sur le nouveau tsar, Nicolas II, qui paraît désireux d'instaurer un style différent. Les hommes de l'ombre changent et Golovinski se fait traiter publiquement de « mouchard » par Maxime Gorki. Il s'exile à Paris, ville qu'il fréquente depuis longtemps, et trouve le même type de « travail » auprès d'un ancien de la Sainte-Fraternité, Pierre Ratchkovski, qui dirige les services de la police politique russe en France. « Golovinski est notamment chargé d'influencer les journalistes français dans leur traitement de la politique du tsar. Il lui arrive ainsi d'écrire des articles qui passent dans de grands quotidiens parisiens sous la signature de journalistes français! » précise Mikhail Lépekhine. Toujours aussi actif, il complète ces activités en publiant en 1906, aux éditions Garnier, un dictionnaire anglais-russe plagié d'une édition russe, entreprend des études de médecine durant trois ans et connaît une vie aisée à Paris, grâce à une pension que continue à lui verser sa mère, tout en dissimulant cette hyperactivité sous les apparences tranquilles d'un banlieusard résidant à Bourg-la-Reine jusqu'en 1910.

Un intrigant au service des puissants
La propagande contre-révolutionnaire à destination des élites politiques françaises est l'une des activités principales de Ratchkovski, qui a créé à Paris une Ligue franco-russe: les relations entre les deux pays constituent alors un enjeu primordial et l'ancien de la Sainte-Fraternité conserve les obsessions du clan orthodoxe ultra-réactionnaire, qui veut convaincre le tsar qu'un complot judéo-maçonnique se cache derrière le courant libéral et réformateur. Or Nicolas II, moins perméable à cette thématique que ses prédécesseurs, se montre préoccupé par les critiques occidentales relatives à la politique russe de discrimination à l'égard des juifs. Ratchkovski a donc l'idée d'une manœuvre destinée à convaincre le tsar du bien-fondé des préventions antisémites. Sous l'influence d'Ivan Goremykine, ancien ministre de l'Intérieur en disgrâce, il veut notamment que le tsar se débarrasse du comte Sergueï Witte, chef de file des modernisateurs au sein du gouvernement. Il s'agit donc de produire une « preuve » décisive de ce que la modernisation industrielle et financière de la Russie est l'expression d'un plan juif de domination du monde.

D'où la commande de Ratchkovski à Golovinski d'un faux -- un parmi tant d'autres, pour ce polygraphe doué -- destiné à l'origine à un seul lecteur: le tsar. En effet, Ratchkovski semble avoir imaginé une habile manœuvre: sachant que le mystique Serge Nilus a des chances de devenir le nouveau confesseur du tsar, il pense faire remettre à Nicolas II son faux manuscrit antisémite par cet intermédiaire de confiance. Selon Mikhail Lépekhine, c'est donc à Paris, à la fin de 1900 ou en 1901, que Golovinski rédige les Protocoles en se servant du pamphlet de Maurice Joly contre Napoléon III. Mais le stratagème tombe à l'eau: Serge Nilus n'est pas nommé confesseur. Il conserve cependant le texte, qu'il publiera en 1905 en annexe de l'un de ses ouvrages, Le Grand dans le Petit. L'Antéchrist est une possibilité politique imminente, qui est remis au tsar et à la tsarine. Ce livre explique que, depuis la Révolution française, un processus apocalyptique s'est enclenché, qui risque de déboucher sur la venue de l'Antéchrist.

« La rédaction des Protocoles ne constitue qu'un moment dans l'existence de Golovinski, précise Mikhail Lépekhine. Je ne pense pas qu'il se soit rendu compte de la portée de son travail. Ainsi, lors de leur élaboration, il en parle et en lit des passages à une amie de sa mère, la princesse Catherine Radziwill. Réfugiée aux Etats-Unis, celle-ci est la seule, dans les années 20, à désigner, dans une revue juive, Golovinski comme l'auteur des Protocoles. Mais elle n'a pas de preuve et son témoignage, comportant beaucoup d'erreurs, n'est pas retenu. » Il en est de même lors d'un procès tenu à Berne, en 1934, à la demande de la Fédération des communautés juives de Suisse, qui voulaient établir la fausseté des Protocoles, alors diffusés par les nazis suisses: « Le nom de Golovinski est mentionné tant par Serge Svatikov que par le journaliste d'investigation Vladimir Bourtsev, tous deux témoins cités par les plaignants », ajoute Pierre-André Taguieff.

Mathieu Golovinski poursuit sa vie d'intrigant au service des puissants du jour qui veulent bien employer ses talents. De retour en Russie, il travaille ainsi pour Ivan Tcheglovitov, ministre de la Justice, puis pour Alexandre Protopopov, qui devient ministre de l'Intérieur en 1916. Il publie aussi, en 1914, un ouvrage de propagande, Le Livre noir des atrocités allemandes, signé « Dr Golovinski ». Car il se fait désormais passer pour médecin, sans avoir pourtant obtenu aucun diplôme après ses études parisiennes.

La « preuve » du « complot juif »
La chute du tsarisme ne saurait ébranler un si bon nageur en eau trouble. Il se retrouve dès 1917... député d'un soviet de Petrograd (Saint-Pétersbourg): le Dr Golovinski est célébré par les révolutionnaires comme le premier des rares médecins russes à avoir approuvé le coup d'Etat bolchevique! La carrière de ce « médecin rouge » est, dès lors, fulgurante: membre du Commissariat du peuple à la santé et du Collège militaro-sanitaire, c'est un personnage influent du nouveau régime dans sa politique de santé. Il participe au lancement des pionniers (les membres d'une organisation d'embrigadement de la jeunesse), conseille Trotski pour la mise en place de l'enseignement militaire et fonde en 1918 l'Institut de culture physique, future pépinière de champions soviétiques, dont il prend la direction. Devenu notable, il ne profite pas longtemps de son nouveau pouvoir et meurt en 1920, au moment précis où ses Protocoles commencent à connaître un grand succès grâce à leurs traductions anglaise, française et allemande.

La Première Guerre mondiale, la révolution russe et le chaos en Allemagne semblent confirmer les prophéties du faux antisémite: l'histoire dramatique dans laquelle sont plongées l'Europe et la Russie ont un effet d'authentification de ce texte, dont un exemplaire est d'ailleurs trouvé dans la chambre de la tsarine après le massacre de la famille de Nicolas II -- indice, pour certains Russes blancs antisémites, qu'il s'agit bien d'un crime « judéo-bolchevique »... La démonstration de la falsification apportée par le Times n'entame pas le crédit des Protocoles, qui ne cessent d'être présentés en Europe comme la « preuve » du « complot juif international », tout au long des années 30. Le faux fait l'objet de nombreuses éditions, qui ne se limitent plus aux organes antisémites. Ainsi, en France, c'est une maison d'édition reconnue, Grasset, qui les édite, dès 1921, avec de nombreuses réimpressions jusqu'en 1938. Aux Etats-Unis, c'est le constructeur automobile Henry Ford, qui, croyant à leur authenticité, les diffuse à travers sa presse.

La propagande nazie exploite et diffuse les Protocoles. En 1923, Alfred Rosenberg leur consacre une étude et, dans Mein Kampf (1925), Adolf Hitler écrit que « les Protocoles des Sages de Sion -- que les juifs renient officiellement avec une telle violence -- ont montré de façon incomparable combien toute l'existence de ce peuple repose sur un mensonge permanent », ajoutant que s'y trouve exposé clairement « ce que beaucoup de juifs peuvent exécuter inconsciemment ». Dès leur arrivée au pouvoir, en 1933, les responsables nazis confient à leur office de propagande la tâche de diffuser les Protocoles et de défendre la thèse de leur authenticité.

Après la fin de la Seconde Guerre mondiale, les Protocoles, désormais interdits dans la plupart des pays européens, entament une seconde carrière, consécutive à la création de l'Etat d'Israël. Une première édition en arabe paraît au Caire en 1951*. Suivie de nombreuses autres, dans toutes les langues, y compris en français, dans la plupart des pays musulmans. Les Protocoles servent alors à dénoncer un « complot sioniste ». « Selon cette réutilisation, si les fiers et valeureux Arabes ont pu être vaincus par les juifs lâches et fourbes, c'est en raison d'un complot international de forces occultes organisées par les sionistes », explique Pierre-André Taguieff. « Les Protocoles constituent un modèle réduit de la vision antijuive du monde la plus propre à la modernité, vision centrée sur le thème de la domination planétaire. La référence publique aux Protocoles est, par exemple, aujourd'hui présente dans les textes et les discours du FIS algérien et du Hamas palestinien », ajoute le chercheur, qui a établi la plus importante bibliographie des éditions récentes de ce faux insubmersible.

L'ennemi absolu, diabolique et mortel
Bibliographie qui ne cesse de s'enrichir et ne se limite pas aux pays arabes. Le texte reparaît publiquement dans beaucoup d'Etats ex-communistes -- il est en vente libre à Moscou -- et fait l'objet d'éditions récentes en Inde, au Japon ou en Amérique latine, avec une large diffusion. Loin d'être reclus dans d'obscures officines, comme c'est désormais le cas en Europe, il est, par exemple, en vente dans certains kiosques de Buenos Aires. Dans ces pays, la survie de ce texte n'a pas été affectée par la fin de la Seconde Guerre mondiale, tout comme la démonstration du plagiat qui le constitue n'avait pas empêché son utilisation contre le « judéo-bolchevisme ». C'est la force de ce « Nostradamus antisémite » que de transcender toute réfutation rationnelle. Pierre-André Taguieff y voit l'expression la plus efficace du « mythe politique moderne » du « juif dominateur »: « Par sa structure -- la révélation du secret des juifs par un texte confidentiel qui leur est prétendument attribué -- le texte des Protocoles satisfait au besoin d'explication, en donnant un sens au mouvement indéchiffrable de l'Histoire, dont il simplifie la marche en désignant un ennemi unique. Il permet de légitimer, en les présentant comme de l'autodéfense préventive, toutes les actions contre un ennemi absolu, diabolique et mortel qui se dissimule sous des figures multiples: la démocratie, le libéralisme, le communisme, le capitalisme, la république, etc. Le succès et la longévité des Protocoles, fabriqués à l'origine pour des enjeux limités à la cour de Russie, tiennent paradoxalement au manque de précision du texte, qui peut facilement s'adapter à tous les contextes de crise, où le sens des événements est flottant, indéterminable. D'où ses permanentes réutilisations. »

1. Les Protocoles des Sages de Sion, par Pierre-André Taguieff. Tome I : Un faux et ses usages dans le siècle (408 p.); tome II : Etudes et documents (816 p.). Berg International, 1992.


* [Note de PHDN] Les premières éditions en arabe des Protocoles datent du début des années vingt, en non de 1951, et leur diffusion « joue un rôle décisif dans l'imprégnation antijuive des élites politiques et culturelles des pays arabes »; Pierre-André Taguieff, Les Protocoles des Sages de Sion, op. cit., tome I, p. 295. En fait, 1951 est la date de la première traduction due à des arabes musulmans (les précédentes traductions en arabes étaient dues à des arabes chrétiens). Voir Bernard Lewis, Sémites et antisémites, Presses Pocket, 1991, p. 258.


Nous remercions vivement L'Express de nous avoir autorisé à reproduire cet article sur le site PHDN

Bibliographie complémentaire sur les Protocoles

Norman Cohn, Histoire d'un mythe, la « conspiration » juive et les protocoles des sages de Sion, Gallimard, Folio Histoire, 1992 -- 1ère édition 1967

Henri Rollin, L'apocalypse de notre temps, Éditions Allia, 1991 -- 1ère édition 1939

Renée Neher-Bernheim, « Le best-seller actuel de la littérature antisémite: Les Protocoles des Sages de Sion », Pardès, 8, 1988.

Binjamin W. Segel, A lie and a libel, The History of the Protocols of the Elders of Zion, University of Nebraska Press, 1995 -- 1ère édition (en allemand) 1926.

Philip Graves, « The Truth about the Protocols: A Literary Forgery », The Times of London, 16-18 août 1921; Sur le web avec une introduction (2000) de Gordon Fisher: http://www.h-net.msu.edu/~antis/doc/graves/graves.a.html

Liens

Excellent dossier, « Les Protocoles et le "complot juif" » par Paul-Éric Blanrue, sur le site du cercle zéthétique.

L'étude, en anglais de Léon Zeldis, « The Protocols of the Elders of Zion Anti-Masonry and Anti-Semitism ».

Michael Hagemeister, « Sergej Nilus und die "Protokolle der Weisen von Zion" ». Michael Hagemeister est actuellement le meilleur spécialiste de l'histoire des Protocoles des sages de Sion. Il publie principalement en allemand.

Le récit par Alexandre du Chayla de sa rencontre avec Serguéi Alexandrovitch Nilus vers 1909. Nilus lui montra le manuscrit « original » des Protocoles.

L'histoire des Protocoles, sur le site du CICAD.

Ils agissent comme si l’Univers leur appartenait

« La Planète (ET UNE VIE DÉCENTE POUR TOUS SANS EXCEPTION) n'est pas le monopole des riches et des puissants, mais propriété commune, même si cette notion n'est pas inscrite dans le droit romain, ni dans le Code civil », René Dumont, dans « L'utopie ou la mort ».

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